Mohamed SNEIBA

Mauritanie: Monsieur le ministre « Lsanou khriv »

Moctar Diay, ministre des Finances
Moctar Diay, ministre des Finances

Un ministre qui transforme le désert en verdure et une crise économique en prospérité a la langue mielleuse (« Lsanou khriv »).

C’est le cas de notre ministre des Finances, le sieur Moctar Ould Diay qui vient de défendre devant nos braves « dépités » la loi de Finances 2016. Malgré la crise économique, la chute des cours du fer, de l’or et du poisson (les trois mamelles de l’économie mauritanienne), le ministre nous annonce une croissance de plus de 5% en 2016. Sans dire « inchallah » ! Donc, peut-être bien, peut-être pas.

Ould Diay qui a été décoré le 28 novembre dernier par le président de la République, semble pourtant sûr de son fait : le pays continuera à se développer parce que le gouvernement a adopté les bonnes mesures : l’investissement dans les infrastructures et l’énergie fera accourir les investisseurs ! Une logique de « samsar » (courtier) qui oublie l’essentiel : un pays qui tire la bonne part de ses ressources du fisc (210 milliards d’ouguiyas en 2015, environ 50% du budget de l’Etat) prend le risque (pas le bon) de faire fuir ces investisseurs. Il oublie aussi que, malgré les 8 points grignotés lors du dernier Doing Business, la position de la Mauritanie (168eme) reste peu avantageuse. Il oublie les tracasseries de la mine d’or de Tasiast avec la SEC (bourse américaine) avec de forts soupçons de corruption. Il oublie que la Société nationale industrielle et minière (SNIM), la vache à lait du gouvernement durant les trois dernières années, ne peut plus fournir à l’Etat le quart de son budget. Parce qu’elle fait face, elle-même, à des difficultés structurelles qui l’ont obligée à procéder à une « défilialisation » à l’allure de débandade.

Je sais qu’Ould Diay a acquis de l’expérience à la Direction générale des Impôts où il a réussi à élargir l’assiette fiscale faisant passer les contribuables de quelques centaines à des milliers. Un bon point pour ce ministre grand orateur devant l’Éternel et surtout très engagé. Les mauvaises langues diront « embarqué ». Et qui aura le réveil dur comme tout « ministré » débarqué !

Le problème d’Ould Diay se trouve être cette récession économique qui ne dit pas son nom. Les sociétés « pondeuses » (SNIM, Tasiast, MCM) ne peuvent supporter une augmentation d’impôts sur le chiffre d’affaires et de la TVA, même si ce ne sont pas elles qui payent cette dernière mais plutôt le consommateur. Ce dernier n’a aujourd’hui qu’un seul mot dans la bouche : le manque d’argent. Il fait ainsi passer l’utile (manger, boire, se soigner) avant le futile. Et même parfois ce qui est nécessaire sans relever de l’urgence, comme le logement. Le BTP se meurt parce que les particuliers n’ont pas le moyen de poursuivre des chantiers en souffrance. Un commerçant du 6eme Arrondissement chez lequel je récupère chaque fin de mois une pige venant du Maroc me montre ses marchandises devenues encombrantes : « regarde, personne ne vient acheter, et c’est comme ça depuis plusieurs mois. Qu’est-ce qui se passe dans votre pays, monsieur le journaliste ?

A cette question, je réponds invariablement : « Et pourtant, ils disent (le ministre des Finances, le ministre des Affaires économiques) que les caisses sont pleines. Crise ou pas crise, le niveau des réserves en devises du pays reste stable. Comme si le gouvernement et les hommes d’affaires ne faisaient face à aucune difficulté. Le ministre des Finances fait même montre d’assurance : le budget de l’Etat s’équilibre cette année en recettes et en dépenses à 451 milliards d’ouguiyas (environ 1,5 milliard d’USD). Avec une augmentation de près de 11 milliards d’UM (2%) par rapport à 2015 s’extasie notre brave ministre des Finances, comme s’il venait de gagner le Nobel d’économie. Alors que pour nous qui avons pris la mesure des manipulations du gouvernement, nous savons que c’est de la poudre aux yeux.

Pour ceux qui ne le savent pas, 11 milliards de nos ouguiyas, c’est seulement 36 millions de dollars US; une petite fortune à l’échelle d’un individu mais insignifiant s’agissant d’un État. Je vous l’ai dit, c’est un coup de propagande, comme cette annonce du ministre des Finances proclamant qu’aucun projet en cours ne sera arrêté en 2016 ! J’ajoute moi : incha Allah !


« COP du monde » : Rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme

Les chefs d'Etat et de gouvernement à la COP21 (crédit photo: google)
Les chefs d’Etat et de gouvernement à la COP21 (crédit photo: google)

Une coupe du monde à 195 pays et sur un seul stade, le Bourget, ne connaitra pas de dénouement. Je veux dire, pas de vainqueur ni de vaincu. La COP21, qui est la « coupe » du monde sur le climat, cela me rappelle la fameuse phrase de Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se gagne, se crée, tout se transforme ».

