Mohamed SNEIBA

Mauritanie: La presse « pressée »

La presse – la presse indépendante – a, dans ses rapports avec la société mauritanienne actuelle – le beau rôle ! N’allez pas croire que je considère que tirer sur tout ce qui bouge est un motif de fierté, mais user aussi du pouvoir discrétionnaire que confèrent les mots au supposé journaliste que je suis pour distinguer ce qui va de ce qui ne va pas, sans que cela s’applique d’abord à la presse elle-même, pose le problème de conformité de la praxis journalistique avec ses principes et ses bases.

Le rôle véritable de toute presse qui se respecte se résume, d’abord, en mon sens, en trois mots : informer, éveiller et éduquer.

La presse indépendante, dans notre pays, est née à la suite de l’avènement de la démocratie, ou, si vous voulez, de ce qui en tenait lieu maintenant que nous venons d’éprouver notre système à travers une « transition » militaire 2005-2007 dont tout le monde ne disait que du bien et d’une « Rectification »-coup d’état dont les répercussions sont vécus encore aujourd’hui sous forme de crise politique profonde. Cette presse-là a réalisé, à ses débuts, le seul « succès » de ce nouveau mode de gouvernement, que les faits et les mentalités n’ont pas tardé à transformer en « démo-gâchis » : la libre expression dans les limites d’une législation sourcilleuse.

Je pense donc que si la presse ne veut pas perdre le peu de crédit qu’elle s’est forgée en s’éreintant, elle doit balayer, comme on dit, devant sa porte. Une presse critique, même envers elle-même, est la meilleure des choses qui puisse nous arriver aujourd’hui !

Jusque-là, la presse « indépendante » – conservons-lui ce nom commode – s’est contentée de décerner des satisfecit aux personnalités du monde de la politique ou des affaires, promptes à faire un « geste », tout en « chargeant », celles qui prennent le risque de s’attirer ses foudres. Disons-le tout de suite, il y a eu, il y a aujourd’hui, des journaux « convenables », quand on les juge à l’aune de la déontologie, mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main !ils sont constitués, essentiellement, par ce que j’appellerais sans hésiter, « la presse du cœur », à l’esprit partisan des premières heures du combat démocratique dans notre pays, mais qui a eu le mérite d’avoir initié une « culture informative », même si l’objectivité n’était pas souvent au rendez-vous.

Les journaux reflétaient la vie des parti(e)s et le journaliste était d’abord un militant qui défend les siens « contre vents et marées », au prix de son style et de ses idées. Ces journalistes-politiciens – pouvaient-ils ne pas l’être ? – maniaient à merveille la langue de Molière. L’écriture qu’ils avaient dans le sang était l’arme de leur combat. Les attaques qu’ils subissaient donc ne portaient que sur les idées « reçues » (de mauvais goût pour certains),  et leur manque d’objectivité. Les (d)ébats que cette presse suscitait étaient pleins d’animosité calquée sur celle qu’entretenaient les partis politiques, les personnalités d’envergures et les journalistes eux-mêmes.

Le malaise de la presse indépendante d’aujourd’hui est né de l’euphorie journalistique qu’ont connue les premières années de notre démogâchis. La liberté de créer et d’entreprendre, reconnue dans les limites confuses, à certains égards, d’une législation libérale tout en étant liberticide, a vite gagné le monde des ONG-machin et de la presse. Chacun y est allé de son titre pompeux mais sans consistance. Les publications que certains appellent – par animosité aussi ? – des « feuilles de chou » poussent comme des champignons. On a atteint, à un certain moment le chiffre record de six cents récépissés délivrés par le ministère de l’Intérieur !

Cette « inflation » de titres, non d’idées novatrices, a fait craindre qu’il y ait bientôt autant de journaux que de Mauritaniens. Le pays du « million de poètes » était en train de se transformer en pays du million de « journulistes » ! Le phénomène était déjà visible dans d’autres domaines où pourtant il faut de réelles capacités pour percer. Les Mauritaniens sont de grands multiplicateurs. Ça marche chez toi, alors j’essaie à mon tour !

La presse donc, « pressée » par des gens dont certains n’ont jamais réussi à aligner trois mots, perd sa quintessence. L’Etat n’a pas pensé à mettre des garde-fous à l’entrée de ce sanctuaire, contribuant ainsi à la mort insoutenable de ce contre-pouvoir destiné, dans toute démocratie qui se respecte, à prémunir contre les abus du pouvoir.

Le phénomène que j’ai tenté de décrire ne rend compte en fait que de la partie visible de l’iceberg. Derrière le foisonnement de titres, il y a le plus souvent le désir de profiter de ce moyen pour avoir ses entrées partout. Vendre ou ne pas vendre, qu’importe ! Seuls comptaient le soutien des amis ainsi que les « pubs » gracieuses qu’on peut arracher par-ci et par-là.

La vie d’un journal, on sait, par avance, qu’elle sera courte, puisqu’un seul « numéro » peut suffire pour établir le passe-droit du nouveau « journuliste ». Même après cent ans, le « journul » continuera quand même à exister, par la force du « pershmerguisme », cette pratique bien mauritanienne qui pousse les « gens de la presse » à quémander comme le feraient les mendiants de Nouakchott. Il y’en a qui jettent l’éponge au bout de quelques mois, voire de quelques années, mais d’autres surgissent du néant. Ils ont envie de venir, de voir et d’essayer. L’échec appelle l’échec et nous ne sommes pas prêts, je crois, à sortir du provisoire.

Sneiba Mohamed

 

 

 

 


Les Haratines : La « tribu » oubliée

1934: Tam tam haratines à Atar (Crédit photo : M.S HEMODY)

La Mauritanie « comme elle va », pour emprunter un titre à Voltaire, doit aller pour tout le monde. Si, comme le laisse supposer le pouvoir actuel, les conditions sont maintenant favorables pour un « changement constructif », il faut d’abord et surtout que cela se sente dans les actes non dans les paroles. Les luttes d’influences, à tous les niveaux, mais aussi le conflit entre ce qu’on peut appeler la Tradition et la Modernité, dans le mode de gestion politique du pays, ne doivent pas être vues comme une lutte interne à la classe politique, majorité et opposition confondues.

Dans ce monde de l’élite, intellectuelle, économique et politique, les enjeux de toutes ces interférences ne sont pas forcément ceux qui se bousculent dans l’esprit du mauritanien « lambda », comme les appellent si impudiquement un journaliste de la TVM, voulant sans doute prouver que l’avis des citoyens ordinaires est à l’opposé de celui de la COD (Coordination de l’Opposition Démocratique) qui a eu la témérité de rejeter en blocs les résultats du dialogue TRES national.

