Mohamed SNEIBA

Mauritanie : Le dialogue maintenant, pour qui, pour quoi et pourquoi ?

Illusion de dialogue (Crédit photo : toonpool.com)
Illusion de dialogue (Crédit photo : toonpool.com)

Dialogue, dialogue, dialogue. Crise, pas crise. Les Mauritaniens sont bien dans leurs éléments. Leurs paradoxes.

Reprendre tout à partir de zéro. Élections donc en vue. Mais quand? Kham¹? Il faut d’abord que le dialogue soit. Le pouvoir qui vient de renvoyer à nouveau aux calendes grecques le renouvellement des deux tiers du Sénat a bien une idée derrière la tête. Un gage de bonne volonté dit le ministre de l’Intérieur qui déclare qu’on ne peut tendre la main à l’opposition et organiser des élections sans elle. Pourtant rien ne laisse présager que ce dialogue aura lieu. L’opposition hésite, se montre prudente. Un dicton de chez nous dit que celui qui a été mordu par un serpent craint une corde. Et l’opposition a été roulée deux fois dans la farine. En 2008, lors des fameux « Accords de Dakar », et en 2014, quand le pouvoir avait annoncé un dialogue, à la veille des élections présidentielles, pour finalement s’engager dans ce scrutin avec quatre candidats dont deux étaient des « indépendants ».

Mais les hésitations de l’opposition ne sont pas les seuls obstacles au dialogue. La majorité a, elle aussi, plus d’un tour dans sa « tassouvra² ». Certes, aucun parti politique de cette « sainte alliance » n’ose remettre en cause la décision présidentielle d’aller au dialogue, mais il se trouvera toujours quelques-uns pour manœuvrer dans l’ombre contre ce choix. Car une majorité n’est forte que par la véhémence de l’opposition. Ceux qui crient contre le pouvoir donnent de l’importance à ceux qui crient pour le pouvoir. Une sorte de vase communicants quoi. Un peu comme ce qui se passait- se passe encore – au sein de la communauté haratine. Messeoud et Biram s’opposent, certains de leurs « frères » profitent, à la tête du Conseil constitutionnel et de l’Agence mauritanienne d’information. Cette « bolletig » n’est pas propre aux seuls Haratines. Les autres communautés l’appliquent également à merveille. On joue souvent famille contre famille. En 2008, le général Aziz n’a trouvé aucune difficulté à substituer un « shikh » (chef) du Brakna au cheikh (marabout) qu’il venait de destituer. Tous deux appartenaient au même ensemble tribal. Une tribu d’une autre wilaya avait pris un temps la place d’une autre qui s’était rangée du côté du président « rectifié ».

C’est pour dire que le dialogue tient à plusieurs choses à la fois. Des partis politiques qui pensent qu’ils ont le vent en poupe, d’autres qui estiment que des élections, ici et maintenant, ne les arrangent pas. Des hommes politiques bien placés qui jouent pour le maintien d’un statu quo, d’autres qui aspirent au « changement », en appelant à ce qu’ils appellent, sans y croire vraiment, « le renouvellement de la classe politique ». Tout tient donc à un jeu d’intérêts qui tourne autour de cette question : qu’est-ce que je gagne, qu’est-ce que je perds ?

Le pouvoir lui-même est accusé de ne vouloir le dialogue qu’en période de crise. Quand la situation sociale et économique l’embarrasse. Il peut ignorer l’opposition, ne pas répondre à ses appels au dialogue quand c’est la politique qui divise mais la grève des travailleurs de la SNIM, la première entreprise du pays, les remous au sein de la faculté de médecine, les manifestations des défenseurs des droits de l’homme appelant à la libération du président d’IRA³ et de ses compagnons, le non renouvellement de l’accord de pêche avec l’UE sont autant de problèmes qui troublent, en ce moment, la tranquillité du pouvoir en Mauritanie. Si beaucoup d’observateurs pensent que ce sont là les vraies raisons qui poussent le président Aziz à appeler au dialogue, la majorité, elle, continue à parler d’ouverture sans contraintes et de propositions à prendre ou à laisser. Ni plus ni moins.

1. Je ne sais.

2. Sac

3. Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie

 

 

 

 

¹


Barry Copa-Ghana : 9-8

Boubacar Barry Copa, gardien des Eléphants (Photo: Google)
Boubacar Barry Copa, gardien des Eléphants (Photo: Google)

La finale de la CAN 2015 a tenu toutes ses promesses dont la plus importante est celle de ne livrer le nom de l’heureux vainqueur qu’à l’issue de la dramatique séance de tirs au but. Chapeau donc aux chroniqueurs et commentateurs qui n’avaient pas voulu se hasarder à donner des pronostics. A la veille de cette finale de rêve, le seul commentaire sur j’ai osé était de dire que mon cœur balançait entre ces deux grandes nations du football. J’ai même ajouté : et que le meilleur gagne! Sans penser un seul instant que le gardien ivoirien Barry Boubacar Copa, qui n’avait joué aucun match avant cette finale tant attendue, allait être le héros du jour. Deux tirs arrêtés, dont le premier était synonyme d’espoir, et un autre qui était  celui de la délivrance. De la revanche sur le sort pour ce gardien dont un commentateur de France 24 a dit qu’il symbolisait le lien entre deux générations: celle qui avait raté les dernières CAN, de 2006 à 2013, et celle qui vient de donner à la Côte d’Ivoire son deuxième sacre après celui de 1992. Le Ghana qui avait sans doute l’équipe la plus complète et la plus solide de cette CAN 2015, a été terrassé par un éléphant blessé. Un gardien que le destin a aidé : l’absence du gardien titulaire des Éléphants lui a donné l’occasion de monter, en allant puiser dans des ressources cachées, qu’il n’avait pas encore perdu la main.

