Mohamed SNEIBA

Après la fête : on fait les comptes.

Ouguiyas (crédit photo: Africatime.com

La fête est maintenant derrière non. Ou plutôt non. Certes le mouton du sacrifice a bien été consommé, les beaux habits portés avec panache et parfois un brin d’orgueil et les rencontres entre membres d’une même famille, proches et amis vécus comme les meilleurs moments de la vie. Maintenant, les pères de familles sont laissés seuls face à l’après fête.

Et oui, les bobos ne font que commencer. Il faut solder toutes ces dépenses – extravagantes – qui ont occasionné des  » trous  » comme on dit dans les trésoreries des ménages et qu’il va falloir combler. Avec toutes sortes de gymnastiques. Dans la salle des professeurs d’un lycée privée de Nouakchott, deux enseignants ont entamé, ensemble, cette macabre opération de calcul des dépenses de la fête.

Tous deux disent avoir dépensé des centaines de milliers d’ouguiyas pour l’occasion, ce qui est fort probable, les professeurs devenant, au fil des ans, membres à part entière de la classe aisée nouakchottoise.

Un bon prof de maths, de physique ou de français gagne facilement un revenu mensuel de 500.000 UM (1250 euros) ! Les cours à domicile rapportent mais aussi les cours de rattrapage dispensés en groupe, aux heures du soir, dans les locaux de l’établissement.

Ceci dit, il y a des pères de familles qui sont loin d’avoir les mêmes opportunités que celles offertes par le secteur privé aux enseignants et aux praticiens de la santé. Dans plusieurs cas, le système D ne fonctionne que passablement.

Les revenus dépendent de plusieurs paramètres comme la circulation de l’argent à la veille des fêtes (dans les bourses de voitures, les ventes montent en flèche), la période (les vacances diminuent l’intensité des affaires à Nouakchott, tout le monde ayant « fui » vers la campagne) ou encore l’approche d’élections qui font que les riches sont plus enclins à prêter aux pauvres !

Parce qu’ils auront besoin de leurs voix sous peu. Pour occuper l’un de ces postes électifs qui sont l’un des meilleurs sésames auprès du pouvoir et partant le moyen le plus sûr pour récupérer la mise. Comme quoi, la politique est un investissement qui peut rapporter gros, surtout dans un pays comme la Mauritanie où le niveau de conscience du peuple se limite à la compréhension des luttes épisodiques entre ceux qui se réclament de la Majorité et ceux qui s’opposent au pouvoir.

Pour cette fête donc, les mauritaniens bien que préoccupés par la santé du président, et les conséquences qu’elle peut avoir sur la gestion des affaires publiques, n’ont pas dérogé à la règle. Qu’on soit pauvre ou riche, le rituel des dépenses de fête a été respecté. Le présent comptait plus que l’’avenir et, maintenant que la fête est devenue du passé, l’on se soucie, paradoxalement, de son être-là qui ne peut pas attendre. Il faut manger et boire, payer sa facture d’eau et d’électricité, se soucier de la santé des enfants. Il faut survivre. Jusqu’à la prochaine fête.

 

Sneiba.


Informel : « Tieb-tieb » quand tu nous tiens

Jeunes « tieb-tiaba » (apprentis en affaires) au Marché du Portable de Nouakchott

« Tieb – tieb.» Ce mot qui signifie, dans les quatre coins de la Mauritanie, « débrouillardise », caracole sans doute en tête des expressions les plus usitées dans le pays. Un « tieb – tiab » est celui qui, comme dirait Baudelaire, sait « pétrir de la boue pour en faire de l’or. » Le terme n’a aujourd’hui rien de péjoratif. Il se confond même avec le sens des affaires et la gloire qui accompagne toute réussite à partir de rien. Le « tieb – tieb » constitue un domaine d’auto – emploi pour des milliers de jeunes Nouakchottois dans un pays où le chômage touche près de 32% de cette frange

 

Au Marché « Tieb – tieb » de Sebkha (5ème Arrondissement de Nouakchott), tout se vend et s’achète : fripes venant d’Europe ou du Sénégal voisin, téléviseurs, vidéocassettes et radios de seconde main, cuisinières, frigidaires, « salons » (matelas, tapis et coussins).