C’est pour dire que la Mauritanie est en train de changer (dans le mode du discours) sans réellement laisser de la place à ce qui peut bien traduire un nouveau rapport des forces. En cela, la politique (au sens où l’entend Aristote : la finalité et le fonctionnement de l’Etat mais aussi l’Idéal du meilleur régime politique possible) ne doit pas voir les problèmes de la Mauritanie à l’aune de ce qui peut seulement favoriser le statu quo. Surtout au niveau social où le travail reste entier parce que rien n’a été véritablement fait pour que les lignes bougent. Pourquoi voudrait-on, à ce sujet, que les Haratines, descendants des anciens esclaves, restent amarrés à leur culturalité arabe – je ne dis pas culture – du reste très moyenne en tant que niveau d’adaptation à l’ensemble Maure, alors que rien n’est fait, véritablement, sur le plan social, pour que la communauté s’harmonise ? Au niveau des tribus, donc de la Mauritanie profonde, la stratification sociale alimente les troubles existentiels de l’Etat moderne qui n’a de réelle existence que dans les villes. C’est d’ailleurs, par rapport à cette question de niveau d’existence, et de pratique du pouvoir (moderne et ancien) que des Haratines comme Biram Ould Dah Ould Abeid, leader d’un mouvement abolitionniste, se soulèvent. Au sens insurrectionnel du terme, même si on est encore loin de l’Esclave Christophe, qui, après s’être battu quatre ans aux côtés de Toussaint Louverture, lors de la révolte de 1791, se proclame roi. Le pouvoir citadin exercé par des Maures (y compris des Haratines « évolués », au sens où A. Siegfried qualifie ceux qui s’éloignent de leur culture de base, je dirai de leur « haratinité ») n’arrivent pas encore à prendre un réel ascendant sur le pouvoir tribal (rural). Ce ne sont pas tous les jours qu’un chef tribal, incontesté dans son fief, se voit détrôné par un fils d’esclave. C’est arrivé une fois, dans cette Mauritanie profonde, avec une Mint Sbaghou, qui a arraché un poste de maire à l’un de ses puissants maitres, mais les vrais changements ont pour cadre les grands centres urbains où la « tribu » haratine s’est mise à l’école de la politique.  De la vie, tout court, non de la survie dans ces wilayas-Emirats où la vraie autorité n’est pas détenue par les représentants du pouvoir central mais par ceux qui s’imposent à lui par la pression qu’ils exercent sur le peuple non souverain. Et tout le monde sait que, ceux qui n’admettent pas l’existence d’une majorité haratine dans ce pays ne peuvent tout de même pas refuser que c’est elle qui subit le joug de l’Autorité tribale. De l’autorité de l’argent aussi, étant la plus pauvre. Et même, quand les cousins Maîtres s’opposent, voulant négocier au prix fort leur allégeance au pouvoir, les cousins haratines (anciens esclaves) servent les desseins politiques des uns et des autres. C’est l’un des échecs patents d’El Hor (le libre) créé en 1978 de n’avoir pas réussi à démythifier l’allégeance des Haratines à la tribu qui, dans les faits, explique le tout de la politique en Mauritanie.

On ne peut, trente après la naissance du mouvement EL HOR, continuer à polémiquer avec les Maitres, anciens ou nouveaux, sur le bien fondé d’une lutte faite pour ne pas s’arrêter. Une lutte qui, même si ceux qui ne veulent pas de la mort d’El Hor arrivent à libérer le dernier esclave en Mauritanie, se poursuivra sous une nouvelle forme. Le rapport de forces, dans des sociétés sans esclaves, est un rapport de classes qui n’a rien de particulièrement différent de ce qui se passe en France, aux USA ou en Grande Bretagne. Les Haratines, devenus hommes libres du point de vue juridique et social, pourraient- ils, du jour au lendemain, se départir de leur fixation sur un passé que les autres veulent présent et avenir ?

Si les revendications des Haratines sont justes, celles de leurs anciens Maîtres sont justifiables. Les unes découlent de la nécessité d’instaurer les principes de la République où il n’y a plus qu’UN citoyen, les autres sont inhérentes à tout rapport entre classe dominante (cherchant à maintenir ses privilèges), classes émergentes (aspirant à passer devant) et classe décadente qui, sans avoir encore les moyens de briser le statu quo, use de la force que confère le Verbe pour revendiquer sa participation pleine et entière à la gestion des affaires de l’Etat.

Sneiba Mohamed

 


Développement : L’intérieur oublié

La Mauritanie des régions (crédit photo: msfeblog.canalblog.com)

La Mauritanie se développe. C’est ce que croient certains. C’est ce que tous les gouvernants répètent à qui veut les écouter. C’est surtout ce que traduisent les chiffres – les chiffres ! – d’une économie qu’il faut cependant lire à plusieurs échelles : celles du pays, des capitales régionales, des moughataas (départements) et des zones rurales.

Des villes où il ne fait pas bon vivre, on en compte à gogo en Mauritanie. Des villes où les habitants se délassent faute de travail, où les citoyens sont pris entre le marteau des commerçants et l’enclume de l’administration. Le « développement » dont on parle, et encore, se limite aux villes de Nouakchott et de Nouadhibou qui concentrent ce que le pays compte d’unités industrielles et de centres d’intérêts. Le reste des cités souffre, depuis l’indépendance du pays, de l’absence d’une politique de développement qui prend en compte leurs spécificités, à l’image d’Aleg, ville mise subitement sous les feux de l’actualité, en décembre 2007, par le meurtre de quatre touristes français. Aleg, une ville où il n’y ni projet agricole, ni usine, ni centre de formation est l’illustration parfaite du mal développement que connaît la Mauritanie.

A part les commerçants et les travailleurs de l’Administration, tout le monde survit grâce à des activités informelles auxquelles on ne peut même pas donner de nom ! Chacun s’improvise un métier, en espérant que les autres éprouvent le besoin de faire appel à ses services : Vendeuses de légumes, charretiers, boulangers, manœuvres, coiffeurs, « michelins », un nom bien de chez nous, restaurateurs, bouchers, voilà à quoi s’occupent les gens de l’intérieur. Il n’y a ni usine qui a besoin d’ouvriers, ni ferme agricole qui nécessite une main-d’oeuvre, comme cela se voit partout dans le monde.

