Mohamed SNEIBA

Bilan à mi-mandat : le soft power gagnant de Ghazouani

Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani (Crédit photo : Facebook)

Le 1er août 2021, les Mauritaniens fêtent l’An II de l’ère Ghazouani. Pour ceux qui aiment les comparaisons, on dira que l’homme qui préside aux destinées de l’État mauritanien aujourd’hui n’a pas bénéficié des mêmes faveurs que son prédécesseur Mohamed Ould Abdel Aziz : la pandémie du nouveau coronavirus virus (Covid-19), survenue quatre mois après son investiture, l’a obligé à jouer serré pour maintenir à flot une économie menacée de récession par l’impact d’une crise sanitaire d’ampleur mondiale.

Jouons à changer un peu le topo pour imaginer dans quel (mauvais) contexte serait le pays aujourd’hui, si la crise sanitaire était venue se superposer à celle, politique, qu’Aziz a laissée derrière lui et qu’il a cherché à entretenir par sa tentative d’OPA sur le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR)! 

La gestion prudente de ce brûlant dossier par les soutiens du président Ghazouani – resté lui-même en dehors de cette « querelle des Anciens et des Modernes » -, compte aujourd’hui parmi les plus grands succès politiques de ce mi-mandat. Succès qui sera conforté par la « pacification », sans coup férir, entre la majorité présidentielle et l’opposition. Cette dernière a très vite compris la différence entre le soft power du président Ghazouani et le « ça passe ou ça casse » de son prédécesseur.

Cette sagesse, ce calme olympien dont ne se départit pas cet ancien général, bien formé aux métiers des armes et à la stratégie telle qu’enseignée par Sun Tzu, qui disait que l’art de la guerre, « c’est de soumettre l’ennemi sans combat », justifie bien les amabilités politiques que l’on constate, depuis le départ d’Aziz, entre la majorité et l’opposition.

On n’en veut, pour preuve, que la réponse que donne l’honorable député Biram Dah Abeid, farouche opposant de la décennie Aziz (2009-2019), à ceux qui s’étonnent de ne plus voir régulièrement les manifestations de rue dont son organisation IRA s’était rendue familière : « on ne peut utiliser les mêmes moyens d’antan avec un président qui a un style différent. Un président qui a le sens de l’écoute et qui est ouvert à la discussion ». Un président qui reçoit banalement (au sens positif du terme) les opposants et des leaders d’opinion qu’Aziz avait soumis, sans raison valable, à la diète. Et même si une certaine opposition renoue de temps en temps avec ses vieux réflexes, comme en ce moment où elle exprime son opposition à un projet de loi (protection des symboles de l’Etat) soumis par le gouvernement à l’assemblée nationale, on reste dans le cadre de l’expression démocratique d’un choix de la majorité et de son refus par une opposition qui est bien dans son rôle.

La diplomatie proactive est un autre domaine où le président Ghazouani a notablement marqué des points par rapport à son prédécesseur. On ne s’offusque plus, sans raison, de décisions prises par les voisins immédiats, on ne joue pas sur la fibre patriotique pour un oui ou pour un non. Pour un article écrit par un journaliste étranger « incontrôlable » ou l’avis – non avisé – d’un analyste maison. Avec  Ghazouani, tout est observé et analysé avec le calme nécessaire pour une prise de décision engageant la responsabilité du pays et préservant ses intérêts. Rien n’est plus personne, comme avant.

Le président Ghazouani a engagé ainsi un processus de « réparation » diplomatique qui rétablit certains équilibres rompus sous le « règne » de son prédécesseur (Maroc/Algérie, Arabie/Qatar). Il permet ainsi à la Mauritanie de recouvrer l’essence d’une diplomatie de proximité culturelle et historique qu’aucune considération économique circonstancielle ne peut aliéner. Encore les bienfaits d’un soft power qui est en train de devenir un label Ghazouanien.

Sneiba Mohamed


Mauritanie : être pauvre et frère d’un ministre

Quand le riche donne au pauvre (Crédit photo : Khaled Moulay Driss)

Sous la pression de sa femme,  il accepte finalement d’aller solliciter l’aide de son frère, ministre de la République depuis plusieurs années. Son frère n’eut aucune peine à deviner ce qui l’amène tôt le matin dans son bureau, alors que, généralement, c’est au domicile qu’il le trouvait presque chaque samedi ou dimanche.

Le ministre fait signe à son frère de s’asseoir, lui ordonne de garder le silence quand il commencera à parler au téléphone. Il appela l’un des nombreux fournisseurs du ministère et lui dit:

– Le marché dont je t’ai parlé dernièrement a été octroyé malheureusement à un autre fournisseur.

– Comment, ne m’avez-vous pas assuré que c’est moi qui l’obtiendrais ? rétorque le malheureux fournisseur, à l’autre bout du fil. Je comptais beaucoup sur cette offre pour redresser la situation de ma société. N’y a-t-il rien à faire ?

Le ministre laisse passer une dizaine  de secondes avant de répondre.

– Je ne sais. Le fournisseur qui a gagné le marché est encore dans mon bureau. Viens t’entretenir avec lui; peut-être qu’il y a encore une chance pour que tu parviennes à le convaincre de te laisser l’offre.

Le fournisseur ne mît que quelques minutes pour parcourir les 3 kilomètres qui séparent sa société de l’Immeuble du gouvernement ouvrant sur l’état-major général des armées. Sans saluer le ministre, il s’adressa directement à l’homme qu’il trouva dans son bureau.

– Combien demandez-vous pour renoncer au marché ?

Le frère du ministre resta de marbre se rappelant l’ordre de son frère : « ne parle pas » !

C’est le ministre qui fixa le prix : – donne-lui trois millions et le marché est à toi.