« A sa naissance, commente Fadel, un militaire encore en service exposant un boubou passé sans doute plus de dix fois chez le blanchisseur, le marché « tieb – tieb » traînait une mauvaise renommée. On disait que tout objet volé le matin pouvait être récupéré le soir dans ce lieu où la police faisait souvent plusieurs descentes par jour. Aucun objet de valeur n’était acheté ou vendu sans témoins.

Vingt ans plus tard, le « commerce » a adouci les mœurs. Le marché « Tieb – tieb » n’est plus ce repère de bandits où tous les objets volés aux riches Nouakchottois sont bradés à une classe moyenne peu regardante. Les « tieb – tiaba » sont maintenant des hommes de plus en plus jeunes, souvent des sortants de l’université de Nouakchott ou des « échoués » du bac. Le commerce s’organise. Les affaires, le « tieb-tieb », se traitent toujours en plein air mais les dizaines de boutiques qui ceinturent le « Wall Street » mauritanien ne désemplissent pas. Assis devant sa boutique de fripes, Abda guette les jeunes venus chercher le « premier choix » de chemises et pantalons qu’on ne retrouve plus dans les ballots des vêtements usagers importés d’Europe et d’Amérique par la Maison Kharchy et les commerçants Soninké. Les produits chinois dont regorgent les boutiques du Grand Marché de la Capitale n’attirent plus les jeunes, friands de chemises et de chaussures de marques françaises ou italiennes.

D’autres commerces informels viennent compléter le décor babylonien du Marché « Tieb – tieb. » Des coiffeurs ghanéens, nigérians, gambiens ou libériens proposent des coiffures « miyé » (100 UM), alors que dans les salons huppés il faut débourser cinq à dix fois plus. Des vendeuses de riz, de fruits et de boissons locales organisent des festins aux centaines de vendeurs et de visiteurs.

Ainsi ce marché, que l’on compte parmi les plus fréquentés de la capitale mauritanienne, est devenu un « centre d’affaires » où des milliers de jeunes à la recherche d’un moyen de survie s’activent chaque jour.

La définition de la « débrouillardise » en Mauritanie se confond avec les pratiques peu orthodoxes, comme le détournement des biens publics ou les sales tours qu’on peut jouer aux autres. Ce que chez Maures ont appelle « tvegrich » (la témérité). La famille mauritanienne, dans le milieu urbain surtout, connaît une certaine perte des valeurs. Le vieux code d’honneur nomade n’est plus aussi répandu. La manière de voir les choses, cinquante ans après l’indépendance dela Mauritanie, est pratiquement celle qui a permis le passage du « tieb-tieb », au sens économique du terme, au nomadisme politique actuel.

 

Sneiba Mohamed

 

 


Rassurer Messeaoud…et le peuple ?

Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale de Mauritanie (crédit photo:jeuneafrique.com)

Messaoud a parlé avec le président Aziz ! C’est Messaoud qui le dit, et on ne peut que le croire. Même si cela n’ôte rien à nos appréhensions. Pourquoi maintenant et pas il y a cinq jours, quand le rais avait l’occasion de parler à tous les mauritaniens, à l’occasion de la célébration d’Id El Adha ? De deux choses l’une, soit il était très mal en point, et ne pouvait parler. Au quel cas, le président est encore dans une situation d’incapacité physique qui pousse l’opposition radicale à demander l’avis du Conseil Constitutionnel sur la vacance du pouvoir. Ou bien cet entretien téléphonique réservé seulement à Messaoud, à vingt-quatre heures d’une manifestation de la Coordination de l’opposition démocratique ((COD) a un objectif propagandiste certain. Faire casser l’élan de solidarité  « opposante » en voie de reconstruction entre la COD et la CAP (Coalition pour l’Alternance Pacifique).

Pourtant, si l’on veut vraiment analyser de plus près cet entretien qui tombe  à pic pour « sauver » le pouvoir, les premiers mots de Messaoud ne sont pas si rassurants qu’on veut le faire croire : « j’ai parlé avec le président et me suis assuré qu’il est encore en vie ». Preuve de vie, oui, mais est-il encore capable de gouverner ? Rien n’est moins sûr. L’entretien n’a duré que cinq minutes et la voix présidentielle était faible, ce qui laisse croire qu’il n’a pas encore complètement récupéré.

Autre suspicion : Messaoud dit  avoir « négocié » un contact avec Aziz depuis quelque temps par le biais du Premier ministre alors pourquoi maintenant ? On revient toujours à la même réponse : Manipulation politique.