 

Au 11 décembre 2015, le monde restera le monde. Les participants à la COP21 rentreront dans leurs pays respectifs avec l’illusion d’avoir travaillé, deux semaines durant, pour sauver la planète Terre d’une menace écologique qui, elle, est certaine. Ils oublient, le temps d’une conférence, que cela fait près de quarante ans que la première sonnette d’alarme a été déclenchée sans que les grandes puissances qui gèrent le monde en fonction de leurs intérêts prennent la mesure des risques. Les décisions prises sont plus théoriques que pratiques. Revisitons ce long processus de négociations sur le site : www.cop21.gouv.fr :

« Un Programme de recherche climatologique mondial lancé, sous la responsabilité de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et du Conseil international des unions scientifiques (CIUS), en 1979.

En 1988, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est créé par l’OMM et le PNUE pour procéder, à intervalles réguliers, à une évaluation de l’état des connaissances sur les changements climatiques. Son premier rapport en 1990 reconnaît la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique. Il sert de base à l’élaboration de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Le sommet de la Terre à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992 est une étape cruciale dans les négociations climatiques internationale avec la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Elle reconnaît officiellement l’existence du dérèglement climatique et la responsabilité humaine dans ce phénomène. Son objectif est de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre à un niveau qui empêche toute perturbation humaine dangereuse du système climatique. La Convention-cadre, entrée en vigueur le 21 mars 1994, a été ratifiée par 195 pays, appelés « parties », plus l’Union européenne.

L’adoption du protocole de Kyoto en 1997 fixe pour la première fois aux pays développés des engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Entré en vigueur en 2005, le protocole devait couvrir la période 2008-2012.

Une vision à plus long terme s’est ensuite imposée avec le plan de Bali en 2007 qui a établi un calendrier de négociations pour parvenir à un nouvel accord devant prendre le relais du protocole de Kyoto dont l’échéance a été fixée à 2012. La conclusion d’un accord devait se réaliser au plus tard en décembre 2009.

Si Copenhague (Danemark) n’a pas permis l’adoption d’un nouvel accord, la COP15/CMP5 a validé l’objectif commun visant à contenir le réchauffement climatique en-deçà de 2°C. Les pays développés se sont également engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 en faveur des pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Cancun (Mexique) en 2010 a permis la concrétisation de l’objectif des 2°C par la création d’institutions dédiées sur des points clés comme le Fonds vert pour le climat.

La volonté d’agir collectivement s’est traduite par la création, en 2011, de la plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP), qui a pour mandat de rassembler autour de la table tous les pays, développés et en développement, afin de travailler à un «protocole, à un instrument juridique ou à un résultat ayant force de loi » applicable à toutes les parties à la Convention climat de l’ONU. Cet accord devra être adopté en 2015 et mis en œuvre à partir de 2020.

Afin de pallier le vide juridique, la conférence de Doha (Qatar) en 2012 a entériné l’engagement de plusieurs pays industrialisés dans une seconde période d’engagement du protocole de Kyoto (2013/2020) et a mis fin au mandat de Bali.

Les conférences de Varsovie (Pologne) en 2013 et de Lima (Pérou) en 2014 ont permis de franchir des étapes indispensables pour préparer la COP21 de Paris en 2015. Ainsi, tous les États ont été invités à communiquer leur contribution (INDC) en matière de réduction de gaz à effet de serre en amont de la COP21. »

 

La finale à Paris ?

 

isParis ne devrait pas connaitre le dénouement de cette longue « COP du monde ». Elle portera seulement le numéro 21 pour dire qu’en 2015, les matchs entre les vrais décideurs (les USA, la Chine et l’Europe) se sont déroulés sur les terrains français. Il sera utopique, répétons-le, de penser qu’un nouvel accord universel sur le climat, applicable à tous, sera trouvé par les délégués des 195 pays-parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Parce que la décision ne dépend tout simplement pas d’eux. Comme au niveau du Conseil de sécurité, le véto existe de facto, en matière de climat, pour que la Chine ou les USA, remettent tout en cause. La recherche de compromis, à partir des négociations précédentes (du 8 au 13 février à Genève 2014), à la COP20 de Lima (Pérou), du 1er au 14 décembre 2014, et lors de la dernière session qui a eu lieu du 19 au 23 octobre 2014 à Bonn (Allemagne), siège de la CCNUCC, n’assure pas le succès de la COP21.

Car le climat est aussi et surtout une affaire d’argent. Les pays développés se sont engagés, à Copenhague en 2009 et à Cancun en 2010, à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Ces pays n’oublient pas, pour autant, que réduire les émissions de gaz à effets de serre (GES) c’est prendre un risque de récession économique dans un « climat » de rude concurrence entre les USA, la Chine et l’Europe. On ne se soucie guère du dicton qui dit « personne ne se sauvera seul » qui est vu plutôt comme une sorte d’assurance, voire de cynisme, pour éviter une apocalypse d’ampleur planétaire. Car, en plus du volet financier, l’autre temps fort a été la publication du rapport de synthèse de la CCNUCC sur les contributions nationales le 30 octobre. La CCNUCC a étudié l’impact de 146 contributions nationales. En l’état, la trajectoire mondiale des émissions de GES dessinée par les contributions publiées nous situeraient en 2030 sur une trajectoire menant à environ 3°C à la fin du siècle, comprise entre 2,7 et 3,5°C. Le scénario du pire, avec un réchauffement proche des 4,5 voire 6°C, qui correspond aux trajectoires actuelles d’émissions et jusqu’ici considéré par les scientifiques comme le plus probable, s’éloigne. Grâce à ces contributions, l’objectif des 2°C d’ici 2100 peut être atteint, à condition d’accélérer la dynamique. Un des enjeux de l’accord de Paris sera de mettre en place un mécanisme de révision périodique, idéalement tous les cinq ans, pour relever l’ambition de chacun et d’améliorer progressivement la trajectoire collective.