Le fournisseur sort alors trois millions en grosses coupures de 1000 MRU, les dépose sur le bureau et sort précipitamment parce qu’il avait un autre rendez-vous tout aussi important.

Le ministre s’empare de deux millions qu’il rangea soigneusement dans son coffre et remet un million à son frère.

De retour à la maison, l’homme se retrouve devant sa femme pressée de savoir comment les choses se sont passées.

– Alors,  ça va ? Il t’a donné combien ?

– Mon frère m’a volé deux millions !!!


A la CAF, on gaffe

A la  CAF, on ne vote pas, on désigne. Finalement, c’est le plus fort qui gagne, sans avoir eu à livrer bataille. Il y a eu certes une belle – et longue – séance d’échauffement. Un round d’observation entre quatre « champions » dont trois savaient sans doute, dès le départ, que leur ambition se limitait à cet exhibitionnisme qui devait leur assurer une entrée fracassante dans l’histoire du football africain : candidats pshiiittt ! Ils sont venus, ils ont vu et ils ont reculé. Tant pis pour les soutiens officiels et officieux ; pour ceux qui avaient cru que c’était possible.

Le président de la Fifa entouré du candidat sud-africain à la présidence de la Caf (à gauche) et du mauritanien Ahmed Yahya.

Si comme l’a dit le « champion » mauritanien Ahmed Yahya, il faut serrer les rangs, se présenter « en équipe » pour relever le défi du football africain, pourquoi alors avoir engagé le combat ? Des ministres en campagne, des moyens conséquents mobilisés, des concitoyens abusés. Pour dire à la fin : j’ai gagné ! Un poste de vice-président de la CAF au bout d’un arrangement dont les dessous ne sont connus que par les quatre mousquetaires et le maître de cérémonie, le président de la Fifa.

L’Afrique tout entière a perdu. La FIFA a gagné. Elle nous montre l’autre visage du néocolonialisme : l’argent est le nerf de toutes les guerres, y compris dans le sport.


Culture : Comment retourner le français de France après l’avoir détourné ?

Comment retourner le français de France après l’avoir « détourné »? En l’adoptant d’abord, comme langue d’enseignement et de travail, et en l’adaptant ensuite en l’utilisant dans le parler hassaniya de tous les jours. « effour » (four), « guedronh » (goudron), we-te (auto), chariit (charrette), veudghou (vide de goût). Je cite cinq mots, il y en a mille ou plus !

Un chercheur mauritanien a révélé, sur sa page facebook, qu’il entreprend actuellement un travail tendant à changer certaines pratiques langagières, comprenez l’intrusion de centaines de mots de la langue française dans le parler hassaniya de tous les jours. Il déclare avoir demandé à un boulanger de Nouakchott comment s’appelle, en arabe, « croissant » (on prononce en hassaniya, « croissanh ». Et le boulanger de répondre, sans hésiter, « n’gato » (gâteau) !

Le restaurant « Clinik » fermé à cause du Covid-19 (photo : Sneiba)

C’est suffisant, à mon avis, pour comprendre combien la tâche de ce chercheur est difficile, voire impossible. Comme je l’ai montré dans mon livre, ce parler français hassaniya a réussi, grâce à la conjugaison de plusieurs facteurs, a surclassé l’arabe dialectal dans certains domaines (mécanique, commerce). En attendant de connaître comment les locuteurs hassanophones pourront « purifier » leur dialecte de ces quelque 1000 expressions et mots français qu’ils utilisent presque instinctivement sans se rendre compte de leur francité originelle, je vous livre ici mon idée sur le processus de « hassanisation » de ces emprunts que nous utilisons dans notre parler français de tous les jours.

Un corpus de plus de mille mots et expressions

     Combien sont-ils? C’est la question que je n’ai cessé de me poser depuis le moment où l’idée de ce travail m’est venue en tête. « Ils », ce sont tous ces mots de la langue française que le Hassanniya (1) a, au fil du temps, incorporés dans son expression populaire. Populaire seulement, la précision a son importance. Car le Hassanniya « relevé » – si je peux appeler ainsi celui des poètes et des gens « sérieux » – n’utilise que très rarement ces mots « impurs » qui ont fini pourtant par avoir une certaine audience grâce aux effets plaisants qu’ils donnent au parler Hassanniya  de tous les jours.

      Le recensement de ces mots a constitué pour moi un jeu passionnant. Au début, ils venaient par dizaines, se bousculaient dans ma tête. Je les enregistrais n’importe où, n’importe comment : Sur le chemin du lycée, au cours d’une partie  de jeu de dames, sur mes fiches de préparation, ma main, mon chéquier… Puis la source s’est tarie. Je les rappelais à la mémoire, ils ne venaient pas, je les cherchais dans les objets, ils surgissaient par groupe de deux, de trois, jamais plus. Enfin, quand l’un de ces mots daignait se présenter, j’étais tenté, le plus souvent aussi, de le refuser. Ce mot a-t-il vraiment une origine française ? Son emploi est-il fréquent ? A-t-il une solide assise populaire ? Ces questions auxquelles je soumettais ce mot étaient un préalable  à son intégration dans la liste établie. Mais que pouvais-je faire au juste de ces matériaux?

    Un premier travail s’imposait : Donner forme à ce qui n’était encore qu’un vague recensement de mots, en commençant par confronter le sens du mot en Hassanniya avec le(s) sens en français. Ces expressions et mots français qui ont réussi à « percer » dans le Hassanniya populaire sont dits. Ils ne sont pas arrivés jusqu’à nous inchangés. 