SNEIBA


Pouvoir : Succession ouverte ?

Le président Aziz à l’hôpital militaire de Nouakchott, le 13 octobre 2012 (Crédit photo: afriquemonde.org)

Les jours passent et avec eux leur lot d’interrogations. Une question devient de plus en plus prégnante, celle de savoir si le président Mohamed Ould Abdel Aziz va encore revenir au pouvoir. Avec toutes ses capacités physiques et intellectuelles qui lui ont permis, depuis le 03 août 2005, d’être, véritablement, l’homme fort de la Mauritanie. La réponse à cette question, et à tant d’autres, n’est vraiment pas facile à l’heure actuelle. Du fait même que les informations sur l’état de santé du président sont quasi inexistantes, ce qui ouvre la brèche à toutes sortes de supputations. Par exemple, que la succession de l’homme aux deux coups d’état se prépare déjà. A deux niveaux : celui de l’Armée, où les généraux du Haut Conseil de Sécurité se mettraient déjà à envisager l’après Aziz, et de la Majorité présidentielle qui, tout en continuant à défendre les « acquis » à travers la continuation d’un semblant de gestion du pouvoir par le président absent-présent, et à travers la mise en avant du Premier ministre et des membres du Gouvernement, se prépare aussi au pire.

D’ailleurs, cette ambivalence au niveau du camp du président n’a pas échappé à la Coordination de l’Opposition Démocratique COD). Le président en exercice de celle-ci, Saleh Ould Hannena, parle déjà de  rudes batailles au sein du camp présidentiel sur l’héritage du rais malade.

Pour le président du parti « Hatem », la Coalition de la Majorité Présidentielle (CPM) cache mal son jeu. Et les divisions qui la minent. Entre ceux qui appellent déjà à la tenue d’élections présidentielles anticipées, enterrant déjà le président, politiquement au moins, et ceux qui entrent déjà dans une sorte de période de «  veillée funèbre », et attendent que les généraux dévoilent leurs intentions, le torchon brûle. Détournant même les regards de ce qui faisait jusqu’à présent l’essentiel de la crise politique en Mauritanie,  à savoir la volonté de la COD de « « dégager » Aziz et les ripostes musclées du pouvoir. Et ça continue : Alors que l’opposition se prépare à redescendre demain jeudi dans la rue pour réclamer la proclamation de la vacance du pouvoir, le président Aziz, s’entretient au téléphone, depuis son lit d’hôpital, en France, avec le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir !

Sneiba Mohamed


La maladie du Rais : L’info qui vient d’ailleurs

Ould Abdel Aziz à l’hôpital militaire Percy (Crédit photo: AMI)

Après avoir peiné – vraiment – à avoir des informations crédibles sur la situation de Notre Président, on se voit obligé, maintenant, de scruter l’horizon des médias internationaux. Et, pour une fois, la « Vérité » n’émane pas d’Al Jazeera ou de Rfi, les deux premières références en Mauritanie (pour les communautés arabophone et francophone) mais de la lointaine Kuweit City. Le journal « Al Amba » accorde un espace important (puisque c’est une première du genre) au président mauritanien, à sa santé et à l’état de psychose généralisée qu’il a laissée derrière lui, le 13 octobre dernier, quand l’on a pris la décision (qui ?) de l’évacuer dare-dare vers la France. Et certainement aussi que cette information « de première main », va faire le tour des salons de Nouakchott. Un peu comme le fut, il y a quarante-huit heures celle du site sénégalais Dakaractu, qui a fait  oublier aux mauritaniens que ce journal cite, comme source, un diplomate mauritanien ! Autant dire personne parce qu’il est devenu très facile – trop même – de rechercher le sensationnel en disant : selon un proche, selon un diplomate, selon une source familiale, selon un officier, selon, selon…Et l’on continue à se perdre en conjonctures. A deviser. A deviner. Donc à se  tromper.

Ici à Nouakchott, la bataille rangée s’organise sur le plan médiatique entre la Majorité et l’Opposition. Chaque camp veut faire croire qu’il détient La Vérité, accusant l’autre de manipulations et même de fourberie. On affûte ses armes pour le second round.  Celui où l’on sera obligé de dire si oui ou non le président va revenir pour reprendre son fauteuil vacant. Depuis deux semaines. Ça au moins, personne ne peut le contredire. S’il n’y a pas vacance du pouvoir – pas pour l’instant – il y a quand même vacances du Gouvernement. Eh oui, où sont-ils passés tous ces « ministrés » de la République ? De qui reçoivent-ils les ordres pour la gestion des affaires courantes ? Même ça, on n’est pas en mesure de le savoir. Je vous l’ai dit, le pire est encore devant nous.