Si Nouakchott et Nouadhibou concentrent aujourd’hui plus du tiers de la population du pays, c’est certainement la faute à la trop forte concentration des activités économiques dans ces deux villes qui n’arrivent plus à satisfaire une demande d’emploi de plus en plus forte.

Si le gouvernement de Moulay Ould Mohamed Laghdaf veut bien mettre à profit les financements attendus des bailleurs de fonds, tel que cela s’est dégagé de la table ronde de Bruxelles et des autres accords et conventions qui en ont découlé, il faut que l’on pense à apporter des correctifs à la politique de développement du pays, en l’orientant vers les régions.

Mais attention, l’expérience de l’irrigué dans la Vallée est là pour prouver qu’il faut éviter l’improvisation et la précipitation qui ont fait perdre à l’Etat des milliards d’ouguiyas dans les zones marécageuses du Trarza, du Brakna et du Gorgol. Parce que les populations de ces zones n’ont pas été associées, de manière directe, aux programmes mis en œuvre par les pouvoirs publics, les politiques économiques s’appuyant sur d’importants financements de la Banque mondiale, du FMI, des fonds arabes et africains se sont transformées, inévitablement, en éléphants blancs.

Qu’il s’agisse du PDIAM (Programme de développement intégré de l’agriculture en Mauritanie) ou de l’UNCACEM (crédit agricole), les fonds alloués ont servi à autre chose (construction de villas, entretien de bétails, commerce de l’import-export) qu’à développer et moderniser l’agriculture dans une zone qui pouvait aider à combler le déficit céréalier chronique du pays. L’expérience de la riziculture et de la production des fruits et légumes dans la Vallée a tourné au fiasco non par manque de financements mais de volonté. L’Etat avait déclassé la SONADER (Société nationale de développement rural) qui encadrait les producteurs locaux au bénéfice d’un agro-business certes volontariste mais sans expérience dans le domaine. Dans les villes de l’intérieur, du Sud, de l’Est et du Centre, les spécificités économiques doivent être prises en compte, comme pour Zouerate et Nouadhibou, pour le développement harmonieux de l’ensemble du pays. C’est cela que le gouvernement actuel doit comprendre pour résoudre l’équation des déséquilibres entre Nouakchott et le reste de la Mauritanie.

Sneiba Mohamed

 


Renouvellement de la classe politique : Changement ou recyclage ?

Vue de l’Assemblée nationale de Mauritanie (Photo: AMI)

En politique, l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, est en train de faire sienne cette célèbre sentence de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Le retour en force des caciques du pouvoir de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya est une réalité aujourd’hui qui ne laisse rien présager de bon.

Le changement tant vanté par le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz prend la forme d’un simple recyclage qui a débuté par le retour en force des hommes du système Taya dans les rouages de l’administration et maintenant aux avant-postes de l’UPR.

La formule « chimique » (non magique) trouvée par le nouveau pouvoir pour recycler à moindre frais les hommes de l’Ancien Régime se passe de commentaire : l’éloignement ou le camouflage ! Pas de poste de ministre certes mais des sinécures dans des ambassades, des «chaires» de PCA (président de conseil d’administration) ou même tout simplement un emploi de l’ombre certainement largement rémunéré.

Cette sortie au grand jour des anciens hommes politiques de Taya, a débuté, il y a deux ans, à l’occasion de l’implantation de l’UPR, sorte de course aux honneurs et aux « mérites ». Elle met à mal l’idée d’un changement radical du système. Elle montre même le degré de naïveté de ceux qui pensent qu’un pouvoir, quelle qu’en soit la force, peut gouverner en Mauritanie sans ces hommes et femmes qui ont mis à profit trente ans de « professionnalisation » de la politique pour avoir une mainmise totale sur les rouages de l’Etat.

Ceci était visible, on se le rappelle, dès les premiers jours de la transition militaire 2005-2007. En présentant le coup d’Etat contre Taya comme une rupture, le CMJD (Conseil militaire pour la Justice et la Démocratie) gagnait certes les cœurs des exclus du Système mais risquait de se mettre sur le dos la puissance politique du moment. Un risque d’échec vite annihilé quand les militaires ont commencé, très tôt, à solliciter les acteurs politiques qui comptent (ceux qui soutenaient en fait le régime qu’ils venaient de faire tomber) pour faire passer leur transition comme une reprise en main d’un processus démocratique certes enclenché dès 1992 mais vite transformé en savant échafaudage politique pour maintenir au pouvoir un homme et son système.

Il fallait tout simplement que le jeu de cette alliance contre nature entre la classe politique ascendante et celle qui refuse de lâcher prise ne soit interpréter comme une…supercherie politique. Les « Indépendants » étaient nés. Fer de lance de la promotion de la transition «cmjdienne», ils demanderont la tête du Premier ministre Zeine Ould Zeidane, celle de son remplaçant, Yahya Ould Ahmed Waghef, avant de provoquer la chute du président démocratiquement élu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Une partition admirablement bien jouée jusqu’au bout, quand les « indépendants » et leurs alliés « dépendants » du PRDR, de l’UDP et autre RD arrivent à imposer les nouvelles règles du jeu devant conduire à la tenue d’une élection présidentielle le 18 juillet 2009.

La Mauritanie venait en fait d’appliquer à la politique la loi de la conservation de la matière qui porte le nom de son inventeur, Antoine Laurent Lavoisier, et dont la fameuse sentence qui la résume est répétée souvent par des générations d’écoliers qui l’ont apprise par cœur.

La formule était pourtant faite pour ne pas durer. Elle servait à camoufler l’appartenance à ce qui représentait les restes de l’Ancien Régime, le PRDR, qui a été ainsi saigné à blanc pour les besoins de la cause.

Ceux qui ont « soufflé » aux militaires venus au pouvoir pour ne pas le quitter de si tôt ce stratagème continuent encore à agir de même pour reconstituer le puzzle. Conquérir le pouvoir n’était que la première étape de ce « plan » qui a pris de court tout le monde. La seconde phase était de créer les conditions qui permettraient au Système – et pas seulement au (nouveau) président démocratiquement élu – d’inscrire la nouvelle gouvernance politique dans la durée. D’où le travail de re-création du défunt PRDS sous un nouveau nom : l’UPR !