Leur prononciation s’est modifiée et certains s’emploient même dans notre parler de tous les jours avec un sens nouveau. Comment alors les transcrire ? Comment attester leur filiation quand on sait qu’ils n’ont, parfois, qu’une lointaine ressemblance phonique avec le mot français ? Certains phonèmes arabes n’ont pas d’équivalents en français : Le son [ط], par exemple, n’a qu’une lointaine parenté phonique avec le son [t]. On essaie de le rendre par [ţ] (th emphatique). Le son [] par [d]. Inversement, l’arabe compte lui aussi ses absents. Le son [y] y est inconnu, le son [i] lui supplée. Devant tant de difficultés – j’ai cité seulement les difficultés de transcription – j’ai adopté un certain nombre de « mesures » susceptibles de rendre « lisibles» certaines graphies.

    1. J’ai adopté, pour l’ensemble de ce travail et dans un souci d’uniformisation, la transcription, avec signes et valeurs approximatives, que donne Le Petit Larousse illustré et le Dictionnaire Universel (Larousse-Edicef.)

     2. En Hassanniya, il existe, à côté des sons traditionnels que le français rend convenablement, d’autres sons-doublures, pourrait-on dire, plus longs que les premiers; et que nous distinguons des autres en leur mettant une barre dessus : pōche, lī-ce, cāsse.            

     3. Nous détacherons les syllabes de certains mots pour indiquer leur prononciation convenable en Hassanniya : bra-ce-le (bracelet), cou-man-de (commandant).

     4. Les entrées de certains mots conservant leur prononciation originelle seront transcrites telles quelles.

     5. Enfin, et pour ne pas s’arrêter à un simple recensement de mots, j’ai décidé de donner le sens du mot français «hassannisé» avec les variations et les flottements inhérents à la langue parlée, tout en indiquant les usagers (élèves, militaires, commerçants, agriculteurs, galants, etc).

     A ce sujet, une remarque s’impose : «Le parler français hassanniya» n’est pas un parler général. Les mots français «hassannisés» ne sont pas indifféremment produits par les locuteurs «hassān2». Ce parler est, le plus souvent, des groupes de mots appartenant à des domaines bien déterminés. C’est un parler corporatiste. Il y a ainsi un parler militaire, un parler galant, commercial, etc. Dans le domaine de la mécanique, par exemple, les différents organes de la voiture ainsi que les outils utilisés pour les réparations ne sont désignés que par leurs appellations françaises : «cle-rou» (clé roue), «joinh» (joint), «vīs-pla-tini» (vis platinée), «capou» (capot). Soulignons tout de même qu’il arrive que le mot «hassannisé» entre de façon définitive et complète dans le parler général, mais l’usage corporatiste est presque toujours un passage obligé.

Mots et maux d’époques

     Ces emprunts doivent cependant être situés dans un contexte bien déterminé, celui d’un pays économiquement faible (la Mauritanie) dont les «marchés» sont envahis par les matières et produits consommables en provenance d’un ailleurs jusque-là insoupçonné.

Les emprunts de mots accompagnent «l’arrivée» – l’arrivage, disent les hassanophones – des choses (fruits et légumes, vêtements, sport, etc) et, plus rarement, des idées. Ils décèlent les influences des peuples les uns sur les autres : influence du colonisateur sur le colonisé, influence du pays industrialisé sur le pays pauvre, influence du producteur sur le consommateur, etc. C’est pourquoi, il convient, pensons-nous, de ne regarder ces emprunts que d’un point de vue socio-économique, non linguistique.

Par ces emprunts, les locuteurs «Hassān», ne cherchent pas, de façon consciente, à enrichir leur langue.Ces mots concernent le plus souvent des réalités nouvelles qui, le plus souvent, n’ont pas de nom dans la langue hassanniya. Plus rarement, à cause de l’avancée technologique de l’Occident, le hassanniya donne à ces objets nouveaux des noms-doublures crées après-coup. Ainsi des mots comme «cāre» (carré, terrain d’habitation), «si-gna-tīre» (signature), «marsandīs» (marchandise) sont passablement concurrencés par leurs équivalents arabes.

       II y a également ce qu’il convient d’appeler «les mots d’époque». L’entrée  de ces expressions et mots français dans le hassanniya s’est faite d’une manière très variable selon les époques (époque coloniale et époque moderne3). Ainsi, certains ont une existence circonscrite dans le temps, comme les mots «goum-ye» (goumier), « partisāne » (partisan), «coung-re»  (congrès). Ce sont des «maux» d’époque qui évoquent, aujourd’hui encore, des histoires de colons, de colonisés et de gardes chiourmes.

  Il reste à évoquer enfin le degré de parallélisme sémantique entre le mot français et son répondant en Hassanniya.

    Ces emprunts sont le plus souvent, au-delà de toutes variations phoniques, les répliques d’une même entité signifiante4. Le sens en Hassanniya peut demeurer le même que celui qu’a le mot en français mais parfois le mot français «hassanisé» ne rend que quelques-uns des aspects de ce mot et en ignore les autres. C’est dans ce dernier cas que nous le faisons suivre d’une explication succincte, nécessaire à l’appréhension de son nouveau sens dans la langue hôte. Il est rare d’assister, après l’intégration du mot français, à une désintégration du sens mais cela arrive quelque fois. Deux étapes sont alors suivies par ce processus d’intégration:

     1. Le locuteur «hassān» prend le mot avec l’objet ou la réalité qu’il représente. Les montres envahissent le marché et cessent d’être cet «objet rare» que ne possèdent, à son arrivée en Mauritanie, que quelques rares privilégiés. Le nom français est dans toutes les bouches. Progressivement, il intègre le parler populaire. Il est adapté5. Parfois il est tout simplement adopté.

      2. Cet objet ou cette réalité génère par la suite un autre sens, à partir d’un usage local que la langue d’accueil confère au mot français. «Jericān» (jerrican», récipient d’une contenance de vingt litres environ, est devenu – aussi – le nom d’une danse folklorique des haratines6 du Brakna7. L’intérêt linguistique donc, si nous nous obstinons à le rechercher, réside dans ces écarts d’emplois populaires.