 


28 novembre 2015 : le président « aadi »

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)

Ce que le président Mohamed Ould Abdel Aziz (havawahou Allah¹, comme disent nos frères Marocains de leur roi) a dit, le 28 novembre, au cours de la conférence de presse depuis Nouadhibou est « aadi ». Je dirais même « aadi hatta » (normal, très normal même). Comment voulez-vous qu’un homme qui est au pouvoir depuis 2005 (eh oui), qui est seulement à la deuxième année de son second mandat et qui voudrait, disent les calomniateurs de la « mouarada² », s’essayer à un troisième mandat, comme les braves N’Kurunziza, Kagamé et N’Guessou, remette en cause ses acquis économiques, démocratiques et sociaux ?

Ce 28 novembre, Aziz était bien en phase avec lui-même. Pour lui, « tout est bien dans le meilleur des mondes possibles » ! Malgré la crise qui n’épargne ni les petits Etats ni les grands, vraiment grands, comme les Etats-Unis,  la Chine ou la Russie. Oui, oui, l’année qui s’écoule et celle qui s’annonce ne sont pas comme notre « âge d’or » (2013-2014), quand la Société nationale industrielle et minière (SNIM) vendait son fer à 170 dollars la tonne, reversant à l’Etat des montants énormes dépensés dans des projets qu’une « mouarada » grincheuse qualifie de « populistes ». Mais on a su trouver la parade avec notre vaillant ministre des Finances Moctar Ould Diay : presser comme un citron, « surpresser » même, des sociétés qui ne savent plus à quels saints se vouer. Ould Diay, ancien directeur général des impôts, propulsé ministre des Finances, veut pallier, par tous les moyens, aux manques de ressources. Il oublie cependant de dire au président de la République, qui l’a décoré ce 28 novembre 2015, que nos maîtres capitalistes disent « trop d’impôts tue l’impôt ». Le patronat, pas content de supporter une partie de la charge d’un gouvernement fainéant, commence à rouspéter. Aura-t-il le courage, la témérité, de dire à Aziz : « si on coule, tu coules », comme lui avait dit, un certain août 2008, au président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, voulant le « décharger » de son poste stratégique de chef d’état-major particulier » et de commandant de la Garde présidentielle, « si tu m’enlèves, je t’enlève ». Ce qu’il a fait pour devenir président à la place du président. Mais ceci est une autre histoire, morte et enterrée, mais qui pue toujours. Revenons à ce que le président « aadi » a dit ce 28 novembre 2015.

Il a dit parmi ce qu’il a dit qu’il n’est au courant de rien s’agissant de la mine d’or de Tasiast empêtrée depuis quelques mois dans une enquête de la SEC américaine. Cela la concerne, a-t-il dit. Après tout, la gestion de la mine d’or lui revient et si elle accepte de louer des camions « à 7 fois leur prix », ce n’est pas nous. Sur ce détail, aucun journaliste présent n’a demandé au rais d’où il tient cette information, lui qui a pourtant dit, selon l’AMI (Agence officielle) «qu’il n’a pas eu à rencontrer un fonctionnaire de Taziast ou un de ses responsables, mais qu’il les a toujours mis en garde contre le trafic d’influence et demandé d’éviter de subir des pressions de qui que ce soit ». Au téléphone, ou par ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines interposé ? Bizarre non ? Gens de Tasiast, débrouillez-vous avec les Américains ! L’Etat mauritanien voue lâche en attendant les conclusions de l’enquête.

Concernant les libertés publiques, Aziz a pris tout le monde au dépourvu. Citons encore l’AMI pour ne pas déformer les propos du rais : « depuis 2005, une rupture a été opérée avec la dictature et l’étouffement des libertés ». C’est donc dans une « autre Mauritanie » que le colonel à la retraite Omar Ould Beibakar a été arrêté, le jour de l’indépendance, pour s’être exprimé sur les ondes de RFI à propos des évènements d’Inal. Sur le même sujet, une conférence qu’il devait organiser avec le parti AJD/MR n’a pas été autorisée par le ministère de l’Intérieur. Rappelons aussi que Biram Ould Dah Ould Abeid et Brahim Ould Bilal Ramdane, respectivement président et vice-président de l’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) croupissent en prison depuis plus d’un an. Leur tort : avoir organisé une marche contre l’esclavage foncier. Alors ?

Sur un sujet qui intéresse plus que tout autre les Mauritaniens, à savoir si Aziz quittera le pouvoir, fin 2019, à l’issue de son second mandat, le président donne cette réponse évasive : il attendra l’approche de cette date pour répondre. « Aadi ». Il ne faut pas donner raison à l’opposition à 3 ans d’une échéance dont certains de ses leaders seraient certainement exclus à cause de leur âge avancé.

