Mohamed SNEIBA

Aziz chez Zida : le maître et l’élève

Aziz et Zida (Photo: AMI)
Aziz et Zida (Photo: AMI)

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a rendu visite ce lundi 10 novembre 2014 au nouvel homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida. Au nom de l’Union africaine dont il est encore le président pour quelques mois. Une visite qui a suscité des commentaires amusés de par le passé d’ancien général putschiste d’Ould Abdel Aziz qui a vécu lui -même pareille situation en 2008, quand il avait « rectifié » le pouvoir du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Un putsch qu’il a mis un an à faire accepter par la communauté internationale, et surtout par l’UA, comme un « incident de parcours ». Parce qu’Aziz n’en était pas à son premier putsch. C’est lui qui profite, en 2005, de son poste de commandant du Basep (Bataillon de la sécurité présidentielle) pour mettre un terme à vingt ans de pouvoir de Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya. Le rapport de force au sein de l’armée et les pressions de la communauté internationale ont poussé Aziz et son « double », le général Ghazouani, actuel chef d’état-major général des armées, à différer leur prise du pouvoir effective en laissant leurs aînés, les colonels Ely et Ould Boubacar, gérer une « transition » qui s’avèrera plus tard « inutile et incertaine ». Les deux tombeurs de Taya restés au poste de commandant de la garde présidentielle et de directeur général de la sûreté, étaient, en fait, plus puissants, que le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), composé de 17 officiers supérieurs, Ely Ould Mohamed Vall, et le chef d’état-major des armées, Ould Boubacar. Ce dernier sera d’ailleurs remplacé à son poste à la fin de la transition militaire 2005-2007 par Ould Ghazouani promis général deux mois après l’accession d’Ould Abdel Aziz à ce grade qui lui assurait la mainmise définitive sur l’armée.

C’est pour dire que le nouvel homme fort du Burkina a de qui apprendre pour jouer le jeu de l’UA. Sans rien perdre de son pouvoir actuel conféré par la puissance de feu de sa garde présidentielle. Il peut accepter une transition qui ne lui retirera pas le pouvoir des mains, en attendant comment la situation politique va évoluer. Surtout que le président mauritanien a déclaré, dès son arrivée à Ouagadougou, qu’il n’est pas venu réitérer l’ultimatum de l’Union africaine, mais encourager les différents protagonistes de la crise burkinabé à « aller au plus vite vers une transition apaisée. » On entend par là que l’ultimatum de 15 jours lancé par l’UA pour un retour du pouvoir burkinabè aux civils, sous peine de sanction, n’est pas dans l’agenda d’un président en exercice qui a lui-même été soumis à cette menace il y a sept ans. Solidarité entre le « maître » et l’élève donc, bien que Zida ne soit pas, au vrai sens du terme, un putschiste. Il n’a fait que profiter d’une situation de vacance du pouvoir après la fuite de Compaoré. Son seul tort est de vouloir rester sans passer par la voie « transition » qui permettrait au peuple de récupérer son dû. Il doit, pour cela, éviter les erreurs commises par d’anciens élèves d’Aziz, les capitaines Dadis Camara de Guinée et Sanago du Mali, qui avaient déclaré, ouvertement, s’inspirer du « coup » de l’homme fort de Nouakchott, mais avaient mal fini parce qu’il y avait une différence de contexte plus déterminante que la similitude des faits.


Si Hollande était notre raïs, il aurait été « rectifié »

Le président François Hollande (source : blog.gaborit-d.com)
Le président François Hollande (source : blog.gaborit-d.com)

La cote de popularité de François Hollande est au plus bas, selon un sondage YouGov France/Le Huffington Post/i-Télé, publié jeudi 6 novembre 2014. Ce n’est nullement une surprise. Etre aujourd’hui à 12 % d’opinions favorables (– 3) en novembre est ce qu’on pourrait appeler une chute libre qui entraînerait le président français, d’ici deux ans, dans les abîmes de l’histoire. Les Français qui l’ont élu, contre Sarkozy, il y a deux ans, doivent patienter pourtant avant de le « dégager ». Par voie d’élection. Pas de coup d’Etat comme ici, en Mauritanie ou manifestations non-stop comme au pays de Blaise, l’arroseur arrosé. C’est l’un des « défauts » de la démocratie. Et, peut-être, l’unique qualité de notre « démo-gâchis ».