 

 

 

 


Lettre à celui qui n’est plus président de l’UA

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : google)
Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : google)

Monsieur le président,

Je suis content, très content, de voir que vous n’êtes plus, depuis hier, le « président de l’Union africaine ». Je sais que je vais choquer, et même provoquer des réactions de mépris, mais je parle sérieusement. Une année à la tête de l’UA a causé plus de dégâts à la Mauritanie qu’elle n’a apporté de « bienfaits » à la pauvre Afrique.

Monsieur le président

Vos « occupations africaines » vous ont fait oublier vos devoirs nationaux. J’espère que les mauritaniens vont retrouver, enfin, leur « président des pauvres ». La télévision de Mauritanie, qui s’est ingéniée à revenir, en long et en large, sur la dizaine de voyages que vous avez effectués, en 2014, voulait-elle rappeler aux mauritaniens que leur Rais s’était mis au service de toute l’Afrique et oublié qu’ici on souffre. La crise politique persiste. L’économie vole en lambeaux, malgré ce qu’en disent le FMI et la Banque mondiale. D’ailleurs comment justifier, qu’à la veille la tenue du XXIVème sommet de l’UA qui vous verra remettre votre mandat au sinistre Mugabe, vous ayez mis fin coup sur coup aux fonctions du gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, de l’Inspecteur général d’Etat (IGE), du ministre des Finances et du directeur général de la Caisse des dépôts et de développement (CDD) ? Tout simplement parce qu’alors que vous vous occupiez des Africains, les principaux responsables mauritaniens « s’occupaient » de nos finances pensant le pouvoir en…vacance !

Monsieur le président,

Je crains fort que la mystification continue. Si vous avez vu l’empressement avec lequel la TVM a confié à ses meilleurs « journulistes » le soin d’immortaliser votre passage à la tête de l’UA par la réalisation d’un documentaire qu’elle nous resserre à longueur de journées et de nuits, vous comprendrez qu’on veut que le futile soit pris pour l’utile.

Monsieur le président, la Société nationale industrielle et minière (SNIM), celle qui vous a permis de réaliser la plupart de vos grands projets, se meurt. Je ne suis même pas sûr qu’elle puisse supporter le coup de la baisse vertigineuse des prix du fer sur les marchés mondiaux, conséquence des problèmes qui l’opposent aujourd’hui à ces travailleurs, pour qu’elle continue à assurer le financement des projets en cours.

Monsieur le président,

Le spectre d’une sécheresse, comme celle de 2008, se profile à l’horizon. Avoir créé pour la première fois un ministère de l’Elevage est certes une bonne initiative mais cela rend encore plus grande l’attente des milliers d’éleveurs qui ont opté, depuis la nuit des temps, pour un élevage extensif qui est aujourd’hui à combattre pour rationaliser « l’existant ».

Monsieur le président,

Le dialogue politique est vraiment nécessaire. Ceux qui vous disent le contraire protègent des intérêts particuliers. Car si l’on peut insinuer, qu’à chaque fois que l’opposition réclame le dialogue, elle cherche à marquer des points, il faut aussi reconnaître que la prédisposition à dialoguer de ceux qui n’ont pas le pouvoir fait peur à ceux qui le détiennent. J’ai souvent dit que la majorité n’a d’importance qu’en présence d’une opposition « récalcitrante ». C’est comme si la majorité dit « opposez-vous et nous on profite ».

Monsieur le président,

Vous entamez votre second mandat – le dernier – et vous devez avoir comme objectif de le finir en beauté. Les mauritaniens ne garderont de vous que cet instant. Avoir bien commencé pour mal finir est la chose vraiment à éviter. L’histoire politique de notre pays en est le témoin. De feu Moktar Ould Daddah à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en passant par Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya et Mohamed Khouna Ould Haidalla. Chacun de ces hommes d’Etat a été applaudi à son arrivée et critiqué à son départ. Pour ne pas subir le même sort, il vous faudra inverser la tendance : partir de votre propre gré et travailler, dès à présent, pour laisser aux mauritaniens une scène politique apaisée.


En Mauritanie l’opposition dit : «Touche pas à ma Constitution»

Le président de l'Ufp (opposition) avec le président Aziz
Le président président Aziz en compagnie de leaders de l’opposition (Photo : google)

Encore une fois, les Mauritaniens retiennent leur souffle. Le dialogue, encore le dialogue, toujours le dialogue.