1. Que Dieu le préserve.

2. Opposition.


Les trois mandats… comme « les trois normaux »

Séance de thé (Crédit photo : Google)
Séance de thé (Crédit photo : Google)

En Mauritanie, tout reste lié à cette histoire de troisième mandat pour le président Aziz, même si ce dernier et la majorité qui la réélu en juillet 2014 répètent à qui veut les entendre que le sujet n’a jamais été évoqué.

Mais cette histoire de troisième mandat ressemble pour moi à celle du thé, inconcevable dans notre société sans les « trois normaux », les trois verres qu’on sert aux convives. Imaginez un peu le scandale provoqué par une séance de thé qui se termine sans le « troisième »! Dans toutes les régions de Mauritanie, chez toutes les tribus ou communautés, un thé ne se conçoit pas sans les trois verres. D’ailleurs s’il est bien fait, les convives peuvent réclamer un quatrième.

Notre président a déjà savouré son premier verre (son premier mandat) en tant que « président des pauvres ». Un titre qu’il a brandi comme slogan de campagne en 2009, mais qui a fini par se retourner contre lui: des riches appauvris sont venus grandir la masse des pauvres plus pauvres que jamais.

Aziz a entamé son deuxième mandat (le deuxième verre) en 2014 par la « lutte contre la gabegie ». Vaste programme qui a fait des ravages tant dans les rangs de l’opposition que de la majorité. Un thé au goût amer quoi, présenté par les adversaires du rais comme une autre facette d’un populisme de mauvais aloi.

J’imagine mal le président Aziz ne pas finir son thé par un troisième mandat, pardon, un troisième verre. Il lui faut cependant raviver la braise de son fourneau qui commence déjà à se transformer en cendre.


Autour d’un thé : une histoire de place

Moctar Diay, ministre des Finances
Moctar Diay, ministre des Finances

Y a un oiseau de chez Nou’zautres qui a voulu imiter la marche d’un autre oiseau de chez Nou’zautres. Vous savez quoi ? Non seulement, il n’y est pas arrivé, mais il n’a pas non plus réussi à redevenir lui-même et recouvrer sa propre marche.

C’est que ce n’est pas une simple histoire de marche ou de marché. C’est beaucoup plus que ça. C’est une histoire de place. Imaginez un peu, avec moi, si chacun était resté à sa place. Certainement qu’on n’aurait pas eu besoin, aujourd’hui, de faire le moindre dialogue, pas plus inclusif qu’exclusif.

Vous ne voyez pas où je veux en venir ? « Garawoul » (c’est pas grave), comme disent les Wolofs. On répète. La répétition a des vertus pédagogiques. Et comme l’école commence, ce n’est pas grave de faire un peu de pédagogie. Suivez-moi bien. Personne n’est à sa place aujourd’hui, en Mauritanie.

Sauf exceptionnellement. Et que dit-on de l’exception ? Comme quoi charité bien ordonnée commence par soi-même. Certes, la première que le purificateur (et non le fou) purifie est sa propre tête. Moi, je ne suis pas à ma place.

Ce n’est pas au Calame¹, ma place. Elle est dans les classes, à côté des maîtres. Pas au marché ni devant les sièges des banques primaires, à vendre et acheter. Mais ensemble, amis, lisons ensemble dans les classes, pour enseigner. Sans discours officiel d’ouverture.

Sans grand tapage médiatique, pour annoncer une ouverture qui se serait passée dans les meilleures conditions possible, comme toujours depuis au moins trente ans que ça se passe ainsi. L’emplacement est important. Aussi bien pour les hommes que pour les choses. Les anciens blocs-manivelles² n’étaient pas bien placés.

C’est dire qu’ils n’étaient pas à leur place. Exactement comme les défuntes écoles 1 et 2 de la capitale, respectivement école Justice et école Marché.

Qui a déjà vu une école entre magasins, vendeurs de fatayas, cure-dents et autres serrures, portes d’aluminium, banques, bureaux de change, représentations de grandes marques internationales de TV et électroménager ? Ce n’est pas la place d’une école. Dites la vérité. Chacun à sa place.

Chaque chose à sa place. Vous pensez que si, par exemple – au hasard, hein ! – les militaires, les premiers, ceux des années 1978, étaient restés à leur place : dans les casernes, les escadrons et autres commissariats… Certainement que nous n’en serions pas là aujourd’hui. « Où ça, là ? », me diront certains.

Là, là, à Nouakchott, en Mauritanie. Et ainsi de suite. Si les Cavaliers du changement étaient restés à leur place : militaires retraités ou officiers de service ; si les gens du 3 août 2005 et ceux du 6 août 2008, qui ne sont qu’une seule et même communauté dont une partie fait partie de l’autre partie, étaient restés à leur place ; il n’y aurait pas eu d’amalgame.

Les chercheurs cherchent. Les docteurs soignent. Les professeurs enseignent. Les politiques mélangent. Les techniciens fabriquent et réparent. Les civils en ville.

