28 novembre 2015 : le président « aadi »

1 décembre 2015

28 novembre 2015 : le président « aadi »

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)

Ce que le président Mohamed Ould Abdel Aziz (havawahou Allah¹, comme disent nos frères Marocains de leur roi) a dit, le 28 novembre, au cours de la conférence de presse depuis Nouadhibou est « aadi ». Je dirais même « aadi hatta » (normal, très normal même). Comment voulez-vous qu’un homme qui est au pouvoir depuis 2005 (eh oui), qui est seulement à la deuxième année de son second mandat et qui voudrait, disent les calomniateurs de la « mouarada² », s’essayer à un troisième mandat, comme les braves N’Kurunziza, Kagamé et N’Guessou, remette en cause ses acquis économiques, démocratiques et sociaux ?

Ce 28 novembre, Aziz était bien en phase avec lui-même. Pour lui, « tout est bien dans le meilleur des mondes possibles » ! Malgré la crise qui n’épargne ni les petits Etats ni les grands, vraiment grands, comme les Etats-Unis,  la Chine ou la Russie. Oui, oui, l’année qui s’écoule et celle qui s’annonce ne sont pas comme notre « âge d’or » (2013-2014), quand la Société nationale industrielle et minière (SNIM) vendait son fer à 170 dollars la tonne, reversant à l’Etat des montants énormes dépensés dans des projets qu’une « mouarada » grincheuse qualifie de « populistes ». Mais on a su trouver la parade avec notre vaillant ministre des Finances Moctar Ould Diay : presser comme un citron, « surpresser » même, des sociétés qui ne savent plus à quels saints se vouer. Ould Diay, ancien directeur général des impôts, propulsé ministre des Finances, veut pallier, par tous les moyens, aux manques de ressources. Il oublie cependant de dire au président de la République, qui l’a décoré ce 28 novembre 2015, que nos maîtres capitalistes disent « trop d’impôts tue l’impôt ». Le patronat, pas content de supporter une partie de la charge d’un gouvernement fainéant, commence à rouspéter. Aura-t-il le courage, la témérité, de dire à Aziz : « si on coule, tu coules », comme lui avait dit, un certain août 2008, au président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, voulant le « décharger » de son poste stratégique de chef d’état-major particulier » et de commandant de la Garde présidentielle, « si tu m’enlèves, je t’enlève ». Ce qu’il a fait pour devenir président à la place du président. Mais ceci est une autre histoire, morte et enterrée, mais qui pue toujours. Revenons à ce que le président « aadi » a dit ce 28 novembre 2015.

Il a dit parmi ce qu’il a dit qu’il n’est au courant de rien s’agissant de la mine d’or de Tasiast empêtrée depuis quelques mois dans une enquête de la SEC américaine. Cela la concerne, a-t-il dit. Après tout, la gestion de la mine d’or lui revient et si elle accepte de louer des camions « à 7 fois leur prix », ce n’est pas nous. Sur ce détail, aucun journaliste présent n’a demandé au rais d’où il tient cette information, lui qui a pourtant dit, selon l’AMI (Agence officielle) «qu’il n’a pas eu à rencontrer un fonctionnaire de Taziast ou un de ses responsables, mais qu’il les a toujours mis en garde contre le trafic d’influence et demandé d’éviter de subir des pressions de qui que ce soit ». Au téléphone, ou par ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines interposé ? Bizarre non ? Gens de Tasiast, débrouillez-vous avec les Américains ! L’Etat mauritanien voue lâche en attendant les conclusions de l’enquête.

Concernant les libertés publiques, Aziz a pris tout le monde au dépourvu. Citons encore l’AMI pour ne pas déformer les propos du rais : « depuis 2005, une rupture a été opérée avec la dictature et l’étouffement des libertés ». C’est donc dans une « autre Mauritanie » que le colonel à la retraite Omar Ould Beibakar a été arrêté, le jour de l’indépendance, pour s’être exprimé sur les ondes de RFI à propos des évènements d’Inal. Sur le même sujet, une conférence qu’il devait organiser avec le parti AJD/MR n’a pas été autorisée par le ministère de l’Intérieur. Rappelons aussi que Biram Ould Dah Ould Abeid et Brahim Ould Bilal Ramdane, respectivement président et vice-président de l’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) croupissent en prison depuis plus d’un an. Leur tort : avoir organisé une marche contre l’esclavage foncier. Alors ?

Sur un sujet qui intéresse plus que tout autre les Mauritaniens, à savoir si Aziz quittera le pouvoir, fin 2019, à l’issue de son second mandat, le président donne cette réponse évasive : il attendra l’approche de cette date pour répondre. « Aadi ». Il ne faut pas donner raison à l’opposition à 3 ans d’une échéance dont certains de ses leaders seraient certainement exclus à cause de leur âge avancé.

1. Que Dieu le préserve.

2. Opposition.

Partagez