Il a suffi que le président Mohamed Ould Abdel Aziz déclare, début janvier, à Chinguitt, à l’occasion de la cinquième édition du Festival des villes anciennes, que le pouvoir est prêt à dialoguer avec l’opposition, pour que le gouvernement et la majorité qui le soutiennent engagent, à nouveau, les (d)ébats politiques. Déclarations, tables rondes (rectangulaires, triangulaires, ou ovales) se suivent et se ressemblent. Puis, le Premier ministre, Yahya Ould Hademine, invite, officiellement, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) représenté par son secrétaire permanent, l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Vall Ould Bellal, à prendre connaissance des propositions de dialogue du gouvernement. Et la particularité de cette proposition gouvernementale est que le pouvoir est prêt à faire toutes les concessions. Y compris une élection présidentielle anticipée, déclare le ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, Izidbih Ould Mohamed Mahmoud. Cette ouverture du gouvernement prend au dépourvu plus d’un. Comment reprendre tout un processus alors qu’on vient à peine de sortir d’élections générales (municipales, législatives, présidentielle) auxquelles ont pris part plusieurs partis, y compris de l’opposition, et, surtout, qui n’ont pas été remises en cause par la communauté internationale ?

Pour certains, il y a sans doute anguille sous roche. Comme en 2008 et en 2009, le pouvoir veut attirer l’opposition radicale dans un piège lui permettant d’achever sa mise à mort qui a commencé avec des élections législatives sans le Forum national pour la défense de la démocratie et l’unité (le FNDU).

Ceux qui voient les choses ainsi imaginent mal un président mauritanien qui, après avoir gagné haut la main la présidentielle de 2014, avec plus de 80 %, remet en jeu son second mandat à peine entamé. Sauf si, par la participation de l’opposition radicale, Ould Abdel Aziz veut montrer aux yeux du monde que, six ans après son arrivée au pouvoir, sa popularité reste intacte.

Pour d’autres, la raison est tout autre. Soumis à une forte pression due à des contreperformances économiques certaines et à une tension sociale de plus en plus forte, le pouvoir veut parvenir à un apaisement de la situation politique pour pouvoir faire face aux difficultés qui pointent à l’horizon. Surtout cette crise imprévisible avec l’Union européenne sur deux dossiers d’importance : le renouvellement de l’accord de pêche et la question des droits de l’homme revenue au-devant de la scène avec l’emprisonnement du militant antiesclavagiste Biram Dah Abeid et deux de ses compagnons.

Mais malgré toute cette effervescence politique, il se trouve toujours des Mauritaniens à douter de la tenue, avant terme, d’élections générales. Surtout que, dans les rangs de la majorité des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une « faiblesse » du gouvernement devant l’opposition. C’est notamment le cas pour des députés qui n’auraient peut-être jamais pu accéder à l’hémicycle dans le cadre d’une élection fortement disputée, comme celles que la Mauritanie a vécues en 2007 et en 2009.

Mais tout cela reste du domaine du probable parce que l’opposition radicale, la principale concernée par cette démarche du pouvoir, reste sur ses gardes. Elle dit oui pour le dialogue, mais pas à n’importe quelles conditions. Son acceptation du principe repose sur quatre requêtes essentielles : formation d’un gouvernement d’union nationale à larges compétences, recomposition de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et du Conseil constitutionnel, neutralité de l’administration, mais surtout qu’on ne touche pas à la Constitution. Un point essentiel qui barre la route à la volonté du pouvoir d’éliminer la limitation de l’âge à la présidentielle et donc de supprimer, du coup, comme le supposent fortement certains, celle des mandats.


Prise d’otage à la prison centrale de Nouakchott : les salafistes dictent leur loi

Prisonniers salafistes mauritaniens (Photo : google)
Prisonniers salafistes mauritaniens (Photo : google)

Des têtes vont tomber, c’est sûr, après ce qui vient de se passer à la prison centrale de Nouakchott. Une mutinerie de prisonniers salafistes qui s’est soldée par la prise en otage de deux éléments de la garde nationale ! Mais surtout la « honte » pour un pouvoir qui a plié aux exigences, quoique justes, de djihadistes entrés en rébellion pour exiger la sortie de prison de quatre des leurs qui ont purgé leur peine. Les Mauritaniens sont restés ébahis en apprenant la nouvelle. Une prise d’otages, non pas à la frontière malienne où l’armée de leur pays a massé le plus gros de ses troupes, pour, dit-on avec fierté, garantir la sécurité des biens et des personnes contre toute menace terroriste, mais à l’intérieur même de la prison centrale de Nouakchott. Un établissement gardé nuit et jour par des unités de la garde nationale et accolée à l’état-major de la gendarmerie nationale !

Certains se demandent comment les prisonniers ont-ils fait pour résister à la force publique ? Avec quelles armes, mais surtout, comment ils se sont procuré l’essence avec laquelle ils menaçaient de mettre le feu à la prison, si les forces de l’ordre venaient à donner l’assaut pour tenter de libérer les otages ? Pourquoi avaient-ils leurs téléphones qui leur ont permis de transmettre, en direct de la prison, les informations aux médias privés et de montrer les photos des deux gardes enfermés dans une cellule ? Une situation singulière qui est l’aboutissement d’accrochages qui ont fait quatorze blessées (8 gardes dont un officier du nom de Adhem Ould Ouma et 6 détenus islamistes, selon le site Alakhbar) tous soignés à l’hôpital militaire de Nouakchott.