NOTES

1. Dialecte arabe de Mauritanie                  

2. Nous adjectivons ce mot au même titre que «hassanisé». «Hassān» désignera ainsi, comme en hassanniya, «ce qui est relatif à cette langue ou à ses locuteurs».

3. l’après indépendance, il va s’en dire.

4. Il s’agit d’un parler au sens strict du mot, nous le rappelons.

5.la prononciation du mot français «hassanisé» est très souvent soumise aux règles qui régissent le    hassanniya. Certains mots, par exemple, seront précédés d’un «el» déterminatif équivalent à l’article défini «le», «la» : «el baqaf» (le paquet), «el bâz» (la base).

6. Maures noirs, descendants d’anciens esclaves.

7. Région du sud-oust mauritanien.


Pêche : surexploitation des petits pélagiques et fausses annonces

Nous étions le « pays du million de poètes », nous sommes devenus celui du million d’autres choses. Un million de politiciens. Un million d’experts « en toutes choses ». Ce « titre » vaut autorité, pour certains, pour s’autoriser à s’exprimer sur n’importe quel sujet ! La politique, les questions de société, le sport, les stratégies de défense et de sécurité, l’économie. L’économie : l’agriculture, l’élevage, les mines (le fer, l’or, le cuivre), les hydrocarbures (le pétrole, le gaz), la monnaie, le commerce, les échanges, la pêche.

La pêche ! Voilà, justement, un secteur qui alimente, depuis quelques jours, de vifs débats. Sur les accords de pêche. L’Union européenne, la Chine, la Turquie…La farine de poisson (moka). Les politiques et stratégies mises en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement. Le potentiel permissible. Le débarquement au Port de Tanit. L’apport en devises, etc. etc. etc.

Usine de production de farine de poisson

Dans un domaine sensible comme l’économie, les profanes n’ont pas de place. Le langage est celui des chiffres et des indicateurs de performance. Les voix autorisées sont celles qui savent les interpréter. C’est une affaire de raison, pas de sentiments.

Quand on dit, par exemple, que le secteur de la pêche connait actuellement une certaine embellie, les contre-arguments ne tiennent pas face à la réalité : le secteur permet, selon les estimations les plus basses, 40.000 emplois directs et représente environ 20 % des recettes budgétaires de l’État. En chiffres, cela donne 65,4 milliards d’Ouguiyas, soit un taux de réalisation de 106% par rapport aux prévisions (61,7 milliards d’UM, selon le Rapport de la Cour des Comptes (2017). La mise en place de textes réglementant le secteur (comme celui de la « Mauritanisation ») a fortement impacté le sous-secteur de la pêche artisanale, longtemps considérée comme une zone de « non droit ».

Le socle de ces réformes est, incontestablement, la Stratégie 2015-2019 pensée et mise en œuvre pour maximaliser les profits que les mauritaniens sont en droit d’attendre de l’exploitation de leurs ressources halieutiques. Toute prise de décision se fait sur des bases scientifiques. Avec l’élaboration de tableaux de bord (Stratégies, Plan d’action, Cadre d’investissement, Plans d’aménagement, Procédures, Planning de Formation), à partir de 2014, le secteur a mis un terme à la navigation à vue qui lui portait d’énormes préjudices.

La Stratégie, qui arrive à terme, cette année, aura permis de penser le développement du secteur de la pêche en fonction d’objectifs stratégiques (6) déclinés en objectifs spécifiques pour poser des actes sortant du cadre des généralités et mesurables en termes d’indicateurs. Citons quelques exemples : « définition et adoption d’une clé de répartition des possibilités de pêche entre les segments par pêcherie » ; « adoption d’un régime fiscal spécifique, incitatif et motivant pour les entreprises installées au niveau des nouveaux pôles » ; « construction de débarcadères dans la zone sud du littoral » ; « création d’un label national de qualité des produits de la pêche » ; « actualisation du registre d’immatriculation des navires mauritaniens » ; « institutionnalisation des plans d’aménagement comme mode de gestion au niveau législatif… »

Les accords avec des pays tiers obéissent, quoi qu’on dise, au principe en vogue de « gagnant-gagnant ». Pour s’en rendre compte, il suffit de voir la liste des bénéficiaires de l’appui sectoriel de l’UE incluant les institutions en charge de la surveillance des pêches, la recherche halieutique, les infrastructures portuaires (Nouakchott, Nouadhibou, Tanit), la formation, l’inspection sanitaire, les chantiers navals, le Parc national du Banc d’Arguin, le Parc national du Diawling et le Fonds fiduciaire BACOMAB. Sur ce dernier point, un partenaire loue l’initiative (financement de la protection de la biodiversité à partir d’accords de pêche), initiée par la Mauritanie et constituant une « première »  exemplaire pour l’Afrique et l’Union Européenne.

Port de Nouadhibou (photo : Sneiba)

La seule chose sur laquelle on peut être d’accord est : « peux mieux faire », mais là, c’est un autre débat.

Si on en vient à cette histoire de farine de poisson (moka), brandie depuis un certain temps, comme « l’affaire du siècle », on se rend compte que les détracteurs ne mettent en avant que le « quart vide » du verre. La partie pleine (les ¾) ne l’intéresse point.

Ils oublient de souligner, par exemple, que les installations sur terre sont une exigence (de rentabilité) économique évidente. La moindre des avantages de cette mesure est qu’elle permet le contrôle strict d’une activité qui a toujours été pratiquée, en toute illégalité, en haute mer !