Et les pères (ils sont plusieurs à mettre la main dans la pâte) de la « chimie politique » moderne ont simplement reformulé de manière plus frappante et concise une idée déjà énoncée au 5ème siècle avant J.-C. par un philosophe atomiste ionien très en avance sur son temps, Anaxagore de Clazomènes : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Puis se retrouvent ! Une sorte de copier-coller avant l’heure.

Le coup d’Etat du 3 août 2005 n’a ainsi été une rupture avec le passé qu’en théorie. Cinq années ont suffit pour montrer aux Mauritaniens que dans le système mis en place par l’ancien président qui vit depuis en exil au Qatar, il y a un féroce combat entre « des choses qui ne savent pas mourir » et d’autres qui « ne savent pas naître ».

L’idée que la notion d’opposition puisse être choisie – ou même acceptée – comme un élément essentiel de cette démocratie que tout le monde met en avant, sans réelle conviction, renvoie à un Idéal européen sans encrage dans cette Mauritanie où l’on raisonne encore en termes de tribus, de régions, d’ethnies et de langues. Pas facile vraiment de changer en si peu de temps ce qui assurait la fonctionnalité du Système depuis plus de trente ans.

Ceux qui pensaient que le changement devait commencer par la mise à l’écart de tous les hommes de l’Ancien Régime se trompent. L’exclusion tentée par les tombeurs de Taya, dès les premiers jours de la Transition, a montré très vite ses limites et même son inconséquence. Les principaux instigateurs du coup d’Etat n’étaient-ils pas des piliers du système puisqu’ils en assuraient la sécurité?

La rupture n’étant pas possible, on avait opté pour la formule d’un recyclage par étapes. Le concept de changement était né. A la mauritanienne ! Tels anciens Premiers ministres ou ministres de Taya reviennent par une porte dérobée en acceptant un poste d’ambassadeur ! D’autres choisissent la porte de « service » et se retrouvent directeurs de sociétés ou d’établissements publics alors que certains, plus nombreux, se contentent de postes moins «visibles» mais leur permettant tout de même de garder la main. On manquerait pourtant de discernement en pensant que la nouvelle situation arrange les affaires du pouvoir. Le retour à cette sorte de « Terre promise » des Anciens crée un profond malaise au sein de la classe des Modernes, ceux que Taya confinait dans l’antichambre du pouvoir et qui ont vu leur heure de gloire sonner avec l’arrivée aux commandes de Mohamed Ould Abdel Aziz. Beaucoup des « ministrés » de l’ère Aziz s’exercent pourtant à imiter leurs modèles du régime Taya : ils cherchent à avoir leur coterie politique (leur « hachiya »), à descendre au bled pour mobiliser, dans la perspective de l’implantation de ce nouveau «machin» nommé l’UPR, adoptent le même style à la TVM, la même langue de bois qui a vexé le président de la République (et provoqué la sortie du gouvernement de Mohamed Abdallahi Ould Boukhary, ministre de la Communication revenu aujourd’hui aux affaires comme ambassadeur) et, sans doute aussi, les mêmes pratiques qui expliquent l’immobilisme et empêchent de croire que le pouvoir actuel est différent de tous les autres.

On tarde à comprendre que le « changement constructif » n’est pas un changement d’hommes. Ce n’est pas parce que tels anciens ministres de l’Ancien Régime sont tenus à l’écart de la gestion de la chose publique qu’il faut croire à l’émergence de cette « Mauritanie Nouvelle ». Il faut d’abord que ceux qui occupent aujourd’hui le pouvoir décisionnel au niveau du terrain politique et administratif comprennent que leur allégeance au pouvoir n’est pas un passe-droit.

Il faut aussi et surtout que le pouvoir lui-même comprenne que sans une opposition véritable, il jette le discrédit sur la démocratie qu’il cherche à se réapproprier et fait le jeu de ceux qui tirent profit de la diabolisation d’hommes et de femmes dont le seul tort est de penser la politique autrement. Vouloir attirer tous les opposants dans le giron du pouvoir, vouloir même que tous les Mauritaniens « coupent » leur carte frappée du sigle de l’UPR, n’est rien d’autre que cette volonté aveugle et aveuglante d’en arriver par raccourci au modèle de République bananière d’antan.

Sneiba Mohamed

 

 


« Noughta Sakhina » : Le marché du portable à Nouakchott

«Noughta Sakhina » (Point chaud), nom d’une célèbre émission de la chaîne satellitaire Al Jezeera, est également l’empire du téléphone portable à Nouakchott. « Un point chaud » où tout celui qui veut acheter ou vendre un mobile se dirige en premier lieu, ignorant les boutiques du marché de la Capitale et celles alignées tout le long de l’Avenue De Gaulle, entre la Bacim Bank et les sièges des deux premiers opérateurs du GSM en Mauritanie, Mattel et Mauritel.

Le marché du portable construit sur un terrain en plein centre ville, à quelques jets de pierre de quatre banques privées, tire ce nom de « Noughta Sakhina » de l’affluence record qu’il enregistre à longueur de journée, dépassant même les autres marchés traditionnels de Nouakchott. Mais l’appellation est peut être aussi liée au caractère « dangereux » de ce lieu où, souvent les téléphones volés sont écoulés par des intermédiaires qui sont considérés comme les véritables « animateurs » de cet immense lieu où tout se vend et s’achète. Pas moins de 300 échoppes, des commerces de tous genres, car, en plus des portables, vous pouvez boire un thé ou « zrig » (mélange d’eau et de lait), manger un « thiboudiène » (riz au poisson) ou un sandwich – si vous êtes pressé et ne voulez pas rater une affaire. N’oublions pas les réparateurs, les vendeurs d’accessoires (pochettes, piles, écouteurs, chargeurs), et ceux qui vous changent de sonneries ! L’ambiance du marché a même poussé certains vendeurs ambulants, habitués du Grand Marché de la Capitale et des abords des banques ainsi que des ministères, à venir exposer des chaussures, des boubous, des chemises, des parfums portant les noms de grandes marques françaises et italiennes mais certainement « trafiqués » dans un pays asiatique émergent.

« Noughta Sakhina » avait était créé, au tout début de l’arrivée du GSM, en 2001, à côté de la première agence de Mauritel Mobiles. Quand cette dernière a quitté les lieux pour s’installer dans son nouveau siège, à quelques centaines de mètres de là, la « bourse » des portables n’a pas suivi, préférant rester dans un lieu devenu maintenant un mythe. Même pour les Mauritaniens de l’intérieur.