Toutes ces questions restent sans réponses et doivent attendre la fin de l’enquête évoquée par le procureur de la République pour situer les responsabilités. Mais déjà, les forces de sécurité, qui n’ont pas fait preuve d’efficacité dans cette affaire, mettent en cause le ministre de la Justice, Sidi Ould Zeine, qui aurait laissé pourrir cette situation. C’est également la même chose que dit le bâtonnier de l’ordre national des avocats, Me Cheikh Ould Hindi qui, invité par une chaîne privée, expliquait que l’Etat ne fait que rétablir le droit. Le bâtonnier, qui a servi d’intermédiaire dans les négociations entre les salafistes et les autorités, a appelé ministère de la Justice au respect de la loi pour éviter que ce genre de crise ne se répète.

De retour d’Arabie saoudite où il a effectué une visite éclair pour présenter ses condoléances au nouveau roi Salman Ibn Abdel Aziz suite au décès de son frère le roi Abdallah, le président mauritanien n’a pas encore pris de mesures consécutives à ce que les médias locaux appellent désormais les évènements de la prison civile de Nouakchott. Mais ceux qui connaissent bien l’homme déclarent qu’il ne laissera pas les choses passer ainsi. Les ministres de la Justice et de l’Intérieur pourraient ainsi faire les frais d’un énième remaniement. Surtout qu’on comprendrait très mal comment la justice a envoyé au gnouf des militants des droits de l’homme, pour avoir dénoncé, pacifiquement, l’esclavage foncier, en les accusant de « rébellion non armée »; alors que dans cette histoire, des prisonniers salafistes s’insurgent, prennent en otage deux de leurs geôliers, négocient et obtiennent gain de cause.


Remaniement en Mauritanie : Scandales, parité et disparités

Fatma Vall Mint Soeyne'e,  ministre des Affaires étrangères (Crédit photo : AMI)
Fatma Vall Mint Soueyne’e, ministre des Affaires étrangères (Crédit photo : AMI)

Une fois encore, le président Aziz a pris de cours tout le monde. Alors qu’on marchait à Nouakchott contre Charlie Hebdo et qu’on devisait sur un possible dialogue entre la majorité et l’opposition, il décide tout d’un coup de « reconfigurer » l’équipe gouvernementale pourtant formée il y a à peine quatre mois. Y avait-il urgence à cela? On peut dire, sans risque de se tromper, oui et non.

La série de scandales ayant secoué le ministère des Finances et la Somelec (Société mauritanienne d’électricité) rendait hypothétique le maintien à son poste de l’argentier du pays Thiam Diombar. Certes, l’homme n’a très probablement rien à voir avec les milliards d’ouguiyas que l’Etat est obligé aujourd’hui de passer en pertes et non profits mais on peut croire qu’il ne tenait plus suffisamment fort la baraque. Et cela fait mal à un pouvoir qui, on le sait, a bâti une bonne partie de sa renommée sur la lutte contre la gabegie.

Le limogeage, coup sur coup, du gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, de l’Inspecteur général d’Etat (IGE) ainsi que du Directeur général de la Caisse de Dépôt et de Développement (CDD) annonçait une bourrasque sur le gouvernement du Premier ministre Yahya Ould Hademine.

La première remarque qui s’impose est que Thiam Diombar, pourtant artisan de l’embellie économique de ces trois dernières années, avec le gouverneur de la BCM, Sid’Ahmed Ould Raiess, lui aussi débarqué, suite au dépôt de bilan de la Maurisbank, et le ministre des Affaires économiques, Sidi Ould Tah, maintenu, paye pour les erreurs des autres : l’ancien Trésorier général (aujourd’hui conseiller technique), qui assure la tutelle directe sur les trésoriers régionaux, les walis eux-mêmes et l’IGE. Il a peut être également été sacrifié sur l’autel de la guerre entre les puissants lobbies économiques qui ont su mobiliser contre lui, plusieurs semaines durant, tous les flibustiers de la presse. Thiam Diombar cède sa place à Moctar Ould Diay qui, jusqu’à sa nomination, était à la tête de la direction générale des Impôts, la « terreur » des hommes d’affaires et des entreprises. Ceux qui ne l’aimaient pas disaient même qu’il était l’arme du pouvoir pour casser les hommes d’affaires qui ne se pliaient pas à sa volonté en les frappant de lourds impôts synonymes de mise à mort certaine.

Plus de femmes au gouvernement

Coumba Bâ, ministre de la Jeunesse et des Sports (Photo: google)
Coumba Bâ, ministre de la Jeunesse et des Sports (Photo: google)

Elles sont maintenant sept au gouvernement : Affaires étrangères, Affaires sociales, Culture et artisanat, Elevage, Jeunesse et sports, Secrétariat général du Gouvernement et Mauritaniens de l’étranger. Certes, ce n’est pas encore la parité appliquée dans certains pays comme la France, mais c’est tout de même le double des postes que les pouvoirs précédents consacraient à la gent féminine. Les femmes accaparent aujourd’hui 25% du gouvernement avec le retour à un ministère de souveraineté, celui des Affaires étrangères dévolu à Mint Soueyne’e. D’aucuns pensent que cette « offrande » politique est faite pour apaiser un peu les esprits, au sein d’une communauté dont l’un des fils vient d’être condamné pour apostasie. Est-ce également la même logique qui a présidé à l’octroi d’un portefeuille de plus à la communauté haratine, après la condamnation à deux ans de prison ferme de Biram Ould Dah Ould Abeid et de Brahim Bilal Ramdane, respectivement président et vice-président de l’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA) ? On n’est pas loin de le penser.