Les militaires dans les casernes. Les écoles restent des écoles. Les journalistes, journalistes. Les ambassadeurs, ambassadeurs. Les vieux, des vieux. Les femmes, des femmes. Et les jeunes, des jeunes. Sans haut ni bas ni conseil intermédiaire. Juste à la place que leur confèrent leur âge et leur vivacité.

Pas des jeunes aux têtes bourrées de préoccupations de vieux. Ah, cette histoire de place ! Regardez bien autour de vous. Ici chez nous, quasiment personne n’est à sa place.

Or qu’Allah bénisse celui qui a connu sa « place » et s’est assis en deçà ! C’est tout le contraire, ici. Si haut perché sans rien comprendre. Y a pas que vendre, acheter, négocier, beloter, rebeloter, se positionner, se placer, jaser…

Que diriez-vous de rangées de grosses boutiques, juste devant le bataillon de la sécurité présidentielle ? De boutiques juste collées au mur de la présidence ? Exactement comme derrière l’école de police ou le Stade olympique. C’est une bonne place.

Juste à quelques encablures et de la Banque centrale et du ministère des Finances. Entre argent, politique et commerce, le courant passe habituellement bien en Mauritanie. Salut.

Sneiba El Kory (Le Calame)

 

1.Quotidien mauritanien.

2.Bâtiments datant de l’indépendance, vendus à des privés.

 


Mauritanie : la campagne contre mon ami Yarba a des relents de racisme

Capture d'écran du site de l'AMI (Photo Google)
Capture d’écran du site de l’AMI (Photo Google)

Je ne pouvais pas parler de cette histoire vieille de cinq ans, mais je ne peux pas me taire quand il s’agit de s’engager, comme le voulait Camus de défendre « la liberté et la vérité ».

Et il s’agit bien de cela dans le cas de mon « ancien ami », Yarba Ould Sghair, directeur général de l’Agence mauritanienne d’information (AMI), victime ces derniers jours d’une véritable cabale.

Je commence par ce qui aurait dû, en bon Mauritanien, m’empêcher de prendre la défense de cet « ancien ami » de l’ENS de Nouakchott et du lycée de Boghé.

A sa nomination à la tête de l’AMI, il y a cinq ans, j’étais correcteur au journal Horizons (officiel), avec une pige conséquente à l’époque (80.000 UM) pour un travail d’à peine deux heures, et 40000 UM pour le carburant. Je ne vous cache pas qu’à l’arrivée de cet ami et « cousin », dans le jargon communautaire mauritanien, j’ai vu tout de suite (en pensée) ma pige passer du simple au double. C’est le prix de « l’amitié » à la mauritanienne. J’en connais même qui vous accorde un salaire alors que vous ne venez au siège de la société qu’à la fin du mois!

Quand vers 22 heures, le nouveau directeur téléphone à la rédaction pour voir la Une du journal, je m’empresse de la lui apporter. C’était l’occasion de le féliciter et discuter avec un ami perdu de vue depuis un certain temps. Il me reçut très convenablement (en vieil ami) et me demanda ce que je faisais à Horizons. Après m’avoir écouté, il me signifia que les 40 000 UM de carburant ne pouvaient être maintenus « parce qu’il y a des chefs de services et de division qui ne les ont pas ». Premier acte de redressement pris à l’encontre d’un ami et qui signifie que l’homme était venu pour appliquer, à la lettre, les instructions présidentielles de lutte contre la gabegie. Je considérais sa décision d’injuste et d’inamicale, car le travail que j’accomplissais, pour qui connaît la presse, était sans prix. Ce fut ma dernière nuit de correcteur à l’AMI de l’ami Yarba.

Cet acte fondateur et ma profonde connaissance de l’homme me poussent à considérer la présente campagne menée contre lui dans certains médias arabophones comme une cabale destinée à libérer ce poste stratégique de directeur général de l’AMI pour un autre. C’est d’autant plus vrai que la dénonciation dont parlent ces médias serait venue du directeur général adjoint (qui a vu passer 3 autres DG avant Yarba) et qui commence à s’impatienter. Une sorte de « pousse-toi que-je-me-place ».

Peut-être aussi que Yarba Ould Sghair gêne au niveau du parti au pouvoir, l’Union pour la République où il est l’un des rares intellectuels haratines « engagés » et non embarqués. Je le connais de longue date et je ne partage pas avec lui certaines idées sur la « cohabitation » (« lui est plutôt partisan de l’assimilation »), mais je sais qu’il assume (et s’assume) ses choix politiques contrairement à beaucoup d’autres qui sont « majoritants » le jour et opposants la nuit. Et puis pourquoi ne pas évoquer le cas de Radio Mauritanie où il y a fête (des soi-disant émissions-débat) 360 jours sur 360 jours ? Pourquoi ce sont des journaux et sites arabes qui mènent la campagne contre Yarba ? Il y a, de ce point de vue anguille sous roche.

 

 


Burkina : le dernier putsch en Afrique ?

Le général Gilbert Diendéré (Photo : google)
Le général Gilbert Diendéré (Photo : google)

Les derniers événements du Burkina sont pleins d’enseignements. Je les vois comme la fin d’une époque, d’une pratique infamante qui a beaucoup terni l’image de l’Afrique : les coups d’Etat.