Si Hollande était, par malheur, le président de la Mauritanie, l’un de nos généraux allait le « rectifier ». Le « putscher » quoi ! Parce que la chute de popularité chez nous ne pardonne pas. Si vous tombez si bas, la rue ou l’armée vont abréger votre mandat.

En août 2008, il a suffi d’une fronde parlementaire en Mauritanie pour que le général Aziz écourte le mandat de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi pourtant « premier président démocratiquement élu » dans le pays. Car au bout de quinze mois de pouvoir, une bonne partie des 52 % des Mauritaniens qui l’ont élu, en mars 2007, auraient réalisé qu’ils s’étaient trompés. Les généraux qui avaient mené le coup d’Etat, en 2005, contre le dictateur Taya, avaient alors le prétexte tout fait de « rectifier » le tir. Elle reprend alors d’une main ce qu’elle avait donné de l’autre. A croire que c’est elle qui avait, en réalité, manipulé la rue et le Parlement mauritanien pour mettre un terme à un pouvoir qui commençait à lui échapper. Hollande qui atteint le fond du puits aujourd’hui doit s’estimer heureux d’être le président de la France, la patrie des droits de l’homme, non de la Mauritanie qui détient le titre infamant de pays qui détient le record d’Afrique en termes de coups d’Etat (1978, 1979, 1980, 1984, 2005, 2008).


Autour d’un thé : public-privé

Toilettes publiques (Photo : google)
Toilettes publiques (Photo : google)

Public. Privé. Affaires publiques. Choses privées. Deniers publics. Vie privée. Un vrai jonglage. Et, du coup, l’antithèse privé/public perd de sa superbe et ne signifie plus rien, tellement les éléments du couple ont été galvaudés.

Or, que je sache, quelque chose de privé est quelque chose qui appartient à quelqu’un, nommément désigné, qui peut en faire ce qu’il veut. En user selon sa volonté. Pas en abuser, puisque tout excès est nuisible. Propriété privée. Vie privée. Ferme privée. Et tutti quanti.

Mais quelque chose de public, c’est quelque chose qui appartient à tous. Donc, impossible d’en user, sans être valablement mandaté, par tous ou une partie de tous. En abuser conduit, directement, normalement, irrémédiablement (excusez cette bousculade adverbiale), aux problèmes, c’est-à-dire, si tout ne va pas bien, en prison.

Un homme privé, c’est un homme dont personne ne parle. Un homme public, un homme que tout le monde regarde, suit, écoute. La publicité a un prix. La notoriété aussi. En plus, le droit à l’information sur la vie d’un homme public. Ses mouvements. Ses temporisations. Ses feintes. Ses escapades longues ou courtes. Ses fugues. Nationales ou internationales.

Un homme public n’a pas d’intimité. N’a pas de week-end. Pourtant, ce n’est pas ce que croit un collègue à moi qui m’expliquait pourquoi, en octobre 2012 (en ce moment-là, pas maintenant), le président n’a pas voulu expliquer, au peuple, en quelles circonstances il avait accueilli une petite balle amie en plein ventre.

Selon mon ami, « si le président l’avait reçue au cours d’une visite au centre d’oncologie ou des travaux de l’aéroport de Nouakchott, ah là, oui, il aurait été obligé de s’expliquer au peuple. Mais comme il était en privé, à Toueïla, alors, il n’avait rien à dire à personne ».