Mais la sensation du changement passée, on se demande si le « contingent » féminin du gouvernement remanié d’Ould Hademine va tenir la route. Le sort de la pauvre ministre de la Jeunesse et des Sports, Houleymata Sao, sortie au bout de quatre mois, on ne sait pourquoi, plane comme une épée de Damoclès sur la tête des nouvelles élues. Elles savent quand elles sont entrées dans la cour des grands mais n’ont aucune idée du moment où elles seront éjectées de leurs moelleux fauteuils de ministres. Alors elles feront comme tout nouveau « ministré » : jouir pleinement du moment présent, car, dans la conjoncture politique actuelle, les changements sont imprévisibles.


Charlie Hebdo : le revers de la… caricature

Manifestation à Nouakchott contre les caricatures (Crédit photo : Saharamédias.net)
Manifestation à Nouakchott contre les caricatures (Crédit photo : Saharamédias.net)

A peine la France a-t-elle fini de pleurer ses morts que « l’union sacrée » contre le terrorisme commence à se fissurer. En France, d’abord, où la question divise, certains se demandant si la récupération politique qu’on a aussitôt faite de ce drame ne va pas – aussi – susciter une levée de boucliers chez les musulmans de France et dans les pays islamiques. Le risque ici n’a pas été mesuré à sa véritable portée. Certes, la France et tous les citoyens du monde épris de paix et de justice se devaient de condamner tout acte terroriste. Mais elle devait veiller également à ce que l’acte commis par trois égarés, de nationalité française, n’affecte pas négativement le comportement général vis-à-vis d’une religion.  Faut-il le rappeler, l’islam, dans son essence même, condamne l’atteinte à la vie humaine. Le Coran ne dit-il pas que celui qui a tué un homme c’est comme s’il a tué toute l’humanité ?

En voulant défendre la liberté d’expression, à tout prix, ne risque-t-on pas de provoquer une réaction en chaîne à travers le monde contre Charlie Hebdo, d’abord, mais aussi contre la France et tous les pays où ce journal a pu vendre son numéro reprenant les caricatures du Prophète. Une situation qu’on a vécue en ce vendredi dans plusieurs pays musulmans, comme le Pakistan et la Mauritanie.

Dans ce dernier pays, les milliers de marcheurs ont été stoppés, de justesse, par les forces de police devant l’ambassade de France à Nouakchott. Mais ils ont pris la direction de la présidence de la République où Mohamed Ould Abdel Aziz les a accueillis et n’a pas hésité, lui aussi, à saisir l’occasion au vol pour dire, à des manifestants surchauffés, qu’il ne marchera jamais pour soutenir un acte contre le Prophète de l’islam. Comme il l’avait fait, à son arrivée au pouvoir en 2008, en rompant les relations diplomatiques avec Israël, le président mauritanien a joué sur la fibre religieuse des Mauritaniens pour gagner des points, à un moment où le pays est secoué par une série de scandales économiques d’une grande ampleur.

Le risque ici pour lui est de vexer ses amis occidentaux, ceux-là mêmes qui ont avalisé son coup d’Etat contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, justement, parce qu’il mène une lutte sans merci contre le terrorisme. Ould Abdel Aziz a raison de signifier qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre l’islam et le terrorisme, mais il doit aussi comprendre que l’Occident ne choisit ses amis qu’en fonction de ses intérêts. Stratégiques et économiques s’entend.


Autour d’un thé : mandats écourtés…ou prolongés, selon la volonté du prince

Ould Raïess, gouverneur de la BCM dont le mandat vient d'être écourté
Ould Raïess, gouverneur de la BCM dont le mandat vient d’être écourté

Le mandat, c’est quoi ? Ça dépend, comme on dit. Mandat politique, mandat littéraire ou mandat économique ? Le mandat de Sembène Ousmane ou celui d’Ould Raïss¹ ? Ou, peut-être même, des mandats postaux, sonnants et trébuchants, que les anciens engagés militaires de la métropole, les fonctionnaires coloniaux ou les « ndaga francia² » envoient à leurs parents restés au village ? Tout ça, ce sont des mandats.

Ça peut même être un mandat d’arrêt ou un mandat de dépôt. Tout ça existe. Un mandat peut être d’argent, strapontin moelleux, livre, tout simplement, ou document pour la prison. Un mandat peut raccourcir. Sidi Ould Cheikh Abdallahi (ancien président), Kane Ousmane (ancien gouverneur de la BCM), Seyid Ould Ghaylani (ancien président de la Cour suprême), Sid’Ahmed Ould Raiss en savent quelque chose.

Un mandat peut s’allonger. Mohamed Ould Abdel Aziz, les maires, les députés élus en 2007 en savent quelque chose. Les sénateurs aussi. Un mandat peut manger. Un mandat peut envoyer en prison. Un mandat peut même dormir et attendre de se réveiller, on ne sait comment. Et puis, tant qu’il n’est pas fini, un mandat n’est jamais fini.