 

Le syndrome du portable

 

La frénésie du portable touche toutes les tranches d’âge sans exception en Mauritanie. L’expansion est fulgurante. Les trois opérateurs de téléphonie mobile (Mattel, Mauritel, Chinguittel) donnent l’impression d’afficher plein. Avec plus d’un 1 million d’abonnés pour Mauritel et presque autant pour les deux autres opérateurs réunis (Mattel et Chinguittel), le pays est certainement l’un des premiers du Continent africain en terme de concentration du GSM, avec 2 Mauritaniens sur trois ayant un portable.

De Nouakchott à Néma, en passant par Boutilimit, Aleg, Kiffa et Aïoun,  les téléphones cellulaires sont omniprésents en Mauritanie. Dans le désert, la montagne ou la plage, les sonneries peuvent retentir à tout moment. Au sein des villes, on peut assister à de véritables concertos polyphoniques. Le phénomène GSM a contaminé le pays et ouvert la brèche à un business florissant. D’où le secret de « Noughta Sakhina » qui offre des téléphones pour toutes les bourses : de 2000 UM (un vieux Ericsson qu’on appelle communément «debaba» (char) à plus de 200.000 UM pour les derniers innovations de Nokia, Samsung, Sony Ericsson ou Blackberry.

Les prix, la mode, plus que la nécessité, ont contribué à l’essor du téléphone portable en Mauritanie. Pour ne pas faire des jaloux, le Mauritanien met un point d’honneur à avoir son Mauritel, son Mattel et son Chinguittel. Et pour expliquer une telle « mode », il trouve des qualités à chacun des trois opérateurs : bonus régulier chez Mauritel et Mattel, déclare Ahmed O. M., qualité réseau chez Chinguittel.

Autrefois réservé au milieu professionnel aisé, le téléphone portable s’est banalisé et fait désormais partie intégrante des mœurs locales. Les points de vente qui fourmillent n’arrivent cependant pas à détrôner « Noughta Sakhina ». Les trois opérateurs agréés se répartissent les parts du gâteau. Avec plus d’un million de clients, Mauritel tient le haut du pavé devant Mattel (485.000) et Chinguittel arrivé seulement en août 2007 sur le marché mais qui a déjà conquis les cœurs de plusieurs Mauritaniens. Sept ans après son lancement, en 2001, Mauritel Mobiles, filiale du géant marocain Maroc Télécom s’est imposée comme le leader incontesté sur ce nouveau marché. Mais la bataille des opérateurs est loin d’être finie et la course aux abonnés ne fait que commencer. Loin de s’essouffler, le marché mauritanien de la téléphonie a encore de beaux jours devant lui, et les acteurs ne masquent pas leur optimisme.


L’Etat-Providence : Une idée qui ne fait plus recette

Distribution de vivres aux populations pauvres

En cette période de crise, les mauritaniens sollicitent – peut être un peu trop – l’intervention de l’Etat dans tous les problèmes qui se posent à eux. Chaque jour que Dieu fait, des protestations fusent de partout, rappelant au pouvoir des promesses faites, un peu partout, par le président lui-même ou par des ministres de la République.

Des appels qui, en cette période de crise économique, vont tous dans le sens du retour à ce que les citoyens considèrent comme le rôle de l’Etat-providence. Et il faut dire que le pouvoir contribue, fortement, à ancrer cette idée dans l’esprit des mauritaniens !

De passage à Rosso, au mois de mars dernier, le Raïs avait promis de revenir, en juin, pour «régler tous les problèmes de la ville » ! Depuis, les citoyens qui sont venus nombreux pour l’écouter discourir sur le retour du dernier contingent des réfugiés au Sénégal, le besoin de consolider l’unité national, en passant l’éponge sur le passif humanitaire légué par le régime de Taya, attendent toujours ! Ils vont prendre leur mal en patience mais n’accepteront, sans doute pas, lors de la prochaine visite, que leur requête d’un lendemain meilleur soit encore différée.

L’idée même que « tout va bien dans le meilleur des mondes possibles » est entretenue, chaque nuit et jour, à l’occasion des « jours nuls » de la Télévision de Mauritanie par un matraquage médiatique des plus débiles : plan d’urgence « Emel 2012 », routes, électrification, eau, santé, éducation. Des réalisations énumérées dans une cacophonie indescriptible qui rappelle, malgré tout, ce que l’on dit sur la « Mauritanie nouvelle », les vieux refrains de la tayatie.

L’information que livre la TVM fait revivre intensément le mythe de l’Etat-Providence. Pas au sens que l’on donne généralement à cette notion en Occident : L’État-providence bismarckien, fondé en Allemagne par les lois de 1880, «repose sur le mécanisme des assurances sociales, dans lequel les prestations sont la contrepartie de cotisations (il y a prévention du risque maladie, vieillesse et accident du travail pour les actifs uniquement)», ou l’État-providence beveridgien (de Beveridge), qui naît au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, et qui est financé par l’impôt et fournit des prestations uniformes à tous les membres de la société, les prestations ne fournissant en général que des minima assez bas. Mais répondant à cette idée typiquement mauritanienne que l’Etat est une vache laitière !

Sans que l’on s’accorde aujourd’hui à reconnaître que le citoyen trouve vraiment son compte dans la nouvelle gestion de l’Etat, par une juste redistribution des ressources nationales censées avoir été récupérées grâce au tarissement des sources où s’abreuvaient les « budgétivores » de la République, il est clair cependant, qu’il y a une détérioration visible à l’œil nu des conditions de vie des populations. Une situation à laquelle ne peut rien le déni du gouvernement qui cherche, par tous les moyens, à montrer une réalité autre. Exemple de cette propagande étatique tentant de conforter cette idée d’Etat-providence à la mauritanienne : cette reprise effrénée d’un processus de « développement » entamé il y a trois ans et qui donne l’impression d’avoir manqué de « ressources » (au propre et au figuré). A tel point que tout ce que les mauritaniens soutenant le programme électoral du président Aziz citent aujourd’hui, comme réalisations concrètes, tient à la construction de quelques dizaines de kilomètres de bitume à Nouakchott, à l’équipement de centres de santé, à la restructuration, toujours en cours, des « gazra » (habitats précaires) et à une lutte contre la gabegie au résultat mitigé.

L’idée même que l’Etat est présent partout (et peut tout) est un couteau à double tranchant. Le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf en a certainement fait l’amère expérience, lui qui, dans ces deux derniers Discours de Politique Générale, a promis le ciel et la terre aux mauritaniens. Sans tenir compte de « l’existant » en matière de ressources propres mais aussi de mobilisation de l’aide qui, par les temps qui courent, est loin d’être une évidence.