Donc, selon la logique de mon ami, comme le président était en visite officielle, en position donc d’homme public, il devait alors expliquer, aux Mauritaniens, les vraies raisons qui lui firent rater le rituel de la prière de la fête d’Al Adha.

Cela d’autant plus que, de mémoire de mauritanien, jamais président de la République Islamique de Mauritanie ne trouva quelconque bonne ou mauvaise raison pour ne pas y prendre part. Et, comme la ligne droite reste toujours le plus court chemin, il est plus facile d’aller directement de Paris à Ibn Abbas que d’aller de Paris au palais Gris puis à Banjul. Cette fois, l’opposition n’a rien dit.

La majorité aussi. Il paraît qu’ils étaient comme nous. Y compris le Premier ministre. A quand la Fin du Monde ? Celui que l’on demande n’est pas plus renseigné que celui qui demande ! Maintenant, sur la santé du président, c’est encore une question d’affaires nombreuses.

En réalité, chaque fois que le Président est un peu fiévreux, en quoi est-ce utile que toutes les rues de Mauritanie, de Fassala à Ndiago, le sachent ? Le Président tombe souvent malade mais même le Basep¹ n’est pas au courant. Ni l’EMGFA (Etat-Major Général des Forces Armées). Il faut au moins attendre que ça soit quelque chose d’utile à la propagande ou l’intoxication.

Pourquoi, à chaque fois que le président décide de rester seul en France, ce devrait être une opération, une convalescence, un contrôle médical ? Doucement, frères. Mais, aussi, ça coûterait quoi, au Président, de dire, à son peuple, tout ce qui ne va pas chez lui ? Juste du côté de sa santé. Autrement, c’est du privé.

La nuit, un cauchemar ? Communiqué, le lendemain. Tombé du lit, le soir, petite égratignure ? Communiqué, le lendemain. Maux de tête, à minuit ? Communiqué, le lendemain. Manques d’appétit ? Communiqué. Crise d’ulcère ? Communiqué. Rage de dent ? Communiqué. Bulletin complet de santé, avec toutes les opérations subies.

Analyses de sucre, de thé vert et de zrig², tension, acuité visuelle, poids, taille, test ADN, groupe sanguin, prochains rendez-vous médicaux… En quoi cela avance ou recule-t-il ? Nada. Circulez, il n’y a rien à voir. Le Président préside. Publiquement ou privativement, c’est tout kif-kif : nous sommes en Mauritanie.

Sneiba Elkory (Le Calame)

1. Bataillon de la sécurité présidentielle

2 . Breuvage local, lait coupé d’eau avec du sucre


MAURITANIDES 2014 : La Mauritanie veut intégrer le top 5 des producteurs miniers à l’horizon 2025

Site minier de Tasiast (Photo : google)
Site minier de Tasiast (Photo : google)

Le Centre International des Conférences de Nouakchott a abrité, du  13 au 15 octobre 2014, la 3ème conférence et exposition sur les secteurs minier et pétrolier mauritanien.

Mauritanides – c’est le nom de ce forum – est organisé par le Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines de Mauritanie en partenariat avec l’organisateur britannique d’évènements AME Trade Ltd.

Mauritanides 2014 (crédit photo : Cridem)
Mauritanides 2014 (crédit photo : Cridem)

L’événement a proposé trois jours de sessions plénières, des ateliers techniques, des expositions ainsi que des visites de sites miniers de la Mauritanie. Il a rassemblé plus de 2000 participants (investisseurs internationaux, experts des domaines miniers et pétroliers, responsables d’institutions financières, preneurs de décisions mauritaniens, partenaires de développement et donateurs).

Lancé en 2010, MAURITANIDES est un événement reconnu qui fut inauguré par le président Mohamed Ould Abdel Aziz en personne.