Il est dans la tête. Il dépend de la conjoncture. Des rapports du moment. Avec les groupes, les individus, les partenaires. On dit que l’argent avilit la religion. Les rapports avec sont très complexes. Bizarres même. L’argent, c’est pas facile à donner. Il n’y a que ceux qui n’en ont pas qui pensent comme ça. Pas facile à gagner, pas facile à donner.

C’est normal. Les bosseurs, les grands, ceux qui ont peiné pour en avoir, ceux-là, leurs os sont incassables. Ils connaissent l’argent. Cette histoire mauritanienne selon laquelle untel a vécu dans le bien et un autre, je suppose, dans le mal ne tient pas.

Ou qu’« el weyl » (littéralement : l’extrême pauvreté) ferait mieux de tuer celui qu’elle a pris plutôt que de le relâcher. Ça ne vaut que pour ceux qui prennent la peine de l’écouter. Paradoxalement, on peut être prodigue et avare à la fois.

Comment, dites-vous ? Fortement cupide, avec son propre argent, et extrêmement dépensier, avec celui des autres. Généreux par ci et avaricieux par là. Nos largesses ont même dépassé nos frontières. Exactement comme nos savoirs, nos sciences, nos connaissances.

Quel paradoxe ! Alors que nous prétendons avoir propagé l’islam et ses vertus jusqu’aux confins de je ne sais où, des centaines de milliers des citoyens ne savent pas jusqu’au moindre savoir, au point de prier encore avec « Je me suis levé avec Allah et assis avec Lui ». On pouvait ne pas aller loin, pour aider à soulager les souffrances ou soigner les maladies.

C’est à vol d’oiseau, la misère, la maladie et la désolation. Juste à quelques encablures de la Présidence, des ministères, du Commissariat des droits de l’homme et de l’action humanitaire. Le budget se mange chaque année. Complètement. Pas de restes. Pas de victuailles. Chaque ministère, chaque société, chaque établissement mange son plat. Rien ne tombe.

C’est impossible. Ils doivent être bien éduqués, ces convives-là. Pour la sauce, ils prennent le « mbourou lehtab » (pain cuit dans un four traditionnel), afin que rien ne tombe. Avec le « mbourou courah » (pain moderne), ça ne marcherait pas. Et l’on relave les ustensiles pour l’année 2015 ! Sans obligation de résultat. Sans redevabilité à quiconque. Sans compte- rendu. Pourtant, la liquidation de tous les budgets doit se justifier. Et pas que sur papier.

Ses impacts doivent se ressentir sur le terrain de l’éducation, de la santé, de la sécurité, des droits de l’homme, de la lutte contre les pratiques ou séquelles de l’esclavage, de l’accès aux services de base, l’aménagement urbain, l’assainissement. Sur la terre, dans les airs et au ciel.

Claquer un budget, c’est pas un exploit. L’argent est mangeable. Il est même délicieux. Surtout quand les yeux ne sont pas dans le derrière³. Et qu’on sache faire les « bonnes » choses au bon moment. Vivement le budget de 2015 ! A vos plats, pour le partage de plus de cinq cents milliards d’ouguiyas ! Bon appétit. Attention à l’indigestion. Attention à l’intoxication collective.

 

Sneiba El Kory  (Le Calame)

1. Gouverneur de la banque centrale de Mauritanie limogé la semaine dernière alors que son mandat venait d’être renouvelé il y a tout juste 3 mois !

2. Partis en France, dans une des langues locales

3. Traduction d’une expression hassaniya qui veut dire : « ne pas avoir froid aux yeux »

 


Je suis (contre) l’hypocrisie

Les dirigeants présents à la marche de Paris (Crédit photo: Lemonde.fr)
Les dirigeants présents à la marche de Paris (Crédit photo: Lemonde.fr)

Je suis contre l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo. Ça, je suis tenu de le dire haut et fort en tant qu’humain opposé à toutes les manifestations de l’extrémisme, qu’il soit religieux ou autre. Un acte terroriste qu’aucune confession ne peut justifier et dont les victimes appartiennent aux trois religions monothéistes (islam, christianisme, judaïsme). En ce sens, l’acte qui a ébranlé la France et le monde est plein d’enseignements : le terrorisme n’a pas de religion. Tout comme il n’a pas de couleur.

Ceci dit, je suis tout aussi contre l’hypocrisie de nos dirigeants. Car si la compassion des citoyens ordinaires de par le monde est juste et spontanée, celle des gouvernements est de circonstance. La décimation de la rédaction de Charlie Hebdo choque certes, mais que serait-il arrivé si ce drame était arrivé au Gondwana par exemple ? N’arrive-t-il pas d’ailleurs tous les jours au Nigeria, en Syrie, en Libye et en Irak, pour ne citer que ces cas extrêmes ? Au Nigeria, un attentat-suicide a fait 19 morts, il y a un jour. Qui en a entendu parler en Allemagne, en Israël ou même en France ? Que font les dirigeants du monde pour stopper ces actes terroristes quasi quotidiens ? Ou bien il s’agit « d’actes isolés » ? D’actes qui se passent sur une autre planète, dans l’univers des films de science-fiction !