Sneiba


Quand la religion s’en mêle

Prière d’Id Al adha (crédit photo: Sahara médias.net)

L’imam de la « mosquée saoudienne » – la Grande Mosquée de Nouakchott – a, à l’occasion de la prière d’Id el Adha (fête du sacrifice) réitéré son soutien indéfectible au président Mohamed Ould Abdel Aziz et à sa politique. Il vient encore une fois d’ajouter un grain de poivre à la crise politique qui secoue le pays depuis l’élection présidentielle du 18 juillet 2009. En appelant les fidèles, dans sa khotba (prêche) à soutenir le président de la République, évacué en France après avoir été la victime d’un tir par méprise, si l’on en croit la version officielle, l’imam Ould Habibourahman, prend position, ouvertement, dans une querelle de politiciens. Certes, il ne fait que réitérer son soutien sans ambages à tout gouvernant, équivalent moderne du « waliyou el emr’ », mais il ajoute aussi à la division des Mauritaniens dont certains verront dans sa prise de position une sorte de parti pris. Sans raison.

Ce n’est pas la première fois que cet érudit mêle religion et politique. Il s’est toujours ingénié à donner son avis sur des questions politiques embarrassantes. Il l’a fait du temps de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, il le refait avec Aziz. Mais l’on peut douter que le «soutien» de l’Imam puisse avoir une quelconque influence sur les orientations politiques des Mauritaniens pourtant musulmans à 100% !

D’abord parce qu’il y a tant d’autres choses en contradiction flagrante avec l’orthodoxie musulmane qui mériteraient à être corriger. Peut-on dire que l’avis avisé de l’Imam Ould Habibourahman fustigeant la gabegie contre laquelle le président de la République affirme lutter avec l’énergie du désespoir, amènera les hauts responsables à se repentir ? Que non ! Quel est l’impact de la prise de position de cet érudit « officiel » sur la moralisation de la vie à Nouakchott où ses prêches du vendredi sont relayés par la radio et la télévision nationales ? C’est pour dire que l’appel au soutien du président Aziz est une caution religieuse, pas plus. Elle peut servir la propagande de l’Etat en avançant que les religieux, à travers l’une de leur sommité, bénissent la gestion actuel du pouvoir et discrédite une opposition qui, à leurs yeux, passe pour un empêcheur de tourner en rond. Mais est-ce qu’elle contribuera à faire affluer les citoyens hésitants ou complètement rangés dans les rangs de l’opposition, à se bousculer devant les portes du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) ? Rien n’est moins sûr.

La ligne suivie par Ould Lemrabott est la même que celle qu’il a adoptée depuis le coup d’Etat du 6 août 2008 : avec le pouvoir, qu’il soit démocratique ou pas. D’ailleurs, une telle attitude est jugée conforme à celle que prône la religion musulmane qui demande d’obéir au gouvernant (presque) en toutes circonstances. Mais sans impact réel sur le positionnement politique de la plupart des Mauritaniens, un tel prêche ne fait qu’ajouter une autre dimension à la crise politique qui secoue le pays. D’aucuns verraient dans le soutien de Lemrabott Ould Habibourahman une influence directe de la proximité connue du Cheikh Mohamed El Hacen Ould Deddew avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le Cheikh est le seul érudit à avoir été autorisé à rendre visite au rais aux premières heures de son arrivée à l’hôpital militaire blessé par balle et tout le monde se rappelle encore du rôle joué par le grand savant dans le règlement de l’affaire dite de la BCM (Banque centrale de Mauritanie) opposant l’Etat mauritanien à trois hommes d’affaires de la tribu de l’ancien président Taya chassé du pouvoir par le chef de sa garde présidentielle.

Cette sortie controversée de l’imam de la grande mosquée saoudienne rappelle celles qu’il avait faites à maintes autres occasions. En pleine crise entre partisans de la « Rectification » et opposants au coup d’Etat contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, il avait qualifié les manifestations dans les rues de Nouakchott d’illégales puisqu’elles contestent un pouvoir établi, dut-il l’être par la force. De même, l’imam avait qualifié les activités anti-esclavagistes de Biram Ould Abeid d’actions incitatives à la fitna (guerre civile) et donc de comportements contradictoires à l’esprit musulman qui prône la fraternité et la paix. C’est à peine si l’imam Ould Habibourahman n’a pas frappé d’apostasie les opposants au régime en place !