Mais il faut dire, pour être précis, que la Mauritanie a mille et une raisons de mettre en avant son potentiel minier. De ses trois « mamelles » (pêche, mines, agriculture et élevage), c’est sur la première qu’elle compte le plus depuis la mise en exploitation de la mine d’or de Tasiast par Kinross et du cuivre d’Akjout par la Mauritanian Copper Mine (MCM). Deux compagnies étrangères (canadienne et australienne) qui sont venues, depuis une décennie déjà, renforcer l’action de la Société nationale industrielle et minière (SNIM) sur laquelle l’Etat se base pour la réalisation de certains grands projets de développement.

Le train de la Snim, le plus long au monde (Photo Snim)
Le train de la Snim, le plus long au monde (Photo Snim)

C’est d’ailleurs elle qui, à travers son projet « NOUHOUD » (éveil ou envol), compte investir plus de 5 milliards de dollars US pour atteindre une production annuelle de 40 millions de tonnes de minerais de fer et d’intégrer le top 5 mondial à l’horizon 2025.

L’Etat mauritanien qui détient 78% du capital de cette société ne peut qu’encourager cette initiative. Car selon le guide de l’investisseur minier, présenté au salon Mauritanides 2014, les contributions directes du secteur minier au budget de l’Etat mauritanien se sont élevées de 2011 à 324 à 91 milliards d’ouguiyas millions de dollars (soit plus de 400 millions de dollars). Cela représente 31% des recettes totales de l’Etat, nettement mieux que la pêche qui, après avoir occupé longtemps le premier rang, arrive aujourd’hui en seconde position avec 25% du PIB.

Le secteur minier de la Mauritanie a grandement bénéficié de la diversification de la production minière. La production de quartz de haute qualité dans la zone d’Oum Agneina à Nouadhibou avec environ 300.000 tonnes par an devrait démarrer d’ici 2014» a annoncé le guide.

Des nouvelles mines sont découvertes y compris celle du dépôt de Guelb Moghrein qui a produit près de 37.000 tonnes de cuivre enrichi et 81.766 onces d’or en 2010.

Mais l’hypothèse de travail de la SNIM – je dirai l’hypothèse de production – est sérieusement menacée aujourd’hui par la chute vertigineuse des prix du fer qui sont passés de 150 USD la tonne à 90 USD. Mais aussi par l’extrême éparpillement de l’entreprise que le gouvernement contraint à mettre la main dans des projets qui n’ont rien à voir avec son activité principale : achat d’avions, pour 39 millions de dollars pour Mauritania Airlines, 15 milliards d’ouguiyas versés à la société Najah qui peine à finir dans les délais le nouvel aéroport international de Nouakchott, achat d’aliments de bétail pour le compte du Commissariat à la sécurité alimentaire et construction d’un hôpital à Nouadhibou.

L’on craint surtout, que l’Administrateur directeur général de la SNIM, Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, qui a déclaré avec forte conviction : « Notre production en minerai de fer passera à 40 millions de tonnes en 2025 », à l’ouverture de ce forum, ne soit confronté à la déconvenue de Woodside dans le domaine du pétrole.

Celle-ci avait misé, en 2006, sur une production de 75000 barils/jours dans le champ offshore de Chinguity, à 70 km à l’ouest de Nouakchott. Un gisement de pétrole estimé à 950 millions de barils dont la production n’avait jamais pu atteindre son objectif en raison de problèmes techniques, commençant à près de 30.000 barils par jour et chutant à moins de 8.000 barils par jour dès 2007, un an après le lancement de sa production. Qu’Allah préserve la SNIM, notre vache laitière, d’un tel schéma catastrophe.


UMA : Démocratie, liberté d’information et droit de savoir

Kiosque par terre à Nouakchott (Crédit photo: Saharamedias)
Kiosque par terre à Nouakchott (Crédit photo: Saharamedias)

La liberté d’information est définie comme un droit universel d’accéder à l’information tenue par les pouvoirs publics. Belle théorie que les cinq pays de l’espace maghrébin ne réfutent aucunement et inscrivent même, en bonne place, dans leurs constitutions respectives. Mais dans la pratique, le non respect de ce précepte onusien est l’un des rares dénominateurs communs n’attestant pas l’échec de « l’intégration » recherchée depuis 1989.