Je ne dis pas qu’un général, un capitaine ou un simple sergent ne peut se réveiller un beau jour et dire « pourquoi pas moi », mais je crois, sincèrement, que la leçon burkinabè servira à quelque chose. Le peuple a dit son mot. La démocratie est en marche. Il ne s’agit plus de prendre le pouvoir, en profitant d’un manque de vigilance du peuple (et de l’armée régulière, dans le cas de la Mauritanie, en 2008, et du Burkina en 2015) mais de le garder. Le peuple souverain décide seul et l’armée républicaine est la garante de ce choix. Le général Diendéré vient de l’apprendre à ses dépens. Le coup d’Etat du général Aziz, présenté en 2008 comme une « Rectification », devait connaître le même sort, si l’opposition avait eu du souffle et si ses chefs n’avaient pas mis en avant leurs ambitions personnelles : dépasser la crise (sacrifier le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi), aller aux élections et faire tout pour être président à la place du président ! Les adversaires politiques du général mauritanien avaient seulement oublié une chose : on ne mène pas deux putschs en l’espace de deux ans (3 août 2005-6 août 2008) pour céder le pouvoir à un civil qui n’a pas gagné ses galons en politique à force de persévérance. L’histoire retiendra cependant une chose : là où les Mauritaniens ont échoué en 2008, les Burkinabè l’ont réalisé en 2015.

Je ne partage pas l’avis de ceux qui disent que les deux situations étaient différentes. Un coup d’Etat reste un coup d’Etat, le reste relève du détail : la personnalité de son instigateur, le rapport de force entre le pouvoir et l’opposition, l’attitude de l’armée régulière, la mobilisation populaire pour ou contre le changement. En Mauritanie, la transition avait été manipulée pour avoir les résultats que l’on sait. La conséquence était attendue : une lutte pour le pouvoir entre les partisans d’un général qui avait toutes les cartes entre les mains et ceux d’un président « démocratiquement élu » certes mais qui avait commis le péché originel d’être l’instrument, le cheval de Troie par lequel Aziz s’est introduit pour légitimer sa « Rectification » et, ensuite, la légaliser. Le compagnonnage entre Sidioca et Aziz était, en fait, le meilleur argument des partisans de ce dernier pour parler de « trahison » des principes et de la nécessité d’un retour à un agenda établi par les putschistes du 3 août 2005.

Au Burkina, le général Diendéré avait les événements contre lui. Remettre en cause un processus démocratique presque arrivé à terme a provoqué une sorte d’électrochoc. Diendéré n’avait pas de motivations suffisantes pour jouer et être sûr de ne pas perdre. Le patron du régiment de la sécurité présidentielle (RSP), l’équivalent en Mauritanie du Basep (bataillon pour la sécurité présidentielle) avait tout simplement agi bêtement. Il voulait le pouvoir sans raison, il a provoqué une réaction en chaîne qu’on peut qualifier aujourd’hui, sans risque de se tromper, de prescription populaire contre les coups d’Etat en Afrique.


Mauritanie : dialogue…exclusif

Dialogue de 2011 (Photo: archives AMI)

C’est parti pour un nouveau round du dialogue politique en Mauritanie. Plus de 500 personnes conviées ce 7 septembre au Palais des Congrès  de Nouakchott. Mais aucun parti politique de l’opposition radicale : le Forum national pour l’unité et la démocratie (FNDU). Même « l’autre opposition », la Coalition pour l’unité et une alternance démocratique (CUPAD) a boudé ces assises qui, finalement, risquent de se transformer en dialogue…exclusif ! Certes, l’un des présidents de la CUPAD, Boidiel Ould Houmeid, est présent à l’ouverture de ces « journées préparatoires au dialogue nationale inclusif ».

Ce dialogue-là risque d’être un simple remake de celui de 2011. Le pouvoir dialogue certes mais pas avec les vrais opposants. Certes, en 2011, Messaoud Ould Boulkheir, alors président de l’Assemblée nationale, et ses deux alliés de la CAP (Coalition pour une alternance pacifique), Boidiel Ould Houmeid et Abdesselam Ould Horma (président de Sawab), avaient cautionné un dialogue sans le FNDU et réussi à faire passer des amendements constitutionnels jugés positifs, mais aujourd’hui il refuse de prendre part à un dialogue plutôt exclusif.

Tout est parti avec cette fameuse lettre du ministre Secrétaire général de la présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf invitant les présidents des partis de la majorité et de l’opposition à un dialogue national ce 07 septembre 2015 ! Une lettre qui a surpris plus d’un parce que, justement, la majorité et l’opposition venaient de se quitter, « à l’amiable », sans parvenir à s’entendre sur ce que le FNDU appelait les « préalables ». Des conditions  à remplir par le pouvoir pour que l’opposition accepte de s’asseoir avec lui autour d’une même table pour discuter des questions qui fâchent.

 

Que cherche le pouvoir et que peut l’opposition ?

 

Le pouvoir persiste et signe : il n’y a pas de crise dans le pays. Ni politique, ni sécuritaire, ni sociale ni économique. Le gouvernement le dit à chaque occasion et le président de l’Union pour la République (UPR), Me Sidi Mohamed Ould Maham prend un malin plaisir à le répéter. Et quand les journalistes demandent au président du parti au pouvoir « pourquoi dialoguer donc » ? il répond : « c’est une tradition que le pouvoir a adoptée et compte perpétuer » !