Autant dire que ce que le gouvernement présente dans ses médias comme de « grandes réalisations accomplies en si peu de temps » est une goutte d’eau dans un océan de misère ! Même si les autorités prennent toujours soin d’indiquer qu’il y a encore des milliers d’autres localités où l’Etat ne peut intervenir, faute de moyens. Mais l’information est faite de singularités, pas de l’ordinaire miséreux qui est ici la chose la mieux partagée par les mauritaniens.

La non ponctualité de l’aide que livre le Commissariat à la sécurité alimentaire et à l’action humanitaire ne traduit-elle pas cet usage intéressé des moments de détresse des populations à des fins politiques ? Le retard des pluies ou, à l’inverse, les inondations, la hausse des prix ou l’apparition subite d’une maladie animale sont exploités, pernicieusement, à des fins politiques qui font que la conception minimaliste de l’État-providence contredit ces visions et érige en principe fort que rôle et missions de l’État sont cantonnés aux fonctions régaliennes (police, armée, justice), et que tout ce qui est fait en dehors (routes, hôpitaux, écoles) relève d’actes d’exception, d’actions possibles mais non nécessaires. L’Etat-providence en Mauritanie, c’est la mobilisation de toutes les ressources nationales pour un besoin de survie. Du Système et des hommes.

Mohamed Sneiba

 

 

 

 

 

 


Le parler français hassanya

De l’usage de quelques expressions et mots français dans le dialecte hassanya de Mauritanie

C

 

 

101. Cabbafōr ou cappafōr (coffre-fort).

102. Cabīne (Cabine). 1.Espace aménagé pour le conducteur, sur un camion. 2. Cabine téléphonique.

 

103. Cabīteïne (Capitaine).

 

104. Cāble (câble)

 

105. Cāsh (cash)

 

106. Cā-che (cachet) : tampon.

 

107. Cādre (cadre) : 1. Bordure entourant un tableau, un miroir. 2. Haut fonctionnaire.

 

108. Caddu (cadeau)

 

109. Caf’their (cafetière)

 

110. Cal’son (caleçon)

 

111. Candidat (candidat, généralement à un poste électif).

 

112. Candidatīre (candidature). Dans des expressions comme « trah candidatīru » (il a déposé sa candidature, lexique de la politique et des démarches galantes).

 

113. Cantīne (cantine) : 1.Service qui prépare les repas des élèves. Très nombreux pendant l’époque coloniale et les premières années de l’indépendance, ces services se limitent aujourd’hui aux écoles rurales. 2. Lieu où l’on vendait autrefois le pain.

 

114. Capitāle (capitale) : 1.Désigne Nouakchott en tant que ville où siègent les pouvoirs publics de l’Etat. 2. Désigne plus précisément un des plus vieux quartiers de Nouakchott.

 

115. Capō (capot) : 1.Partie mobile de la carrosserie qui recouvre le moteur. 2. Capot trente-cinq (se dit d’un joueur de carte qui n’a fait aucune levée).

 

116. Cap’rāl (caporal).

 

117. Cap’sū-le (capsule) : Alvéole ou cuivre contenant la poudre d’amorçage des fusils dits à capsule.

 

118. Cār (car) : 1.Autocar. 2. pot.

 

119. Cardendī-te (carte d’identité)

 

120. Cā-re (carré) : Terrain à usage d’habitation.

 

121. Car-ne (carnet) : Désigne spécialement un cahier d’écolier ou un livret de pension.

 

122. Carrefour (carrefour) : Lieu où se rencontrent plusieurs routes. Carrefour Nancy, carrefour Lekbeid, Carrefour Madrid sont bien connus des habitants de Nouakchott.

 

123. Carru (carreau)

 

124. Cartāble (cartable)

 

125. Carte blanche (carte blanche). Dans des expressions comme : « andu carte blanche » (Il a toutes les autorisations pour agir à sa guise).

 

126. Carte grise (carte grise)

 

127. Cartū-ne (carton) : emballage.

128. Carūt’ (carotte)

 

129. Car’wāssa (cravache)

 

130. Cas’rūn (casserole): Ustensile de cuisine.

 

131. Cāsse (casse) : Mot datant de l’époque coloniale qui signifie « prison ». La casse, effraction, cambriolage, devient le « lieu » où ces écarts conduisent.

 

132. Cassette (cassette) : Bande magnétique.

 

133. Cā-ve (café) : Boisson.

 

134. Ca-ye (cahier)

 

135. Cawut’chu (caoutchouc).

 

136. Ceintīre (ceinture)

 

137. Cendri-ye (Cendrier)

 

138. Centrā-le (Centrale) :Usine génératrice d’énergie électrique.

 

139. Chaise (chaise) :Siège à dossier, sans bras.

 

140. Chambre (chambre) : pièce d’habitation.

 

141. Chambriyère (Chambre à air). Elle remplace de plus en plus la guerba (l’outre) traditionnelle pour le transport de l’eau du puits au campement.

 

142. Chance (chance)

 

143. Chanj’menh (changement) : Entrée d’un joueur à la place de l’autre. « Chan-ge », « m’changi » ont un sens particulier : Il a changé (de comportement), il n’est plus le même ou il porte de nouveaux habits.

 

144. Chant’ye (chantier).

 

145. Charīt’ (Charrette).

 

146. Cheïf (chef) : Sergent-chef, brigadier-chef.

 

147. Cheuque’ (chèque).

 

148. Chleup’ (Slip).

 

149. Choc (choc). Dans la bouche d’un chauffeur : accident qui n’a pas causé trop de dégâts.

 

150. Chussetāt’ (chaussettes).

151. Chuveïr (chauffeur). « T’chauwvīr » (la conduite), « yet’alem t’chauvīr’ (il apprend la conduite).

 

152. Cigarīt’ (Cigarette).

 

153. Cimo(n)h’ (ciment).

 

154. Ci-ne-mā (cinéma). 1.Salle de spectacle destinée à la projection d’œuvres cinématographiques. 2.Le terme a aussi conservé le même sens que dans l’expression « faire du cinéma, c’est du cinéma ».

 

155. Civīl, Ciwīl (civil) : par opposition à militaire (les civils).

 

156. Clāsse (classe) :1.salle occupée par des élèves. 2.Enseignement donné « t’adel quel Clāsse ? » (Tu fais quelle classe ?) 3.Jeunes gens qui arrivent dans l’armée en même temps.

