L’Ordre et le Désordre

Article : L’Ordre et le Désordre
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9 octobre 2012

L’Ordre et le Désordre

Paraphrasons un peu Voltaire et parlons de la Mauritanie « comme elle va ». Un pays où l’Ordre nouveau côtoie encore le Désordre ancien qui relève de « ces choses qui ne savent pas mourir », comme disait Gaston Berger.

L’Ordre, c’est cette volonté des autorités publiques, le président Mohamed Ould Abdel Aziz en tête, d’imprimer à la vie nationale, dans toutes ses manifestations (politique, économique, sociale), le rythme du changement dé-constructif. Question d’ambivalence à tous les niveaux. Les goudrons qui permettent aujourd’hui aux Nouakchottois de dire que le pays avance, et à ceux qui débarquent, pour la première fois, dans la capitale mauritanienne, d’affirmer qu’elle ressemble maintenant à quelque chose. Pourtant, ils n’ont pas mis fin aux problèmes apparemment inextricables de la circulation à Nouakchott. L’immensité du désordre créé par le je-m’en-foutisme des automobilistes fait regretter aux piétons les goudrons d’antan : les deux « voies » leur permettaient, au moins, de passer sans avoir à craindre, à chaque fois, d’être faucher par ces voitures lancées comme sur des circuits de formule 1.

Les « goudrons d’Aziz », comme les appellent avec un brin d’affectivité ceux qui certainement lui ont donné leurs voix lors de la dernière élection présidentielle, ne servent pas seulement à rendre fluide – et plus dangereuse – une circulation urbaine jusque-là cahoteuse mais rendent également fiers ceux qui ne sont plus contraints de marcher la nuit dans la pénombre et de promener les belles filles sur les « autoroutes » de Nouakchott.

Dans l’océan des chiffres et des réalisations du nouveau pouvoir (pas celui de 2005 où il y avait le « partage » entre le chef désigné du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie et l’actuel président ou encore de 2007 où Aziz cogérait, dit-on, avec le « premier président démocratiquement élu ») ces goudrons-là ont réussi le KO de l’opposition plus que les sorties inconséquentes de soutiens du président (ce qu’on appelle la majorité) qui continuent à parler de « démocratie », de refonte de l’Etat, d’embellie de la justice, de liberté de la presse. De liberté tout court…

Les Grecs, pas idiots pour deux sous, avaient compris que la Muse ne rassasie pas les poètes, ne donne guère de forces aux guerriers, ne rend pas les femmes plus faciles ni les hommes plus gracieux, ne délivre pas des amours malheureux ni des infirmités mentales. Ils acceptaient volontiers l’idée que le pouvoir ne se partage pas. Nous aussi, nous disons à nos dirigeants actuels que l’Ordre (un seul homme gouverne) et le Désordre (l’impossibilité de rendre le Premier ministre responsable des gaffes de son gouvernement) perturbent l’entendement de ceux qui veulent donner un sens à la « Mauritanie comme elle va ».

Faudrait-il alors que ceux qui animent aujourd’hui la scène du pouvoir ne soient pas ceux-là même qui avaient joué le même rôle, avec un égal bonheur, dans les régimes précédents. Une tendance qui fait désordre actuellement, quand on voit des adversaires politiques d’hier nouer des alliances, alors que, véritablement, rien n’a changé pour que l’on puisse justifier, raisonnablement, un tel changement d’attitude. Un comportement politique bien de chez nous, qui recoupe ce qu’un grand philosophe grec avait dit sur le désordre (politique ou autre) : « On ne va jamais d’un point à un autre, on ne sait ni d’où on vient ni où on va, on est là. »

Sneiba

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