Alors, suivant le fil des idées de l’Imam, l’opposition n’a pas droit de cité en terre d’Islam. La logique voudrait donc que l’érudit puisse conseiller aux dirigeants du pays de mettre fin à cette « démocratie » qui permet de tels écarts contraires à la religion ! S’il ne le fait pas, on le taxera de ne pas dire toutes les vérités et de s’accommoder d’une situation pleine de paradoxes.

Du rapport de la religion avec la politique

Mais Ould Habibourahman n’est pas le seul érudit qui donne son point de vue, de par sa position d’imam de la plus grande mosquée de la capitale, sur la question très complexe des rapports entre la religion et la politique. En cela, il ne fait que suivre la voie tracée avant lui par bien d’autres (Cheikh Hamden Ould Tah, Isselmou Ould Sid’El Moustaph, Aboubecrine Ould Ahmed, etc.), tous d’anciens ministres de la République Islamique de Mauritanie.

Pourtant, le caractère hautement religieux de notre vie ne se ramène jamais, de manière explicite, à répondre à des questions du genre : la religion a-t-elle un mot à dire en politique ? Et peut-elle inspirer un projet de société ? C’est ce qui justifie d’ailleurs que, pendant longtemps, les autorités n’avaient pas voulu avaliser l’existence d’un parti islamique qui chercherait à tirer profit de ce qui est le trait commun à tous. Il a fallu attendre l’arrivée en 2007 du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi pour autoriser Jemil Ould Mansour et ses amis à créer ce qui est aujourd’hui le parti « Tawassoul », refusé sous la transition militaire 2005-2007 par le président du CMJD, le colonel Ely Ould Mohamed Vall.

Ainsi, le religieux n’est désormais plus pensé comme le prédicat du politique puisqu’il ouvre la possibilité à un parti d’obédience islamiste de vouloir arriver au pouvoir en mobilisant sur des valeurs théoriquement partagées mais pratiquement menacées par des idées attachées à un mode de gouvernance à l’occidentale.

Sneiba Mohamed


Le Parler français Hassaniya

De l’usage de quelques expressions et mots français dans le dialecte Hassaniya de Mauritanie

 

D

 

203. Diabet’ (diabète).

 

204. Dalle’ (dalle).

 

205. Danse (danse).

 

206. Deb’ranchi ! (Débranche !) : Ordre que l’on donne pour interrompre la connexion.

 

207. Déclanchi (Déclancher) : Déclancher la pile d’un appareil. Usage apparu avec l’arrivée des portables.

 

208. Dectūr’ (Docteur) : Personne qui soigne les malades dans un service de santé.

 

209. De-le (délai).

 

210. Del’wīre : (Huile) : Huile alimentaire.

 

211. Demānde (demande) : Action de demander, par écrit, quelque chose.

 

212. Demissionh (démission)

 

213. Der’wāl (droit).

 

214. Dessinh (dessin).

 

215. De-vi (devis).

 

216. De-vīse (Devise) : Monnaie forte.

 

217. Deugu’lass (dégueulasse).

218. Diagueut (Jaquette).

 

219. Dibī-te (Député)

 

220. Dīmas (Dimanche) : Jour férié jusqu’à une date récente, est remplacé aujourd’hui par le vendredi. «Mahu quel inhar dimas» (ce n’est pas chaque jour dimanche), disait-on, pour signifier qu’on ne peut  pas toujours sortir victorieux d’une confrontation.

  1. Directeur (Directeur).
  2. Dispensaire (Dispensaire).
  3. Dra (Drap).
  4. Drōgue  (Drogue)
  5. Douille (Douille) : Pièce dans laquelle se fixe le culot d’une ampoule électrique.
  6. Duāne   (Douane)
  7. Dūb-le   (Double) : Le double, deux fois.
  8. Dūche’  (Douche) : Installation permettant de prendre un bain.
  9. Ducker (Docker).
  10. Dūssier (Dossier) : Ensemble de documents concernant une personne, généralement présenté en vue de participer à un concours ou de postuler à un travail.
  11. Duzei-ne (Douzaine).
  12. Directionh’ (Direction) : 1.Bureaux occupés par un directeur et son service. 2.Volant d’une voiture.