C’est en pensant à ces choses que je réprouve haut et fort cette hypocrisie généralisée. Il n’y a pas deux mondes en un, mais une humanité qui doit faire face à tous les extrémismes. Ceux-ci ne naissent-ils pas d’ailleurs de l’indifférence des uns face aux souffrances des autres ? Cela ne dit-il rien à ces dirigeants du monde, de voir, en de telles circonstances, le président malien Ibrahima Boubacar Keita, venir manifester à Paris contre un acte terroriste qui a tué 17 innocents alors que ce sont des centaines de Maliens qui ont péri durant l’occupation du_Nord-Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Aucun de ces dirigeants qui l’ont côtoyé aujourd’hui, à part son hôte parisien, François Hollande, et ses pairs africains ne se sont sentis concernés par ces crimes contre l’humanité. Pour vaincre le terrorisme, il faut plus que cette grande marche de solidarité avec la France, il faut accompagner ce pays dans la lutte qu’il mène contre Al-Qaïda au Mali. Il faut avoir la volonté, comme la France de pousser Israéliens et Palestiniens au dialogue pour comprendre que l’existence de deux Etats séparés vivant en paix est l’unique solution à la crise au Moyen-Orient. Il faut agir autrement en Syrie, en Irak, en Libye pour faire cesser les guerres civiles qui sont la source d’attentats comme celui perpétré contre Charlie Hebdo. Il faut voir quel remède doit être prescrit au Nigeria qui peut se transformer en cancer pour toute l’Afrique de l’Ouest et du centre. Il faut que cesse cette hypocrisie planétaire qui nous enfonce chaque jour dans des conflits sans raison.


Mauritanie : ministres et « ministrés »

Nani Ould Chrougha, ministre des pêches (Photo: Google)
Nani Ould Chrougha, ministre des pêches (Photo: Google)

J’ai vraiment apprécié l’intervention du député de Nouadhibou, Ghassem Ould Bellali, qui, bien que soutenant le président Mohamed Ould Abdel Aziz, ne s’embarrasse pas de scrupules pour dire tout haut ce que les autres élus du peuple pensent tout bas. Ce député donc, vient de démontrer par l’exemple, comme je l’écris moi souvent dans mes articles, qu’il y a ministres et « ministrés ». Des apparents et des cachés. Des ministres qui décident et d’autres qui exécutent.

En fait, c’est un subterfuge, une stratégie qui ne date pas d’aujourd’hui. Taya en a usé et abusé, le président Aziz l’a repiquée. Recette : on forme un gouvernement de 30 membres avec le savant dosage tribalo-régionaliste nécessaire pour contenter le plus de monde possible mais l’on se rend compte qu’on a deux ou trois amis indispensables. Alors c’est décidé, ils seront des ministres « cachés ». Il suffit de les nommer secrétaires généraux, chargés de missions ou conseillers. Et de faire comprendre au ministre « apparent » qu’il n’est qu’une devanture, un « ministré ». Un terme que j’affectionne pour souligner à mes lecteurs qu’un ministre mauritanien est très souvent nommé pour une raison autre que celle de ses compétences.

Devant, l’assemblée nationale donc, le député Ghassem Ould Bellali s’est attelé à démontrer à un ministre des pêches médusé qu’il n’est pas le maître à bord, que c’est en fait, son conseiller technique, le colonel à la retraite Cheikh Ould Baya qui tient la barre. Et quand on a voulu mettre en doute les paroles du député, il a su utiliser des arguments massue: « pourquoi alors n’est-il pas assis là derrière vous, à côté des autres conseillers ? Et Ould Bellali d’énumérer les nombreuses fonctions du puissant colonel « retraité », au propre comme au figuré : conseiller technique du… « ministré »… maire de Zouerate, la cité minière d’où part vers les marchés mondiaux le fer mauritanien, négociateur en chef avec l’Union Européenne, dans le domaine des accords qui la lie avec Nouakchott, président du conseil d’administration de la Mauritanienne de Sécurité Privé (MSP), président de l’Association des maires de Mauritanie et, pour boucler la boucle, il continue à avoir la haute main sur la surveillance maritime, en transformant la DSPCM (Délégation à la surveillance des pêches et au contrôle en mer) en Garde-côtes.

Le colonel à la retraite Cheikh Ould Baya, l'homme fort du ministère des pêches
Le colonel à la retraite Cheikh Ould Baya, l’homme fort du ministère des pêches

C’est pour vous dire que le feuilleton Cheikh Ould Baya, est loin d’être clos. Même si le pouvoir tarde à lui demander des comptes. Même si le président Mohamed Ould Abdel Aziz semble lui accorder encore, mais jusqu’à quand, sa confiance.

Ceux qui suivent de près ce que le pouvoir qualifie de lutte contre la gabegie ne peuvent qu’être sûrs d’une chose : cette histoire de milliards d’ouguiyas, bien ou mal acquis, par le puissant colonel à la retraite, lui porte préjudice. Toute la presse nationale en a parlé, des semaines durant. Et maintenant, un député déplace la question au niveau de l’Assemblée nationale.