Ils ne disent pas également qu’elle génère des bénéficies énormes, en termes d’emplois indirects. Le poisson qui n’avait pas une grande valeur commerciale pourrissait sur la plage des pêcheurs de Nouakchott et dans les zones de pêche tout le long du littoral. C’est ce produit et les déchets qui entrent réellement dans la production de la farine de poisson. Considérer qu’on peut utiliser 4 tonnes de poisson de qualité pour produire une tonne de farine de poisson rapportant entre 1000 et 1500 USD relève de l’absurde.

Pour garantir les besoins en poisson d’une population de moins de 4 millions, l’industrie de la pêche devrait débarquer pour cela environ 45.000 tonnes par an pour la consommation locale (à raison de 15 kg de poisson par personne et par an). C’est 5 Kilogrammes de plus que la consommation de poisson dans les pays d’Afrique de l’Ouest, estimée à un peu plus de 10 kg par personne, souligne un rapport citant la Coalition pour des accords de pêche équitable (CAPE).

 Scientifiquement, il est prouvé que la Mauritanie a un potentiel permissible de 1.200.000  tonnes par an. Mais, comprenons une chose. Ce « potentiel » n’est une richesse que s’il est capturé, commercialisé et transformé en devises pour servir le développement du pays ; pas quand on le laisse filer (émigrer) vers d’autres pays qui, eux, ne laisseront pas passer l’occasion de se servir. Ça aussi, les profanes ne le comprennent pas.


Voitures d’occasion : bienvenue à la Bourse du Soleil.

Occasion. Le mot a fait son entrée dans le parler mauritanien de tous les jours, toutes langues confondues, sans doute par le biais de la voiture. Un marché des voitures d’occasion a vu le jour, il y a trente ans, à proximité du Grand Marché de la Capitale. Il portait le nom, non usurpé, de « bourset echems » (la bourse du soleil).

Voitures d'occasion à Nouakchott (Photo : Sneiba)
Voitures d’occasion, à la « Bourse du Soleil », Nouakchott, Mauritanie (Photo : Sneiba)

« Bourset echems » se trouve aujourd’hui sur le grand espace allant du Carrefour de la Foire à celui du CSA (Commissariat à la sécurité alimentaire). C’est une bourse particulière pour plusieurs raisons : elle n’ouvre véritablement que peu de temps avant le crépuscule, ce qui est un paradoxe flagrant avec son nom qui pouvait signifiait que toutes transactions se font « au clair » ! Le matin, vous pouvez bien sûr venir à la « bourse » mais vous remarquerez que l’affluence, « l’offre » n’a rien à voir avec l’effervescence qui s’empare de ce lieu au soir.

Ici, la bourse n’est qu’un lieu de rencontres, d’exposition et, les « vendeurs » sont généralement des pères de familles ou des personnes qui, opportunément, se trouvent dans l’obligation de vendre. Pour régler un problème qui ne peut pas attendre : évacuation sanitaire, mariage, fête, etc. Contrairement aux autres bourses, qui appartiennent à des hommes d’affaires acheminant leurs véhicules de France, d’Allemagne, de Belgique ou d’Italie, à « Bourset echems », il y a donc autant de voitures que de vendeurs. Mais il y a aussi les autres : les intermédiaires, les « associés », ceux qui se mettent à plusieurs pour acheter une voiture et partager le bénéfice quand ils parviendront à la liquider. Le gain peut être minime (20.000 UM) mais il permet à ces hommes de continuer cette activité refuge, de survivre, en attendant autre chose. « Garn » (corne) est le nom spécifique qu’il donne à ce genre de transaction, m’explique Abdou, un touche-à-tout pour qui « bourset echems » n’a plus aucun secret. « Si le prix d’une voiture est 100.000 MRU, par exemple, on peut se mettre à trois, quatre, voire cinq pour l’acheter et le bénéf de chacun sera au prorata de ce qu’il a déposé », m’explique-t-il.

Il y a même ceux qui viennent à la « bourse » par simple habitude. C’est une manière pour eux de tromper l’oisiveté, de faire comme s’ils ont un travail certes précaire, mais un travail quand même. Ils peuvent jouer à l’intermédiaire quand une connaissance veut vendre ou acheter. C’est la rétribution (ou commission) qui varie en fonction de l’humeur et de la générosité du propriétaire de la voiture ou de l’acheteur.

Dans l’attente de cette « occasion », vous les trouverez, généralement, rassemblés autour d’un jeu de dames, d’une partie de belote ou devisant de tout ou de rien sous une tente (d’in)fortune. Car, autour de la Bourse, une véritable ruche s’est formée. Vendeurs de méchouis, femmes proposant le thé avec, comme accompagnements, des arachides, du pain et des biscuits cerclés. Du crédit, des boissons locales (bissab et tejmakht), et, vers quatorze heures, du riz au poisson ou à la viande, tout s’acquiert sur place pour ceux qui ne sont pas attendus ou qui ne veulent pas rater une hypothétique « occasion ». 

Une bourse où tous les coups sont permis

Le propre de la « Bourse du Soleil » est d’être, véritablement, une bourse. Les valeurs sont celles de l’occasion. Elles montent et descendent. Rien n’est garanti, à part l’assurance que la voiture n’est pas volée. A ce sujet, l’intermédiaire est une personne de confiance mais ne comptez pas sur elle pour vous assurer que la véhicule proposé à la vente est sans défauts. Ou que les papiers, surtout la carte grise attestant le dédouanement, sont en règle. Il faut vous fier à votre flair ou à vos connaissances en mécaniques.

Mohamed évoque cette fois où on lui a vendu une Opel Vectra avec les papiers d’une Omega ! Il n’avait rien vérifié parce qu’il avait confiance en son intermédiaire connu à « Bourset echems » sous le nom de Joe. Il ne se rendra compte de ce « terwam » (adaptation) que quelques mois plus tard, quand la douane l’arrêta près du Carrefour BMD. Il jura alors qu’il n’achètera plus à la « Bourse du soleil», où des personnes honnêtes côtoient une horde de filous, et de ne plus faire confiance à personne, car son intermédiaire, dans cette affaire-là était un ami d’enfance qui n’a pensé, à l’ instant de la transaction, qu’à sa commission !