Alors que cherche le pouvoir ? Exclure le FNDU ? C’est déjà fait puisque ce dernier n’a aucun député, aucune mairie et aucun sénateur, si l’on excepte ceux du parti islamiste « Tawassoul » qui, lors des dernières élections municipales et législatives, avait faussé compagnie à ses amis de l’opposition en refusant le boycott. Reprendre les élections de 2013-2014 pour permettre à l’opposition de se présenter ? Cela ne nécessite pas un conclave du genre de celui de 2011 ; le président Aziz pouvant décider, à son réveil, de décréter la dissolution du parlement pour remettre les compteurs à zéro. Alors quoi au juste ?

Il semble de plus en plus évident que le président Aziz cherche la formule magique pour rester au-delà de son second mandat qui prend fin en 2019. C’est la question du comment qui se pose à lui aujourd’hui. « Ouvrir » la constitution pour permettre un troisième mandat ou réaménager les textes pour transvaser les pouvoirs du président de la République vers ceux du Premier ministre et nous jouer un tour à la Poutine-Medvedev ? Et si c’était cela la vraie raison du dialogue ? Et si ce dialogue-là devait préparer la tenue d’un referendum sur la question, exactement comme la démarche entreprise au Rwanda par Paul Kagamé ? Et si ? Et si ?

L’arme de l’opposition pour contrecarrer ces manœuvres du pouvoir est, justement, de ne pas y prendre part. Le principe de la « non violence » politique est transformée par elle en stratégie de « non participation » à tout ce qui ne sert pas ses intérêts. Et son agenda. Car n’oublions pas que la politique est « l’art du possible ». L’opposition qui a échoué aux élections de 2007, 2009 et 2014, et qui n’a pu déclencher en Mauritanie un « été » arabe (le printemps était une fausse annonce) sait maintenant que le pouvoir ne partira que forcé. Par l’accumulation de ses propres erreurs. Par une crise économique aux ramifications multiples. Ou lâché par la France qui ne croirait plus à son rôle d’acteur de premier plan dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Ou emporté par un énième coup d’Etat.

 

 

 


Remaniement en Mauritanie : les femmes changent de place

Le président Aziz entouré par Mint Soueine'e (MAEC) et Mint Mbareck Fall, Sec d'Etat chargé des mauritaniens de l'étranger
Le président Aziz entouré par Mint Soueine’e (MAEC) et Mint Mbareck Fall, Sec d’Etat chargé des Mauritaniens de l’étranger

Ce réaménagement ministériel est comme les précédents : il tombe quand on ne l’attend pas. Quand on ne l’attend plus. Je l’ai dit une fois : Aziz n’aime pas faire les choses sous le diktat de la rue. Ou de sa réplique « institutionnelle » : la presse privée. Les deux parlaient, il y a plusieurs mois, d’un remaniement « imminent » ; on a attendu, attendu et puis paf ! « Par décret en date de ce jour, et sur proposition du Premier ministre (qui, on le sait, ne propose rien dans une République « gondwanaise »), sont nommés aux postes indiqués suivants (voir la liste).

Autre énorme surprise : comme dans tout remaniement, les Mauritaniens attendant les « venants » (pas de France), mais voilà le nouveau gouvernement consacre le retour d’un « revenant » et pas n’importe qui : Hamady Ould Meimou, ancien commissaire aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion (ouf) au bon vieux temps de Taya, le mal-aimé par les temps qui courent. L’homme de Kobenni, localité entrée dans l’histoire par le bourrage des urnes à l’élection présidentielle de 1992, débarque au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (MAEC). Bon, il faut reconnaître qu’il n’était pas trop loin, étant ambassadeur de la Mauritanie en Ethiopie, patrie de l’Union africaine, et a eu l’immense privilège d’avoir accompagné la présidence africaine de Mohamed Ould Abdel Aziz. Consécration donc pour un diplomate dont les talents ont été éprouvés – et approuvés – par le rais quand il était encore le « président de l’Afrique », comme Kadhafi affectionnait son titre de « Roi des rois traditionnels d’Afrique ».

Ould Meimou donc, remplace au Maec Mint Soueine’e. Qui remplace au ministère de l’Elevage le Dr Fatimetou Mint Habib. Qui remplace au ministère des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille Lemina Mint Momma : Qui remplace au ministère de l’Agriculture Brahim Ould M’bareck Ould Mohamed El Moctar. Qui remplace au ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement Mohamed Ould Khouna. Qui remplace au ministère de l’Equipement et des Transports  Isselkou Ould Ahmed Izidbih nommé président de l’Autorité nationale de régulation.