Le député de Nouadhibou s’interroge à juste raison : Ould Baya n’a-t-il pas reconnu lui-même, emporté par l’euphorie de la campagne électorale des municipales et législatives de novembre 2013, qu’il avait « gagné » des milliards d’ouguiyas quand il était le patron de la Délégation à la surveillance maritime ? N’a-t-il pas dit, assène Ould Bellali, qu’il s’accaparait de 48% des amendes de pêche dont étaient frappés les bateaux contrevenants ? Un pactole qui se chiffrait à 3 ou 4 milliards d’UM comme également il l’avait reconnu lui-même. Tous les regards, toute l’attention, sont maintenant braqués sur ces milliards qui sont allés dans les poches de particulier alors qu’ils devaient, pour une grande partie, alimenter les caisses de l’Etat. Et comme quelqu’un l’a bien dit : pourquoi ces « privilèges » n’ont-ils pas été accordés à la douane et aux Impôts qui font entrer pourtant dans les caisses de l’Etat beaucoup plus d’argent ? Comment expliquer cette « générosité » avec le colonel Ould Baya et pas avec les autres fonctionnaires de l’Etat qui contribuent à la mobilisation des ressources nécessaires au fonctionnement du pays ?

Pour toutes ces raisons, les mauritaniens sont d’accord avec le député Ghassem quand il se demande pourquoi Cheikh Ould Baya ne restituerait pas l’argent au trésor public ?

Et le député, qui ne manque pas de courage politique, au moment où tout le monde est convaincu que Cheikh Ould Baya est protégé par son amitié supposée ou réelle, avec le président de la République, de demander au puissant colonel à la retraite de restituer l’argent indument gagné, « pour aider le secteur des pêches frappé par la morosité » à sortir de la crise.

Voici, pour ceux qui le désirent, une traduction, faite par mes soins, de l’intervention en arabe du député GHASSEM.

« Monsieur, le ministre des pêches, Nani Ould CHROUGHA, je te désigne par ton nom pour répondre à l’un de tes collègues qui nous disait, l’autre jour, qu’il faut éviter de nommer les gens. Pour lui dire que quelqu’un qui veut être épargné n’a qu’à rester chez lui et ne pas accepter de charge publique. Je veux dire également aux ministres qu’on ne donne pas de directives aux députés concernant ce qu’ils doivent dire ou non. C’est inverser les rôles. Donc, Monsieur le ministre, nous avons entendu ce que vous avez dit. Nous ne dirons pas que rien n’a été fait au niveau du ministère mais nous parlerons tout de même de la situation difficile qu’il traverse. On dit que nous avons les côtes les plus poissonneuses au monde, que le secteur génère 40000 emplois. Au Maroc c’est un million d’emplois et au Sénégal, pays auquel vous venez d’accorder de nouvelles licences, c’est 600000 emplois directs et indirects. Monsieur, le ministre, en 70, on mettait les thons et les sardines en conserve ici, c’étaient les étrangers qui le faisaient. Mais aujourd’hui, aucune boite n’est fermée en Mauritanie, donc pas d’emplois, et notre produit est vendu à l’état brut, comme l’a dit l’un des députés. Monsieur le ministre, les bateaux congélateurs s’écroulent et, comme vous le savez, leur problème c’est le renouvellement. Monsieur, le ministre où avez-vous vu une pêche artisanale sans financement ? Comment comprendre que le gouvernement consent à éponger les dettes des agriculteurs et même à les refinancer, et laisser les pêcheurs ?

(…) Tout cela est de la responsabilité de qui ? Je m’en vais vous le dire et, pardonnez-moi, je vais nommer : de celui qui est le véritable ministre des pêches depuis 2008, le colonel à la retraite Cheikh Ould Baya. Si ce n’était pas le cas, il allait être assis là, derrière le ministre, avec les autres conseillers. C’est lui le responsable des garde-côtes, c’est lui le maire de Zouerate et de Nouadhibou, c’est lui le chef de la société de sécurité. C’est lui qui a été chargé, depuis 2008, du secteur des pêches probablement sur la base d’informations qui ne sont pas celles dont nous disposons. Nous n’inventons rien, nous ne disons que la vérité alors qu’on nous attaque à travers des articles payés avec l’argent public. Et, ici, monsieur le président, je vais revenir à cette question de l’argent public. Mon collègue Kane Ousmane avait dit que si les 48% donnés à Ould Baya l’avaient été à la pêche artisanale ou à la formation, ils auraient servi à quelque chose. Et même si nous acceptons que ce montant lui a été attribué de manière légale, il l’utilise illégalement en achats de consciences. Il l’utilisait aussi pour menacer les ministres, les hauts fonctionnaires et même les députés. »

Interrompu par le président de l’Assemblée qui lui demande de rester dans le cadre de la politique des pêches, le député Ghassem Ould Bellali rétorque :

« Monsieur le président, vous allez vous aussi nous interdire de citer les noms. Monsieur le président, vous vous appelez Mohamed Ould Boillil, moi c’est Ghassem Ould Bellali.

(…) Finalement, monsieur le président, je lance cet appel au président de la République, en prenant à témoin le ministre (qui doit comprendre qu’on est en train de le décharger, pour l’histoire, d’une responsabilité qui n’est pas la sienne), et son staff, que tant que le secteur est géré par un individu plein de suffisance et n’écoutant personne, rien ne marchera. »