Chacun des pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) a mis en place une législation relative à la liberté d’information acceptant le principe fondamental édicté par l’Unesco que « toute information tenue par les gouvernements ou les institutions étatiques est en principe publique et ne peut être retenue que pour des raisons légitimes, telles que l’intimité et la sécurité. »

Nul ne récuse pourtant qu’il faudra bien un jour que les gouvernements maghrébins comprennent que la participation démocratique suppose que les gens soient bien informés, condition indispensable pour qu’ils puissent contrôler et évaluer efficacement les performances de leurs dirigeants élus, et participer activement au débat public et aux décisions ayant un impact sur leur existence.

On ne peut, continuellement, à faire jouer aux médias officiels le rôle de « gardiens du Temple¹ » consistant à travestir l’information, à valoriser à l’excès une action gouvernementale même pas digne d’être citée comme événement de cinquième degré dans les journaux d’information d’un média qui se respecte. Quel gâchis, aux fins de la propagande d’Etat, que d’envoyer une équipe de la télévision, une autre de la radio et une troisième de l’Agence mauritanienne d’information pour assister, à des centaines de kilomètres de Nouakchott, à l’inauguration d’une école de deux classes ! Ne s’agit-il pas aussi d’un manque de respect pour les citoyens que d’ouvrir le journal télévisé par l’inauguration d’un « sondage² » qui a nécessité le déplacement d’un ministre alors que les faits de premier plan sont relayés par toutes les chaînes du monde ?

Le président Aziz qui fait de la lutte contre la gabegie l’un de ses chevaux de bataille ne doit-il pas veiller à ce que les citoyens, qu’il sollicite si souvent, soient bien informés ? Car la liberté de l’information est un instrument essentiel pour permettre à l’opinion de demander des comptes aux gouvernants et autres acteurs de la vie publique. Informer les opinions publiques du Maghreb contribue, assurément, à décourager la dissimulation, la corruption et les mauvaises pratiques en général. Le droit de savoir est, pourrait-on dire, le premier droit démocratique. Il est un facteur d’émancipation qui contribue au respect et à l’exercice d’autres droits qui affectent directement le bien-être de la population.

Le constat des ratés de la liberté d’information fait, l’un des premiers actes à poser au Maghreb doit être d’aider la presse à repartir du bon pied. On ne comprendrait pas la décision du gouvernement mauritanien d’ouvrir une école de journalisme à Nouakchott et d’œuvrer, malicieusement, à ce qu’il n’y ait plus, dans peu de temps, des journaux dans lesquels ceux que cet établissement forme puissent exercer leur métier !

L’existence de journaux, de radios et de télévisions « libres » est loin d’être le signe d’une évidente liberté. Elle dérange quelquefois, certes, mais sert souvent de parure à cette démocratie tant vantée. N’entendons-nous pas souvent le président mauritanien s’auto-féliciter de l’absence de censure et, à une exception près, de l’embastillement des journalistes pour délit d’opinion ? Ailleurs, on interpelle souvent des journalistes, censure des médias rebelles ou dévergondés. En Mauritanie, on est en train de les tuer à petit feu, en leur refusant toute sorte d’aide ! Pas d’abonnements réguliers, pas de loi régissant la publicité, pas même une aide à la distribution. Même l’aide à l’impression instaurée depuis le temps du président Taya, grâce à une subvention allemande, a failli être supprimée par l’imprimerie nationale pour que les 20 journaux qui paraissent encore régulièrement rejoignent les centaines d’autres qui ont préféré arrêter l’aventure.

Que faut-il faire alors ? Fermer boutique ? Etre plus conciliant ? Faire le choix d’une presse et d’une information au rabais ?