 

157. Clī-che (cliché) : forme souvent peu avenante d’un individu. «Tfu ele Clī-chtak » (Tu n’es vraiment pas beau à voir).

 

158. Climatiseur (climatiseur).

 

159. Code (code) : code de la route, code phare.

 

160. Coinh’ (coin). «Andu coinh » (Il a un coin) : avoir une petite amie.

 

161. Coc’seur (encaisseur) : personne qui « encaisse » l’argent dans un véhicule de transport, souvent un bus.

 

162. Col’ (col) : 1. Partie du vêtement qui entoure le cou. 2.Substence susceptible de maintenir ensemble, par adhésion, des matériaux en contact.

 

163. Commande (commande).

 

164. Compā (Compas).

 

165. Concūr (concours) : Spécialement l’entrée en première année du collège.

 

166. Contact’ (Contact) : Pièce qui assure le passage du courant.

 

167. Convoi (convoi) : Voitures qui cheminent ensemble vers une même destination.

 

168. Copie (copie) : Reproduction exacte d’un acte, spécialement d’un acte de naissance.

 

169. Coquillāge (coquillage).

 

170. Costīme (costume).

 

171. Craie (craie).

172. Cravat’ (cravate).

 

173. Creïme (crème) : liqueur parfumée pour adoucir la peau.

 

174. Cre-ve-zonh ou craivezonh (crevaison).

 

175. Cric (cric).

 

176. Cubāni-ye (compagnie) :1.Société commerciale.2.Camp militaire.

 

177. Cūche’ (couche) : 1.Linge absorbant que l’on place entre les jambes d’un nourrisson. 2.Etendue uniforme d’une substance appliquée ou déposée sur une surface. « Cūche’m’ne peint īre » : Une couche de peinture.

 

178. Cwizīne (cuisine) :Pièce d’un logement où l’on prépare les repas. On dit aussi «Kweïsī ne».

 

179. Cūli (colis)

 

180. Culleïge (collège) : Etablissement scolaire.

 

181. Culleur (couleur).

 

182. Culunel (colonel).

 

183. Cummissaire (commissaire) : commissaire de police.

 

184. Cummissariat (commissariat) : commissariat de police.

 

185. Cuman-de (commandant) : Ce mot date de l’époque coloniale. « Cuman-de cerquel’ » (commandant de cercle) était le nom porté par la personne qui détenait le pouvoir administratif. Aujourd’hui, il désigne uniquement le grade ou, d’une manière taquine, une personne qui fait preuve d’une grande autorité.

 

186. Cumī-te (comité)

 

187. Cuntāble (comptable).

 

188. Cuntābli-te (comptablité).

 

189. Cunteur’ (compteur).

 

190. Cun-ge (congé) : Autorisation accordée à un salarié de cesser le travail.

 

191. Cung’re (congrès) : «ām’cung-re » (l’année du congrès), disent les Mauritaniens et particulièrement les Alégois, pour évoquer le grand congrès de 1958 préparant l’autonomie dela Mauritanie.

 

192. Cup’ (coupe) : trophée.

 

193. Cup’cup’ (coupe-coupe) : Sabre d’abattis.

 

194. Cupīre (coupure) : Spécialement, coupure de courant.

 

195. Cupongle’ (coupe-ongles).

 

196. Curanh’ (courant) : Electricité.

 

197. Curse (course) :1. Compétition de vitesse. 2. Trajet d’un taxi à un tarif donné.

 

198. Cur’ye (courrier) : Correspondance.

 

199. Cusi-gne (cuisinier).

 

200. Cuvertīr’ (couverture). Ce qui couvre, protège. Terme utilisé par les élèves.

 

201. Curt’ manche, longue’manche : Chemises à manches courtes ou longues.

 

202. Cunt’wār (comptoir).

 


Onu : quand la France « engage » les Africains

Une résolution sur le Mali est prise. Une résolution conçue, présentée et appuyée énergiquement par Paris auprès du Conseil de Sécurité de l’Onu qui l’a entérinée comme une lettre passée à la poste. C’est donc une option pour l’intervention militaire qui vient d’être prise. Une réponse « appropriée » à plusieurs attentes : celles de la France, d’abord, dont des otages sont retenus par Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) depuis plus d’un an, des Etats unis, qui inscrivent la chasse aux barbus dans le registre de la lutte contre le terrorisme lancée depuis 2001 en Afghanistan, poursuivie depuis en Irak, Yémen et Pakistan, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a peur de la « contamination » islamiste et, paradoxalement, des Maliens eux-mêmes qui ont longtemps hésité avant de demander officiellement cette intervention.

Une apparente convergence de points de vue qui ne doit pas cacher, cependant, des dissonances à plusieurs niveaux.

La France pousse devant les Africains qu’elle assure de son « soutien » logistique. Ici se pose la question de savoir si c’est parce  qu’elle ne veut pas intervenir dans les affaires intérieures maliennes (comme quoi Hollande est différent de Sarkozy qui n’a pas hésité à lancer ses avions de combat contre Kadhafi) ou tout simplement que Paris craint l’enlisement, avec risque de pertes énormes, dans un conflit qui pourrait durer.

Dans ce qui ressemble bien à un imbroglio politico-militaire en gestation, le rôle de deux pays du champ, la  Mauritanie et l’Algérie, n’est pas clairement défini. La mise en avant de la  Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) peut être considérée comme une « victoire » de Paris sur Washington, quand on sait que cet ensemble est, sur le plan géostratégique, très lié à la France alors que les USA ont tenté récemment de s’appuyer sur Alger et Nouakchott pour avoir leur mot à dire dans ce qui se prépare pour aller à la reconquête du nord Mali. La blessure du président Aziz dans ce qui considéré par certains comme un attentat, alors que Nouakchott parle de méprise remet cette question à plus tard mais ne l’occulte pas.

Sneiba


L’Ancien Régime, bouc-émissaire jusqu’à quand ?

L’ancien président mauritanien, Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya (1984-2005)

Voilà cinq ans déjà que Maaouiya n’est plus là. Cinq longues années que la Mauritanie essaye de se sortir du bourbier dans lequel il l’a laissé après deux décennies de gouvernance sans partage.

Oui, Taya, n’a pas laissé la Mauritanie dans un bon état. Oui, à son départ, le pays était au bord du précipice. Sur tous les plans (économique, politique et social). Il n’avait pas de solution lui-même pour la situation qu’il avait créée. Avec la complicité de la quasi-totalité des hommes politiques qui, aujourd’hui encore, continuent à vouer l’ancien Raïs aux gémonies.