Le président Aziz a encore fait preuve de galanterie ; aucune femme « ne prend la porte » mais elle change seulement de place. Mint Soueine’e qui s’asseyait juste à côté du ministre secrétaire général de la Présidence, et narguait, de l’estrade présidentielle, les autres « ministrées », sera désormais placée quelques fauteuils plus loin. Elle perd en grade, c’est une évidence mais elle doit être contente de rester alors que les dernières « prévisions météorologiques » d’une certaine presse la donnaient partante. Ces mêmes prévisions se sont également trompées sur deux ministres : celui de l’Education nationale et son collègue de la Santé que plusieurs journaux et sites avaient sortis du gouvernement bien avant ce remaniement. Les « indices » de la tournée présidentielle à l’intérieur du pays étaient sans doute probants, mais je l’ai dit, Aziz n’aime pas faire ce que les autres disent. Moralité : si vous voulez qu’un ministre parte, ne dites pas du mal de lui et vice versa.

 « Errahma » et dialogue

Mais pourquoi maintenant ? Il est impossible de considérer que le président Aziz a opéré ce changement uniquement pour surprendre l’opinion publique nationale et ne pas donner raison aux « prévisions » – scoops de nos médias. Il y a forcément autre chose de plus profond. Comme détourner l’attention d’une opinion publique qui commence à prendre goût aux « ébats » politiques en cours sur la fondation « Errahma » du fils du rais, sur ses financements et ses vrais objectifs. L’opposition dit dans ce qu’elle dit que c’est l’argent public dont on cherche à recycler une petite partie pour cacher l’immense autre qui a été investie dans l’achat de maisons au Maroc, en France et aux Émirats ainsi que dans le montage de sociétés-écrans. Il est vrai que l’opposition n’a pas de preuves, mais l’opinion commence à douter , surtout que les communicateurs de la fondation « Rahma » se défendent mal: la fondation vit grâce aux fonds collectés par son jeune président à l’étranger pendant qu’il était encore étudiant !

Le remaniement pose une autre question : pourquoi l’Intérieur et l’extérieur (Affaires étrangères) considérés pourtant comme les domaines où le gouvernement a réalisé des exploits (sécurité et bonnes relations avec tous les pays du monde). Pourquoi les ministres de la Santé et de l’Education donnés partants, à tous les coups, par les médias, ont-ils été épargnés ? On attendra le prochain remaniement pour tenter de comprendre.

 


Je prendrai la place de Sidaty et j’attendrai la prochaine balle

Le tireur et la victime après la réconciliation à coup de millions d'UM.
Le tireur et la victime après la réconciliation à coup de millions d’UM.

« Je prendrai la place de Sidaty et j’attendrai la prochaine balle ». Cette phrase entendue hier dans un taxi m’a donné froid au dos. Plus que les débats houleux sur les réseaux sociaux, après l’incident de Chinguitti Market, elle donne l’ampleur d’une dérive sociétale où les rapports entre riches et pauvres sont désormais régis par la loi du compromis.

Rappel des faits : vendredi 7 août 2015, une altercation entre Ely Ould Jeireb, cousin du président Mohamed Ould Abdel Aziz, du côté de sa mère, et Sidaty Ould Matallaa, un employé de l’épicerie Chinguitty Market, tourne au drame. Parce que l’employé a osé demander au client de faire peser d’abord les fruits achetés, le client retourne vers sa voiture, revient avec un fusil de chasse et tire. Sidaty est blessé au bras droit et doit être soigné d’urgence dans un hôpital de la place. Ely se rend à la police et avoue son forfait. Jusque-là, rien d’anormal. Mais très vite, les réseaux sociaux s’emparent de ce fait divers qui devient « la guerre de la mandarine ». Il s’agit tout de même du cousin du président et ce genre d’incident n’est pas une première en Mauritanie.

Il y a un mois, Bazra Ould Mohamed Khouna Ould Haidalla, fils d’un ancien président mauritanien, avait tiré en l’air pour effrayer des éléments du GGRS (Groupement général de la sécurité des routes), coupables d’avoir mis sa voiture en fourrière. Conduit devant le juge, il se voit condamné à deux ans de prison ferme.

Les opposants au pouvoir en place s’emparent de cette affaire pour dénoncer une justice… injuste : il y a deux ans, Bedr, fils aîné du président Aziz, avait blessé par balle une fille devenue, depuis, handicapée à vie. L’affaire avait été réglée à l’amiable : Raja avait été soignée au Maroc et son père a empoché, selon la presse, un chèque de 35 millions d’UM (environ 100 000 euros).

C’est cette justice parallèle, mettant à l’œuvre tribus et personnalités influentes, qui vient également de sauver le cousin du président de la prison. Sa famille aurait versé à l’employé de Chinguitty Market la somme de 12 millions d’UM (35 000 euros) pour son bras endommagé par un fusil de chasse. De quoi ouvrir son propre commerce et laisser un travail pour lequel il était sans doute payé moins de 50 000 UM/mois (135 euros).

Je crains maintenant que les pauvres ne se mettent à la chasse des riches. Oui, si à chaque fois qu’il y a un incident de ce genre, la tribu s’en mêle pour contourner la justice, il faut croire que les brouilles avec les  fils à papa (et pas seulement avec les proches du président) vont devenir un business florissant. On guettera leurs voitures pour se jeter devant, on attendra leur venue dans un commerce pour les provoquer, dans l’espoir de prendre une balle non mortelle afin de pouvoir profiter de la compensation financière. Le jeune homme dans le taxi exprime ce que je considère comme une probabilité très forte.