Ce serait déjà bien que les dirigeants de nos pays acceptent que la démocratie soit un tout. Elle suppose l’organisation d’élections régulières, libres et transparentes, une bonne gouvernance économique et sociale mais aussi l’acceptation du principe sacro saint de la liberté d’expression et du droit à l’information. Il ne s’agit nullement de mettre en pratique, avec le cynisme que l’on connaît à certains de nos dirigeants, cette sentence connue de Sartre : « et puis laissez les gueuler, chien qui aboie ne mord pas³ ».

Le droit de savoir ne saurait pleinement s’exercer en l’absence de médias libres, indépendants, pluralistes, honnêtes et compétents.

Dépourvus de moyens, les rares journaux mauritaniens qui paraissent régulièrement n’ont qu’une très faible incidence sur l’opinion publique nationale. Livrée à elle-même, la presse privée nationale ne vie pas, elle survie.

 1. Titre du second roman de C.H Kane.

2. Mot utilisé en hassaniya pour « forage d’un puits d’eau ».

3. Préface des Damnés de la terre de F. Fanon.


Ebola : Qui-vive sur la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal

Contrôle à la frontière Mauritanie-Sénégal (Photo:Saharamedias)
Contrôle à la frontière Mauritanie-Sénégal (Photo:Saharamedias)

Entre la Mauritanie et le Sénégal c’est jours d’effervescence à la veille de la fête d’Id el adha (fête du sacrifice du mouton) – ou Tabaski pour les Sénégalais. Une affluence record à cinq jours de ce grand événement célébré comme il se doit des deux côtés du fleuve Sénégal.

7037836-10769361L’activité commerciale entre les deux pays bat son plein, avec l’arrivée de marchandises, de part et d’autres, mais surtout, la traversée, vers le Sénégal de centaines de milliers de « mouton de la fête ». Un rituel qui compte beaucoup pour les autorités sénégalaises, à tel point que le ministre de l’Elevage a fait le déplacement à Nouakchott, il y a quelques jours, pour faciliter le transit vers son pays de moutons venant de Mauritanie, où la ressource animale, estimée à quelque 16 millions de têtes de bétail, est sous-exploitée.

Mais au bac de Rosso, qui fait maintenant plusieurs rotations par jour, la prudence est aussi de mise. La crainte du virus de la fièvre Ebola, dont un cas avait été signalé, au Sénégal, a fait prendre aux autorités mauritaniennes toutes les précautions nécessaires. Ceux qui sortent avec leur « mouton de la fête » doivent savoir, qu’au retour, dans une semaine ou deux, ils seront soumis, au détecteur du virus d’Ebola. Une température de 37° C, ou un peu en dessus, et ce sera le branle-bas de combat. Certes, aucun cas n’a encore été détecté mais les nouvelles qui viennent d’ailleurs sont inquiétantes. Au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone, la situation s’aggrave de jours en jours, avec la montée en flèche du nombre des personnes atteintes, les conséquences économiques et sociale de l’épidémie et le dépassement du cap des 3000 morts. Face à cette situation, les autorités mauritaniennes empêchent maintenant les ressortissants des trois pays les plus touchés d’entrer sur son sol. Une mesure certes peu « amicale », mais nécessaire pour un pays qui ne dispose pas de moyens suffisants et d’expertise pour éviter le pire.

Le bac, en ces circonstances d’avant-fête, s’est transformé en un véritable marché flottant où l’on entend toutes les langues de la zone : hassaniya, wolof, pulaar, soninké, bambara, et le français, dont on se sert quand les autres ne servent pas à communiquer.  La fête est vécue, sur la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal, comme l’occasion à ne pas rater.

