L’Etat-Providence : Une idée qui ne fait plus recette

Article : L’Etat-Providence : Une idée qui ne fait plus recette
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16 octobre 2012

L’Etat-Providence : Une idée qui ne fait plus recette

Distribution de vivres aux populations pauvres

En cette période de crise, les mauritaniens sollicitent – peut être un peu trop – l’intervention de l’Etat dans tous les problèmes qui se posent à eux. Chaque jour que Dieu fait, des protestations fusent de partout, rappelant au pouvoir des promesses faites, un peu partout, par le président lui-même ou par des ministres de la République.

Des appels qui, en cette période de crise économique, vont tous dans le sens du retour à ce que les citoyens considèrent comme le rôle de l’Etat-providence. Et il faut dire que le pouvoir contribue, fortement, à ancrer cette idée dans l’esprit des mauritaniens !

De passage à Rosso, au mois de mars dernier, le Raïs avait promis de revenir, en juin, pour «régler tous les problèmes de la ville » ! Depuis, les citoyens qui sont venus nombreux pour l’écouter discourir sur le retour du dernier contingent des réfugiés au Sénégal, le besoin de consolider l’unité national, en passant l’éponge sur le passif humanitaire légué par le régime de Taya, attendent toujours ! Ils vont prendre leur mal en patience mais n’accepteront, sans doute pas, lors de la prochaine visite, que leur requête d’un lendemain meilleur soit encore différée.

L’idée même que « tout va bien dans le meilleur des mondes possibles » est entretenue, chaque nuit et jour, à l’occasion des « jours nuls » de la Télévision de Mauritanie par un matraquage médiatique des plus débiles : plan d’urgence « Emel 2012 », routes, électrification, eau, santé, éducation. Des réalisations énumérées dans une cacophonie indescriptible qui rappelle, malgré tout, ce que l’on dit sur la « Mauritanie nouvelle », les vieux refrains de la tayatie.

L’information que livre la TVM fait revivre intensément le mythe de l’Etat-Providence. Pas au sens que l’on donne généralement à cette notion en Occident : L’État-providence bismarckien, fondé en Allemagne par les lois de 1880, «repose sur le mécanisme des assurances sociales, dans lequel les prestations sont la contrepartie de cotisations (il y a prévention du risque maladie, vieillesse et accident du travail pour les actifs uniquement)», ou l’État-providence beveridgien (de Beveridge), qui naît au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, et qui est financé par l’impôt et fournit des prestations uniformes à tous les membres de la société, les prestations ne fournissant en général que des minima assez bas. Mais répondant à cette idée typiquement mauritanienne que l’Etat est une vache laitière !

Sans que l’on s’accorde aujourd’hui à reconnaître que le citoyen trouve vraiment son compte dans la nouvelle gestion de l’Etat, par une juste redistribution des ressources nationales censées avoir été récupérées grâce au tarissement des sources où s’abreuvaient les « budgétivores » de la République, il est clair cependant, qu’il y a une détérioration visible à l’œil nu des conditions de vie des populations. Une situation à laquelle ne peut rien le déni du gouvernement qui cherche, par tous les moyens, à montrer une réalité autre. Exemple de cette propagande étatique tentant de conforter cette idée d’Etat-providence à la mauritanienne : cette reprise effrénée d’un processus de « développement » entamé il y a trois ans et qui donne l’impression d’avoir manqué de « ressources » (au propre et au figuré). A tel point que tout ce que les mauritaniens soutenant le programme électoral du président Aziz citent aujourd’hui, comme réalisations concrètes, tient à la construction de quelques dizaines de kilomètres de bitume à Nouakchott, à l’équipement de centres de santé, à la restructuration, toujours en cours, des « gazra » (habitats précaires) et à une lutte contre la gabegie au résultat mitigé.

L’idée même que l’Etat est présent partout (et peut tout) est un couteau à double tranchant. Le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf en a certainement fait l’amère expérience, lui qui, dans ces deux derniers Discours de Politique Générale, a promis le ciel et la terre aux mauritaniens. Sans tenir compte de « l’existant » en matière de ressources propres mais aussi de mobilisation de l’aide qui, par les temps qui courent, est loin d’être une évidence.

Autant dire que ce que le gouvernement présente dans ses médias comme de « grandes réalisations accomplies en si peu de temps » est une goutte d’eau dans un océan de misère ! Même si les autorités prennent toujours soin d’indiquer qu’il y a encore des milliers d’autres localités où l’Etat ne peut intervenir, faute de moyens. Mais l’information est faite de singularités, pas de l’ordinaire miséreux qui est ici la chose la mieux partagée par les mauritaniens.

La non ponctualité de l’aide que livre le Commissariat à la sécurité alimentaire et à l’action humanitaire ne traduit-elle pas cet usage intéressé des moments de détresse des populations à des fins politiques ? Le retard des pluies ou, à l’inverse, les inondations, la hausse des prix ou l’apparition subite d’une maladie animale sont exploités, pernicieusement, à des fins politiques qui font que la conception minimaliste de l’État-providence contredit ces visions et érige en principe fort que rôle et missions de l’État sont cantonnés aux fonctions régaliennes (police, armée, justice), et que tout ce qui est fait en dehors (routes, hôpitaux, écoles) relève d’actes d’exception, d’actions possibles mais non nécessaires. L’Etat-providence en Mauritanie, c’est la mobilisation de toutes les ressources nationales pour un besoin de survie. Du Système et des hommes.

Mohamed Sneiba

 

 

 

 

 

 

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