Sur la « qualité » des voitures, vous entendrez aussi des histoires qui vous sortent de l’ordinaire. Il y en a pour toutes les bourses. Des voitures de seconde main ? Cela fait sourire. Car c’est le nom qu’il faut donner plutôt aux véhicules exposés dans les bourses du Carrefour Madrid ou celles, plus chères encore et destinés à la High, qui essaiment dans le quartier chic de Tevragh-Zeina. Les « occasions » de la « Bourse du Soleil » sont des voitures « en fin de vie » à Nouakchott. C’est encore Abdou qui raconte : « quand la Bourse était encore à la Capitale, un homme a repris une vieille Fiat pour seulement 175.000 UM. Tout heureux d’entendre le bruit du moteur à l’allumage, il fut quelques centaines de mètres, vers le Carrefour de la Polyclinique mais ne tarda pas à revenir, à pieds, à la Bourse, le tacot ayant rendu l’âme. Alors, le vendeur lui dit : «  je t’ai assuré qu’elle va démarrer mais pas qu’elle te conduira jusqu’à chez toi » !

Cette anecdote est souvent racontée pour dire qu’à la « Bourse du Soleil », les transactions se font à quitte ou double. Une sorte de «qui perd gagne » où la chance change de camp entre vendeurs et acheteurs, avec comme seule règle que « tous est permis ». Ce qui est loin d’être le cas.

Des règles non écrites ont permis à cette bourse de traverser le temps. Vous pouvez certes vendre – et perdre – mais revenir après – et gagner. Rien n’est immuable ici. C’est une affaire de « saison », me dit-on, comme dans tout autre genre de transactions. L’immobilier, le marché au bétail, tout est soumis à la règle de l’offre et de la demande. Les voitures d’occasion sont devenues plus chères parce que celles vendues par les concessionnaires ou importées d’Europe sont soumises à des conditions beaucoup plus strictes. Mais elles continuent à avoir leurs clientèles spécifiques, en fonction des besoins. Et ce sera toujours ainsi.

Sneiba Mohamed  

NB: Ce reportage a été publié dans le Journal Horizons (Agence Mauritanienne d’information).


FFRIM : Une dictature s’installe

Ould Yahya annonçant sa candidature (photo : Alakhbar)

Le président de la Fédération mauritanienne de football, Ahmed Ould Yahya, est en voie de remporter son « troisième mandat » ! Et oui, vous avez bien entendu ! Le mandat de « trop » que certains mauritaniens refusaient à Aziz qui, d’ailleurs, ne voulait pas lui-même de ce « bonus » qui enfreint une clause essentielle de notre constitution.

Ould Yahya est pourtant un pro-Aziz. Il ne rate aucune occasion pour vanter les réalisations du raïs, y compris celles qui ont permis au président de la FFRIM d’avoir les conditions idéales pour porter notre football au niveau qu’on chante aujourd’hui. Oui, ça, il faut le reconnaître. Ahmed Ould Yahya a un bon bilan à faire valoir. Deux qualifications successives au CHAN (Championnat d’Afrique des nations de football) et, pour maintenir la cadence, une qualification historique à la phase finale de la CAN de cette année, Égypte 2019. Tout cela est beau, tout cela est méritoire, mais est-ce suffisant pour se lancer, tête baissée, dans une « dictature » du football qui consacrera un long règne qui rappelle, dans son élaboration et dans son processus, les « rois » João Havelange, président de la FIFA de 1974 à 1998 (24 ans), Sepp Blatter, le Suisse qui a pris la succession du Brésilien pour un autre long règne sur les « affaires » du football, de 1998 à 2015 (17 ans), ou encore, Issa Hayatou, Camerounais qui a régné sur la Confédération africaine de football (CAF) de 1988 à 2017 (29 ans).

L’échafaudage mis en place par l’actuel président de la FFRIM pour durer à la tête du football mauritanien s’inspire largement de celui que les « momies » de la FIFA et de la CAF avaient élaboré pour venir à bout de la concurrence. Ce sont, en fait, des « restrictions » qui ressemblent fort bien au principe de la short list, pour ne pas dire le candidat unique, ou du « gré à gré » par élimination directe débouchant sur une désignation.

En dehors des résultats, il faudra bien que les dirigeants de notre football pensent, à l’avenir, à un mécanisme garantissant l’alternance. Le sentiment d’irrévocabilité et les certitudes de l’instant ne sont pas des éléments sur lesquels on peut envisager le long terme.

Sneiba Mohamed


L’alternance politique au pouvoir : Conditions ou résultats ?

Par Yarba Ould SGHAIR, Secrétaire Exécutif de l’UPR

 

Yarba SGHAIR, Secrétaire exécutif de l’UPR

L’alternance politique peut se définir, en théorie, comme la possibilité pour des partis ou des courants politiques, différents, de se succéder au pouvoir, par le biais d’élections libres et transparentes. Il peut s’agir d’un renversement du rapport de force entre les protagonistes politiques à l’issue duquel l’opposition devient majoritaire et la majorité passe à l’opposition.

C’est ce qu’on peut appeler un cas d’alternance absolue.

Il peut s’agir, aussi, d’un changement qui ne produit pas un tel renversement, mais qui, au contraire, maintient la majorité au pouvoir.

C’est ce qu’on peut appeler un cas d’alternance relative.