Source : Saharamédias

Traduit de l’arabe par Sneiba Mohamed)


Mauritanie : Comment Aziz peut « sauver » son deuxième mandat

Le Président Aziz dans un bureau de vote (Photo: Google)
Le Président Aziz dans un bureau de vote (Photo: Google)

La crise politique en Mauritanie persiste. Ses conséquences, incalculables, sur l’activité économique sont visibles à l’œil nu. Pouvoir et opposition se regardent en chiens de faïence alors que les populations s’attendent à un dégel de la situation en ce début de second mandat du président Aziz.

Les mauritaniens n’aiment pas le changement. Ce qui est une « qualité » ailleurs, peut être perçu comme un défaut ici. La crise – la crise que nous vivons depuis 2005 est là pour nous rappeler, encore et encore, que la politique en Mauritanie est une affaire de circonstances : coup d’Etat, transition, élections, contestation, re-élections¹. Que n’a-t-on pas fait pour retrouver un semblant de « normalité » politique ?

La tenue d’élections (municipales, législatives et présidentielles) sans une importante partie de l’opposition a seulement consacré le statu quo. Avec un président soutenu par une forte majorité certes mais qui entame son second mandat sur fond de crises politique et économique profondes et une opposition incapable de persuader l’opinion publique nationale et internationale qu’elle peut constituer une alternative sérieuse à un pouvoir dont le péché originel est d’être issu d’un putsch.

Certes, les mauritaniens et les partenaires au développement du pays ont avalisé, sans problème, l’agenda politique concocté par le président Ould Abdel Aziz et sa majorité comme solution de sortie de crise mais tout le monde s’accorde à dire qu’au fond rien n’a changé. Le Forum national pour la défense de l’unité et la démocratie (Fndu) s’apprête à redescendre dans la rue. La « bataille » des estimations et des communiqués » va donc reprendre de plus belle. Une possible recomposition de l’opposition, avec un rapprochement entre le FNDU et la Coalition pour une Alternance Démocratique (CAP) est à craindre pour un pouvoir qui a épuisé toutes ses cartouches. Aziz a été « le président des pauvres », le pourfendeur de la « lutte contre la gabegie », le promoteur du « renouvellement de la classe politique », avec plus de places accordées aux jeunes et aux femmes. Mais l’insatisfaction des mauritaniens, malgré le zèle de ses soutiens au sein de la Majorité, l’oblige à renouveler un discours politique qui ne « prend plus ».

En ce début de second mandat présidentiel, les ardeurs ne sont pas au rendez-vous. Certes, l’opposition éprouve mille et une difficultés à faire passer son message de nécessité de changement (révolution), après avoir échoué dans sa tentative de révolte (printemps arabe), au moment où la Tunisie, l’Egypte, le Yémen et la Libye, s’embrasaient, mais le pouvoir – aussi – fait du surplace. Le même discours, les mêmes indicateurs économiques, les mêmes hommes et femmes cooptés pour mettre en œuvre la politique gouvernementale. Le retour, surtout, des barons de l’Ancien Régime², ceux-là même qui avaient perdu Taya et qui l’ont renié le jour de sa chute !

Le changement de gouvernement qui s’est traduit par l’arrivée de Yahya Ould Hademine et la sortie de neuf ministres de l’ancienne équipe de Moulay Ould Mohamed Laghdaf est perçu comme une « pause », pas plus. Les observateurs de la scène politique mauritanienne pensent qu’Aziz ne songe aucunement à finir son second mandat avec un tel attelage. Les réalisations économiques, aussi importantes soient-elles, ne peuvent cacher le malaise politique persistant. Seule le retour au dialogue, avec l’implication du FNDU, est de nature à sortir la Mauritanie de cette noria du désespoir qui commence à faire tache d’huile au sein de populations pourtant majoritairement acquises au pouvoir si l’on en croit les résultats de toutes les élections organisées depuis 2009.

