Mauritanie : alliance IRA-SAWAB, une partie de « qui perd gagne »

4 juin 2018

Mauritanie : alliance IRA-SAWAB, une partie de « qui perd gagne »

L’actu en ce mois béni de Ramadan a comme gros titre : « l’Alliance IRA-SAWAB ». L’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement abolitionniste en Mauritanie et un parti d’obédience baathiste rangé dans le camp de l’opposition modérée depuis 2009.

Cérémonie de signature du pacte entre IRA et Sawab (Crédit photo : IRA)

Une alliance contre nature, dénoncent certains. Une déraison même, pensent un pan important de l’élite négro-mauritanienne qui constituait, jusque-là, l’arrière-base de l’organisation IRA à l’étranger, les haratines en constituant l’avant-garde, ici, à l’intérieur.

De l’autre côté, dans le camp de ceux qui considéraient Biram Dah Abeid, président d’IRA, comme l’ennemi public numéro un, l’anti-maure, l’on se frotte les mains. A raison. Il s’agit ou d’une « récupération » (un « joli » coup des renseignements généraux), ou d’un suicide provoqué par les ambitions politiques démesurées du jeune leader haratine, Prix des droits de l’homme de l’Onu en 2013.
Mais en dehors de la passion qui anime les uns et les autres, quelle lecture objective peut-on faire de cette alliance entre deux « extrêmes » ? Quelles conséquences, surtout, dans le court et le moyen termes : les élections générales prévues en 2018-2019 et les rapports plus que conflictuelles entre communautés nationales.
Incontestablement, Biram s’est engagé dans une partie de «à qui perd-gagne ». Il perd certainement, aujourd’hui, mais gagnerait-il à la fin ?
Déjà, une bonne partie de ceux qui l’ont soutenu jusqu’ici lui tournent le dos. Ils répondent au principe cartésien de « l’ami de mon ennemi est mon ennemi ». Biram ne peut concilier entre deux antagonismes : les baathistes mauritaniens et ceux qui les accusent d’avoir planifié et exécuté les exécutions extrajudiciaires de 1989-1991. Le problème né de ces douloureux évènements étant encore entier, malgré « l’amnistie » de 1992 et les résolutions « politiciennes » prises par l’actuel pouvoir, aller vers l’un des camps équivaut à s’aliéner l’autre. On accusait l’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Antiabolitionniste en Mauritanie de conspirer, avec les Forces de libération africaines de Mauritanie(FLAM), contre les Maures, et plus généralement contre l’unité nationale du pays ; on le pointe du doigt, aujourd’hui pour avoir choisi d’aller vers une partie d’une communauté qui l’a toujours voué aux gémonies.
Biram, et plus généralement les Haratines, sont l’enjeu d’un rapport de forces qui ne date pas d’aujourd’hui. Par manque de stratégie et de vision d’avenir, ils ne réussissent pas à être les conciliateurs potentiels entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui cherchent à le conquérir. Par opportunisme, ils goûtent aux délices du pouvoir, comme l’élite de leurs frères maures et négro-mauritaniens. Leurs leaders cherchent frénétiquement, et à toutes occasions, à avoir leur part du gâteau. De sorte que, les haratines, devenus partie prenante dans le jeu de notre cher « bolletig », compliquent une situation où le pouvoir politique et économique est la « mère de toutes les batailles ».
Disons que les choix de Biram auront au moins le mérite de prouver que la Mauritanie de 2018 n’est différente en rien de celle de 2007. Celle qui a fait perdre le hartani Messaoud Ould Boulkheir contre Sidioca, Ahmed Ould Dadah et Zein Ould Zeidan, tous fils de « grandes tentes ».

Le pari de Biram est de réaliser un bon score à la présidentielle de 2019, si les autorités acceptent sa candidature et celles de ses « champions », mais sa défaite annoncée prouvera, encore une fois, qu’aller vers l’autre (l’ennemi d’hier) ne peut vaincre les « résistances » à un ordre social des plus pernicieux. Car si la coalition politique qui avait soutenu Messaoud Ould Boulkheir à la présidentielle de 2007 était sincère, le vieux leader haratine l’aurait remporté haut la main. Que dire d’un parti Sawab qui constitue, au plus, un faire-valoir, n’ayant jamais réussi à gravir les marches de l’Assemblée nationale ou à « forcer » les portes de quelques mairies ?
Biram ira aux élections avec ce qui reste de « son » IRA. De son aura. Ceux vers lesquels il est allé ne viendront pas à lui. Et ceux qu’il a quitté, « pour convenances personnelles » et non idéologiques ou stratégiques (la lutte contre un ordre établi) iront ailleurs. Le vrai gagnant sera, en fin de compte, le Système. La fin du « mythe » Biram a peut-être déjà commencé.

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