On semble quelquefois faire la confusion, voir l’amalgame,  en prenant la première possibilité théorique pour une exigence pratique sans laquelle la démocratie serait biaisée et en faisant semblant d’oublier que les régimes démocratiques sont tenus de créer les conditions objectives et réelles de l’alternance, mais pas d’imposer cette alternance quand les forces politiques en place ne sont pas en mesure de l’opérer dans les faits.

Il y a, certes, ceux qui disent que l’alternance est une condition nécessaire à la démocratie. Mais la logique veut que ce soit juste l’inverse : c’est la démocratie qui est nécessaire à l’alternance.

Quand les citoyens sont libres de choisir leurs représentants, rien ne les oblige à les changer à chaque occasion. La démocratie se mesure à l’aune de la liberté et non à celle du changement.

Les exemples ne manquent pas dans les pays à vieille tradition démocratique et semblent même refléter, ces dernières décennies, un certain niveau de maturité et une certaine volonté de stabilité.

Les Français portèrent François Mitterrand à la présidence de la République en 1981. Ils le reconduisirent en 1988. Le parti socialiste dirigea la France durant 14 ans.

Jacques Chirac lui succéda et la droite qu’il incarne passa 12 ans à la tête de l’Etat.

Aux Etats-Unis, Franklin Roosevelt a été élu président quatre fois entre 1933 et 1945.

Ronald Reagan fut porté à la magistrature suprême par les citoyens américains en 1981 et réélu pour diriger cette superpuissance mondiale jusqu’en 1989.

Georges W. Bush lui succéda et permit ainsi le maintien duParti républicain au pouvoir trois mandats successifs.

Ce qui est nécessaire, c’est d’instaurer les conditions favorables à l’alternance à travers l’existence du pluralisme politique et le respect du multipartisme qui en est l’expression la plus célèbre ; d’organiser des élections libres et transparentes ; de respecter les institutions de l’Etat qu’il convient de maintenir, car l’alternance démocratique ne vise pas à changer la nature de l’Etat ou de ses institutions, mais plutôt à faire « alterner » les dirigeants pour répondre à la volonté du peuple et faire bénéficier l’Etat de visions et de programmes différents.

Voilà les conditions de l’alternance politique. Elles ne sont pas à confondre avec les résultats des élections, qui traduisent généralement le rapport de force et le choix desélecteurs.

En Mauritanie, ces conditions sont plus que jamais réuniesaujourd’hui. La participation aux dernières élections législatives, régionales et municipaleset l’engouement de la centaine de partis politiques que compte le pays reflètent le degré de liberté et de démocratisation de la vie politique.

A l’issue du scrutin du 1er et du 15 septembre dernier, les électeurs mauritaniens ont exprimé leur volonté à travers le suffrage universel. Une majorité s’est dégagée à l’Assemblée nationale, aux Conseils régionaux et aux Conseils municipaux.

Le parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR) est sorti vainqueur de ces élections grâce, en particulier, au soutien de son Président Fondateur, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz.

Les qualités de l’homme, le charisme et le bilan largement positif du Chef de l’Etat auront convaincu les électeurs de choisir les candidats de cette formation politique qui a accompagné, soutenu et vulgarisé le programme politique du Président de la République décliné en actions et mis en œuvre par le Gouvernement.

La présidentielle de juin prochain confirmera cette tendance et en constituera le couronnement. Tout porte à croire que le candidat de la majorité, Monsieur Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed (Ghazouani) sortira vainqueur du scrutin.Les valeurs incarnées par son choix par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz sont à elles seules suffisantes pour mobiliser les électeurs mauritaniens, plus sensibles aux valeurs qu’aux discours et très attachés à la préservation de leurs acquis en matière de sécurité et de stabilité, de démocratie et de développement, d’unité nationale et de cohésion sociale.

Monsieur Ghazouani élu à la magistrature suprême, l’alternance aura été rendue possible. Mais la souveraineté populaire aura maintenu la majorité pour des raisons objectives.

Ceux qui appellent au changement doivent respecter la volonté du peuple et comprendre cette réalité démocratique : l’alternance est un choix, pas une obligation.

 


Barrage de Foum-Gleita : le potentiel oublié

Situé à une vingtaine de kilomètres au nord ouest de M’Bout (Gorgol), le barrage de Foum Gleita est l’une des premières réalisations hydro-agricoles (avec la Plaine de M’Pourié, à Rosso, et les casiers pilotes de Boghé et de Kaédi) sur lesquelles la Mauritanie fondait ses espoirs d’autosuffisance alimentaire. L’objectif initial était d’irriguer, avec un système gravitaire de 20.700 m3, une superficie agricole de 4000 hectares.

 

Barrage de Foum-Gleita, Gorgol, Mauritanie (Photo : Sneiba)

Construit entre 1980 et 1983, le barrage de Foum-Gleita a failli dans sa mission première : l’agriculture irriguée. Les populations vivant dans les 73 villages constituant la commune rurale du même nom, ne cachent pas leur désarroi. L’impossibilité de pratiquer la riziculture, à plein temps, à cause du mauvais état des canalisations envahies par le typha, mais aussi par la réduction au « minimum vital » de l’appui de la Société nationale pour le développement rural (Sonader), les poussent à s’essayer à la production maraîchère ou à revenir à l’agriculture vivrière largement pratiquée dans la période d’avant barrage.

Canalisations sans réhalitation (Photo : Sneiba)

Aujourd’hui, ces populations fondent tous leurs espoirs sur un ressaisissement de l’Etat qui a plutôt beaucoup investi dans le gigantesque projet Aftout Echargui visant à approvisionner en eau potable, et à partir du barrage de Foum-Gleita, quelque 500 localités dans la zone du triangle de pauvreté (Brakna, Gorgol, Assaba) désormais rebaptisé « triangle de l’Espoir » par le pouvoir actuel. Avec un réseau de distribution d’une longueur de plus de 700 km et une capacité de traitement de 5000m3/jour, Aftout Echargui vient en complément à Aftout Essahli, ravitaillant la ville de Nouakchott, à partir du fleuve Sénégal, et au projet Dhar qui profitent aux wilayas des deux Hodhs.