 


Parité : Les hommes fixent toujours les règles du jeu

Aissata Kane, première femme ministre en Mauritanie (photo: word.world-citizenship.org)

On dit souvent en Mauritanie que les campagnes électorales (présidentielles, législatives et municipales) sont une affaire de femmes. L’animation qui fait l’essentiel de l’action politique, au détriment du Verbe et de sa force, est laissée entre les mains de cette frange sociale qui, selon les dernières statistiques disponibles, représente 53% de la population du pays ! Mais qu’en est-il en ce qui concerne la représentativité ? Une femme pourrait-elle, bientôt, être cooptée pour devenir « Première » ministre ?, « présidente » de l’Assemblée nationale ou du Sénat ?

La femme mauritanienne, ma cha Allah, est présente sur tous les espaces. Elle occupe une place importante dans le secteur économique où elle est présente depuis le début des années 1980. En politique, elle se fraye une place grâce à son combat, mais n’arrive pas encore à bousculer la gent masculine dans ce qui semble bien être sa chasse gardée.

Ainsi, dans la formation de chaque gouvernement, la première chose que l’on regarde, après, bien sûr, la question des quotas Maures –Négro-Mauritaniens, est celle de la parité. Combien de femmes ?

Généralement, il n’y en avait pas plus de deux ou trois, confinées dans les portefeuilles à caractère social (Condition féminine, Santé). La forte pression exercée par le « sexe faible » qui prend de plus en plus conscience de sa force cachée, a fini par porter ses fruits, quand les décideurs politiques ont accepté d’ouvrir encore plus les portes du gouvernement à leurs consœurs. Le champion de cette révolution est sans contexte l’actuel président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz qui a donné aux femmes 5 portefeuilles dans son premier gouvernement, dont un de souveraineté (Affaires étrangères, Fonction publique, Culture, jeunesse et sports,  Famille, enfance et affaires sociales, Affaires africaines). Ould Abdel Aziz était même allé plus loin, quand il avait nommé une sixième femme (Messaouda Mint Baham) au poste de ministre Conseiller à la Présidence, mais la suppression, quelques mois après, de ce cabinet stratégique puis le débarquement de la ministre des Affaires étrangères Naha Mint Mouknass, a été interprétée par certains comme la « victoire » des hommes du palais (le Directeur de cabinet du Président à l’époque, Cheyakh Ould Ely, et de Melaaïnine Ould Towmy, Chargé de missions) sur l’ambition et le flegme d’une femme qui ne se pliait pas à la loi des hommes.

Elles demandent encore plus

Maalouma Mint Meidah, musicienne et sénatrice (photo: cliketclak.skynetblogs.be)

Mais la représentativité féminine au sein du gouvernement (5/28), quoique proche du quota de 20% prévu par un décret présidentiel, en février 2007, n’est réellement suivie qu’au niveau de l’Assemblée nationale où elles représentent environ 20% (19 députées sur un total de 95) mais seulement 1,66% du bureau de la chambre basse (2 femmes seulement sur 12).  Mais l’assemblée nationale fait tout de même mieux que le Sénat où les femmes ne représentent que 14,28% (8 sur 56) et ont été exclues, par manque de galanterie, du bureau de la chambre haute formé de 8 sénateurs !

Avec une proportion de 53% de la population, les femmes courent toujours derrière cette parité qui constitue aujourd’hui l’un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Au niveau du parlement mauritanien élu en 2007, leur représentativité est beaucoup plus élevée que celle de leurs collègues marocaines qui se contentent d’un quota de 10 pour cent des sièges mais elles font encore moins bien que leurs consœurs sénégalaises qui constituent 52 % de la population et réalisent de belles performances à l’Assemblée nationale, dans le Gouvernement, les conseils régionaux, les conseils municipaux et dans les collectivités rurales.

Dans les conseils municipaux, les femmes mauritaniennes peinent encore à se faire de la place alors que, justement, c’est le lieu le mieux indiqué pour elles pour faire leur apprentissage en politique. Sur les 216 conseils municipaux, les femmes n’en contrôlent que trois (1,38%), toutes présentes à Nouakchott (Fatimetou Mint Abdel Malick, Tevragh-Zeina, Rabi Haidara, Sebkha, Nouakchott et Salimata Yéro Sarr, El Mina). C’est encore pire dans l’administration territoriale où le poste de wali (gouverneur de région) reste une « spécialité » masculine.