Cinq ans déjà que Taya vit en exil au Qatar. Et pourtant, il est toujours là. Dans les esprits et les discours. De ceux qui l’ont destitué. Du peuple même. Pour des raisons tout à fait différentes.

Lors de ses visites à l’intérieur du pays le président Ould Abdel Aziz parle toujours de Taya. Indirectement certes. En évoquant un enseignement qui est à l’origine du plus grand mal que connait le pays actuellement (le chômage des jeunes), Aziz pointe du doigt la mal formation (malformation ?) au niveau d’un système éducatif aujourd’hui aux abois. L’Ecole mauritanienne ne prépare pas aux métiers, elle n’a pas de formations qualifiantes. Que de littératures et de choses qui n’ont aucune emprise avec la réalité et sur elle. Aziz dit à peu près ceci : « si vous ne réussissez pas à trouver du travail ce n’est pas la faute à l’Etat. Vous n’avez tout simplement pas le profil nécessaire » ! Mais de quelle formation et de quel profil parle-t-on ? N’avons-nous pas des ingénieurs qui chôment, des sortants de l’école de vulgarisation agricole de Kaédi qui ont erré longtemps sans savoir à quels saints se vouer ?

Certes, la seule université du pays sort chaque année des centaines, voire des milliers de diplômés es Lettres, Droits, Economies et autres « futilités » dont un pays comme la Mauritanie n’a pas besoin mais il est certain que cela ne saurait expliquer, à lui seul, les disfonctionnements flagrants que l’on constate aujourd’hui à tous les niveaux de la Fonction publique. Ce qui se passe au niveau des secteurs de production (pêche, agriculture, mines) montre que le problème est ailleurs ; il est à la fois structurel et « gestionnel ».

La Société nationale de développement rural (Sonader) n’est plus que l’ombre d’elle-même. A un certain moment, elle a été obligée de dégraisser alors qu’elle avait vraiment la possibilité de ne pas « mourir à petit feu » comme on le voit aujourd’hui. On peut dire la même chose d’un secteur des pêches qui, s’il avait été bien géré, avec d’autres préoccupations que celles de renflouer les caisses de l’Etat (Accord de pêche avec l’UE), pouvait avoir de meilleurs rendements que ceux qu’il a aujourd’hui.

Tout cela pour dire qu’on ne peut pas continuer, encore et encore, à tout mettre sur le dos de l’Ancien Régime. A parler d’accumulations quand on veut expliquer les problèmes de l’école, la corruption au niveau de l’administration, les incohérences de l’état civil, l’immixtion de la tribu dans la gestion des affaires de l’Etat, l’insécurité, etc. Cinq ans, c’est déjà un quinquennat, et il doit être suffisant non pas pour donner un autre visage à la Mauritanie mais, au moins, amorcer un nouveau virage.

 


L’Ordre et le Désordre

Paraphrasons un peu Voltaire et parlons de la Mauritanie « comme elle va ». Un pays où l’Ordre nouveau côtoie encore le Désordre ancien qui relève de « ces choses qui ne savent pas mourir », comme disait Gaston Berger.

L’Ordre, c’est cette volonté des autorités publiques, le président Mohamed Ould Abdel Aziz en tête, d’imprimer à la vie nationale, dans toutes ses manifestations (politique, économique, sociale), le rythme du changement dé-constructif. Question d’ambivalence à tous les niveaux. Les goudrons qui permettent aujourd’hui aux Nouakchottois de dire que le pays avance, et à ceux qui débarquent, pour la première fois, dans la capitale mauritanienne, d’affirmer qu’elle ressemble maintenant à quelque chose. Pourtant, ils n’ont pas mis fin aux problèmes apparemment inextricables de la circulation à Nouakchott. L’immensité du désordre créé par le je-m’en-foutisme des automobilistes fait regretter aux piétons les goudrons d’antan : les deux « voies » leur permettaient, au moins, de passer sans avoir à craindre, à chaque fois, d’être faucher par ces voitures lancées comme sur des circuits de formule 1.

Les « goudrons d’Aziz », comme les appellent avec un brin d’affectivité ceux qui certainement lui ont donné leurs voix lors de la dernière élection présidentielle, ne servent pas seulement à rendre fluide – et plus dangereuse – une circulation urbaine jusque-là cahoteuse mais rendent également fiers ceux qui ne sont plus contraints de marcher la nuit dans la pénombre et de promener les belles filles sur les « autoroutes » de Nouakchott.

Dans l’océan des chiffres et des réalisations du nouveau pouvoir (pas celui de 2005 où il y avait le « partage » entre le chef désigné du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie et l’actuel président ou encore de 2007 où Aziz cogérait, dit-on, avec le « premier président démocratiquement élu ») ces goudrons-là ont réussi le KO de l’opposition plus que les sorties inconséquentes de soutiens du président (ce qu’on appelle la majorité) qui continuent à parler de « démocratie », de refonte de l’Etat, d’embellie de la justice, de liberté de la presse. De liberté tout court…

Les Grecs, pas idiots pour deux sous, avaient compris que la Muse ne rassasie pas les poètes, ne donne guère de forces aux guerriers, ne rend pas les femmes plus faciles ni les hommes plus gracieux, ne délivre pas des amours malheureux ni des infirmités mentales. Ils acceptaient volontiers l’idée que le pouvoir ne se partage pas. Nous aussi, nous disons à nos dirigeants actuels que l’Ordre (un seul homme gouverne) et le Désordre (l’impossibilité de rendre le Premier ministre responsable des gaffes de son gouvernement) perturbent l’entendement de ceux qui veulent donner un sens à la « Mauritanie comme elle va ».

Faudrait-il alors que ceux qui animent aujourd’hui la scène du pouvoir ne soient pas ceux-là même qui avaient joué le même rôle, avec un égal bonheur, dans les régimes précédents. Une tendance qui fait désordre actuellement, quand on voit des adversaires politiques d’hier nouer des alliances, alors que, véritablement, rien n’a changé pour que l’on puisse justifier, raisonnablement, un tel changement d’attitude. Un comportement politique bien de chez nous, qui recoupe ce qu’un grand philosophe grec avait dit sur le désordre (politique ou autre) : « On ne va jamais d’un point à un autre, on ne sait ni d’où on vient ni où on va, on est là. »

Sneiba