Agriculteurs harratines (Photo : Sneiba)

Ce projet dont le coût s’élève à 32 milliards d’Ouguiyas (100 millions USD), est cofinancé par l’Etat mauritanien, la Banque islamique pour le Développement (BID), le Fonds arabe pour le Développement économique et social (FADES) et l’Agence française de Coopération (AFD).

Il y a donc comme un changement de priorités qui profite certes à des populations de ce que le pouvoir appelle « la Mauritanie profonde » mais il se fait au détriment des habitants autochtones qui, comme le dit un dicton, « sont à côté de l’eau mais ont soif ».

Village peulh déserté le jour (Photo : Sneiba)

La réhabilitation des canaux d’irrigation envahis par le typha est l’une des revendications des habitants de Foum-Gleita, qui sollicitent ardemment l’intervention de l’Etat pour redonner vie à une zone agricole d’abord à vocation agricole alors que, selon les dires d’un conseiller municipal, seuls 100 hectares des 4000 exploitables sont aujourd’hui cultivés en riziculture à cause de la détérioration des infrastructures et du manque cruel de machines agricoles qu’il faut acheminées, quand on en a les moyens, de la région du Trarza !

 

Mélange des genres

 

Les problèmes d’exploitation de la zone agricole de Foum-Gleita rencontrés par les populations ont commencé quand le gouvernement a voulu mettre en œuvre le Projet de Complexe Agro-industriel de production de sucre vu comme la pièce maîtresse d’un ensemble de « projets de développement structurants, à même de lancer la production et l’industrialisation des principales denrées consommées au plan national. » Certes, l’ambition se justifie par le fait que la Mauritanie est le premier consommateur africain de sucre et le cinquième au plan mondial. Mais la conception du projet reproduit les mêmes erreurs que celles qui ont empêché sa réalisation depuis le milieu des années 70 du siècle dernier ! On pense aux résultats (limitation des importations de sucre estimées à 272.000 T en 2015, énergie propre, éthanol, aliment bétail, fertilisants, emplois etc.), mais pas aux moyens financiers et techniques nécessaires pour les atteindre.

Comme celui qui prend d’une main ce qu’il a donné par l’autre, le gouvernement abandonne ainsi une agriculture qui profite directement aux populations de Foum-Gleita, pour une agro-industrie qui reste dans le domaine de l’hypothétique. En octobre 2017, lors d’une plénière de l’Assemblée nationale, Dane Ould Ahmed Ethmane l’un des députés du département de M’Bout, avait demandé à la ministre de l’Agriculture Lemina Mint Momma, de « faire l’état des lieux du barrage mais également de dévoiler son plan de sauvetage.» Une question toujours posée aujourd’hui d’autant que l’objectif principal de la Compagnie Mauritanienne de Sucre et Dérivés (COMSUD), à savoir « couvrir les besoins nationaux en sucre de 50 % à moyen terme (2020) et contribuer à l’amélioration à l’accès au service de base (électricité) reste à l’état de projet : l’usine n’a pas encore été construite et Foum-Gleita est toujours plongé dans les ténèbres !

 

Sneiba Mohamed

Source : AFRIMAG (Maroc)


Nouveau gouvernement : un remaniement « stratégique »

Un énième remaniement ministériel en Mauritanie. Et après ? Un fait banal, commente-t-on à Nouakchott, parce que le chambardement attendu depuis près d’un mois n’a pas eu lieu. Aziz a procédé à la reconstitution du puzzle en changeant quelques pièces : Défense, éducation nationale, fonction publique, jeunesse et sports, culture…

 

Gl. Ghazouani, nouveau ministre de la Défense (photo : google)

Avec une team de 23 ministres, à laquelle il faut ajouter le ministre secrétaire général de la Présidence (qui n’a pas changé pour le moment) et le (nouveau) ministre d’Etat chargé de mission, Yahya Ould Hademine, que d’aucuns considèrent comme un Premier ministre bis, Aziz devrait gouverner, sans difficultés, jusqu’à l’échéance présidentielle de mi-2019. L’attelage qu’il a mis en place ne prête pas à équivoque. C’est un gouvernement de précampagne, avec le maintien des ministres ayant fait bonne impression lors des dernières élections municipales, législatives et régionales, et l’entrée en lice de deux piliers du pouvoir issu du coup d’Etat d’août 2008 : le général de division, Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould Ghazouani, jusque-là chef d’état-major général des armées, appelé à faire valoir ses droits à la retraite fin novembre, et Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir.

Avec le maintien d’Ould Hademine, Premier ministre sortant, dans la configuration stratégique de la « campagne », au sens militaire du terme, de 2019, ces deux positionnements sont les seuls qui comptent réellement, en plus du retour au gouvernement de la « championne » Naha Mint Mouknass, qui a prouvé, une fois de plus, que sa formation, l’UDP, a son mot à dire dans toute élection, du maintien  de Moctar Ould Diay, à l’Economie et des finances, du « placement » de Cheikh Ould Baya à la tête de l’Assemblée nationale, et de la « fusion-acquisition » d’Al wiam par l’UPR (parti au pouvoir). Cette dernière manœuvre, contrairement à ce que pensent certains, est tout bénéfice pour l’UPR parce qu’elle consacre l’entrée en son sein d’un poids lourd de la politique et d’un sage comme Boidiel Ould Houmeid qui, avec Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Alliance populaire progressiste, ont beaucoup joué en faveur de l’apaisement et du dialogue.

Pour le reste (changement de portefeuilles), on peut dire que c’est un non évènement, toutes les pièces (ministres) étant interchangeables.