Cette situation doit changer en Mauritanie pays qui se vante d’avoir le taux le plus élevé de scolarisation des filles, soit environ 70.

Mais leur nombre diminue au fur et à mesure qu’elles grandissent parce qu’elles abandonnent l’école pour se marier très jeune ou parce qu’elles n’ont pas l’opportunité de pousser très loin des études qui, finalement, peuvent ne servir à rien.

Selon des analystes, les femmes mauritaniennes s’affirment comme un maillon incontestable dans la vie politique nationale, ce qui leur donne un statut beaucoup plus valorisé. En effet, affirment-ils, elles ne sont plus seulement considérées comme de simples pourvoyeuses de voix pendant les élections, comme c’est encore le cas dans beaucoup de pays arabes ou africains où la femme vote mais sans être élue dans le cercle des décideurs politiques. Ce qu’il faut maintenant pour elles, c’est de forcer ces portes qui restent encore désespérément closes (Primature, présidence de l’Assemblée ou du Sénat) et mener un combat pour la parité au niveau de l’administration et des bureaux exécutifs des partis politiques. Car, là encore, l’hégémonie de l’homme est encore totale. Seules quatre femmes commandent des partis politiques (Naha Mint Mouknass, Présidente de l’UDP), Mintata Mint Hedeit, Secrétaire générale du PRDR), Meghboula Mint El Gharabi, parti mauritanien pour la justice et le développement et Sehla Mint Ahmed Zayed, parti « Hawa ». Quatre femmes sur plus de 60, soit à peine 6,66% !

Dans la composition du Conseil national de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir, elles ne sont que 44 femmes (24,69) perdues au milieu de 122 hommes. Elles réalisent à peu près la même performance au sein des organisations de la société civile mauritanienne où les femmes présidentes d’ONG sont au nombre de 74 sur un total de 307 (24,10%), selon les données du Cyberforum de la société civile.

Présentes également au sein des forces armées et de tous les corps militaires ou paramilitaires (gendarmerie, garde, police, douane, sapeurs-pompiers), les femmes mauritaniennes ne se fixent, apparemment, plus de limites. L’objectif recherché est d’arriver à jouir pleinement de leurs droits de citoyennes dans un pays où les pesanteurs sociales et religieuses constituent, quand même, quelque part, une barrière infranchissable. Naha Mint Mouknass, présidente d’un parti politique dont la raison d’être, comme tout parti, est d’arriver au pouvoir, peut-elle devenir un jour présidente de la République ? Une question qu’il faut poser peut-être à tous ceux qui, au nom de la religion, pensent que la femme doit tenir compte de certaines limites.

Sneiba Mohamed

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Réfléchir quand même

Le président mauritanien Ould Abdel Aziz à l’hôpital militaire de Nouakchott (Crédit photo: TVM)

L’incident du samedi 13  octobre – oui, on ne sait pas encore s’il s’agit d’une méprise (comme le veut la version officielle), ou d’une tentative d’assassinant (scénario sur lequel les médias ont sauté en premier lieu) appelle tout de même à réfléchir sur certaines choses. En premier, que « tout homme est mortel ». Une vérité que les mauritaniens ont souvent tendance à ignorer, et partant, à oublier aussi que le pouvoir a toujours un de ces raccourcis qui nous  aident à sortir de notre torpeur. Jusque-là, tous les regards étaient braqués sur la crise politique, l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, la quatrième session ordinaire du parti au pouvoir, l’UPR et, la prise d’une résolution au Conseil de sécurité sur une éventuelle intervention militaire au nord Mali, la participation ou non de la Mauritanie à cette « expédition punitive ». Le président Aziz, qui était en retrait par rapport à tout cela, est subitement revenu au devant de la scène, de manière malencontreuse certes, mais qui repose la question de la  sécurité du pays. Tout le monde pensait que le dispositif mis en place était imparable.  Dans des  conditions normales seulement. Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) a été éloignée de nos frontières, et les préparatifs à la guerre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ne nous concernaient pas véritablement parce que l’initiative a été prise ailleurs. Notre guerre contre AQMI nous l’avons déjà faite. On attendait pourtant le danger de ce coté, pensant à des représailles comme l’attaque de la garnison de Néma, en 2010, ou la tentative d’attentat à la voiture piégée déjouée de justesse à Nouakchott quelques mois plus tard. Et c’est à Al qaeda que les mauritaniens ont pensé en premier lieu, quand l’information sur l’attentat contre Aziz a circulé. Il y avait certainement aussi une autre « piste » à laquelle certains ont pensée : « Aziz dégage » de l’opposition a-t-il pris l’allure malheureuse d’une machination allant jusqu’à la mesure extrême ? C’était une hypothèse certes, qui pouvait faire l’affaire du pouvoir, mais celui-ci l’a très vite éloignée en évoquant une erreur et les différents leaders de la Coordination de l’Opposition Démocratique ont tous compati avec un président de la République gravement atteint à l’abdomen et soigné depuis à Paris.

C’est pour dire donc que cet incident peut bien servir à quelque chose : faire comprendre au pouvoir qu’il n’ y a jamais une sécurité parfaite, et donc que la meilleure protection est d’entretenir de bons rapports avec le peuple, l’opposition et les voisins. Mais aussi, l’élan de compassion de l’opposition montre que son « Aziz dégage » n’était qu’une stratégie destinée à mettre plus de pression sur le pouvoir pour le pousser à faire des concessions. C’est une brèche qui s’ouvre donc pour que les différents protagonistes de la crise politique actuelle – et qui dure depuis l’élection présidentielle de juillet 2009 – entrevoient la possibilité de s’asseoir autour d’une même table pour discuter. Ce serait possible dès le retour au pays du président Aziz.


Tabaski : Le sacrifice du mouton…et des pères de familles

Marché de bétail de Nouakchott

La fête d’Al Adha, ou Tabaski ou encore du sacrifice du mouton, pour perpétuer la soumission d’Ibrahim à Dieu, acceptant d’égorger son unique fils Ismaël mais finalement sauvé in extremis quand l’archange Gabriel substitue l’enfant par un mouton qui servira d’offrande sacrificielle, est célébrée en Mauritanie comme un véritable supplice des pères de familles ! Oui, malgré la sacralité incontestable dans un pays musulman à cent pour cent, cette fête-là, plus que toute autre, empêche les hommes de dormir un mois avant sa venue. Ils savent que c’est le moment T où ils vont plonger dans les abysses de la dette. « Manger » facilement trois salaires ou quatre en un seul jour ! Petite ou grande, chaque famille se mobilise dès que l’on commence à évoquer le départ des pèlerins vers la Mecque pour que la fête, au sens orgiaque du terme, soit grandiose. Sans qu’on se l’avoue, les familles entrent en compétition. La palme à remporter : qui excellera dans le gaspillage ? Rien à voir pourtant avec les enseignements de la religion musulmane qui recommande la mesure en toute chose et dispense les pauvres de ce « sacrifice ». C’est même pour eux que les riches sont censés le faire puisque la viande va circuler, le jour de la fête, entre les familles. Mais l’orgueil humain prend souvent le dessus. Qui va acheter le plus gros bélier, les plus beaux habits pour les enfants et APPARAITRE comme il n’était pas hier ? La course aux excès en tout.

A la veille de chaque fête de Tabaski, le père de famille fait ses comptes. Son avoir et ses dépenses. Ces dernières ne tiendront jamais compte de l’état du premier. Elles sont seulement établies selon un ordre de priorités absolu : Le mouton, pour ceux qui n’ont aucune difficulté à l’acheter, les habits des enfants, Madame et celui qui a l’obligation de s’occuper de tout cela. Dans une famille pauvre, les habits des enfants passent avant le mouton. Il ne faut, en aucun cas, donner l’occasion à ses « ennemis » en cette occasion où tout est prétexte pour rivaliser. Pauvres pères de familles. J’en connais qui, faisant ses comptes, a trouvé qu’il doit pratiquement vivre sans salaire d’ici fin 2012 ! Visa à la banque, prêt chez l’usurier du coin, boubou pris à crédit chez le boutiquier du Marché de la Capitale, et le prix du mouton payé seulement à moitié. Eh oui, il gagne seulement 120.000 UM (300 euros) et les dépenses de la fête comme ont dit nécessitent trois fois plus ! Passe encore qu’on se démène pour nourrir ses huit enfants mais quand la Tabaski arrive, on prie Dieu que ce n’est pas tous les jours la fête…du sacrifice.

Sneiba