Reste à savoir comment le pouvoir compte gérer la situation jusqu’à la tenue de nouvelles élections municipales et législatives données pour hautement probables d’ici fin 2015. Avec une opposition qui renoue avec son discours d’avant la présidentielle de juillet 2014 et une majorité toujours à l’offensive, Ould Abdel Aziz n’a certainement pas la situation idéale pour mener à bien les grandes réformes de son second – et dernier ? – mandat.

1. Trois présidentielles en huit ans (2007, 2009, 2014

2. Le pouvoir de Taya (1984-2005)


Autour d’un thé : Affaires à la mauritanienne

Citoyens manifestant contre la spoliation de terrains au profit d'imams.
Citoyens manifestant contre la spoliation de terrains au profit d’imams.

Les affaires. Pas celles qui rapportent beaucoup d’argent. Pas être ni un homme ni une femme d’affaires. En Mauritanie, cela n’a pas la même signification qu’ailleurs.

Quand, en Mauritanie, vous entendez : « C’est un homme ou c’est une femme d’affaires », ressaisissez-vous, ayez la présence d’esprit de demander : « en quoi ? ».

Les affaires, en Mauritanie, tout y entre : de la vente de drogue au vol des gouéras (espèce de chèvres mangeuses de plastique), en passant par la falsification de diplômes, le bradage des gazras¹, la pratique du plus vieux métier au monde, « l’entremetteuriat » et le « commissionnariat ».

Dans les affaires, tout y passe. Pour les faire, il faut être un spécialiste en beaucoup de choses mais, surtout et impérativement, en mensonge, arnaque et mauvaise foi.

Ce n’est pas qu’il n’y ait pas des hommes et des femmes honnêtes. Mon vieux, il y en a, des gentils hommes et de gentilles femmes. Comme partout. Les affaires dont il est question, c’est comme on dit chez nous, par exemple : celui-là, ses affaires sont nombreuses.

C’est-à-dire quelqu’un qui fait feu de tout bois. C’est-à-dire, encore, quelqu’un qui s’offusque pour rien, pour des banalités, des choses courantes. Comme ça, les affaires de « beaucoup de nous » sont nombreuses. Pourquoi ? Simplement parce que, depuis quelques jours, certains ne finissent pas de se scandaliser pour la nomination d’untel ou untel qui serait le gendre d’untel ou untel.

Comme si, aussi loin que nous remontons l’histoire du pays, quelqu’un ait été nommé sur la base de quelque considération objective. Regardez-vous, les yeux dans les yeux. Quel ministre, quel général, quel autre haut responsable de l’Etat fut choisi pour ses seules compétences ?

Prenez les députés, un à un. Prenez les sénateurs, un à un. Prenez les présidents de conseil d’administration. Prenez les secrétaires généraux, les directeurs généraux, centraux et périphériques. Prenez les walis et les hakems², leurs conseillers, adjoints et autres collaborateurs.

La SNIM, les deux ports de Nouakchott et de Nouadhibou, la zone franche, les ambassades, les consulats généraux, les maires, les démembrements régionaux de tous les ministères. Les responsables militaires et sécuritaires des wilayas. Les licences des banques primaires, les licences des media privés, les grandes bourses d’affaires, les importantes sociétés. Dénouez tout. Faites l’historique.

Cherchez les vraies raisons de telle ou telle nomination. Vous trouverez de tout. Effectivement gendre. Mais, aussi, esclave ou petite amie. Forgeron ou griot. Fils d’émir ou de disciple.

Ami de la famille ou parent lointain revenu au pays. Fils d’une vieille connaissance, petit frère d’un deuxième ou troisième bureau ou, plus probablement, d’un quatrième ou cinquième dépotoir ou magasin. Les affaires des Mauritaniens sont assez nombreuses pour qu’aujourd’hui, ils crient au scandale, puisque, selon certaines mauvaises langues, quasiment tous les derniers nommés (essentiellement conseillers et chargés de mission) seraient des proches aux « nommeurs ».

Leurs affaires sont nombreuses, puisque, par exemple, si un Premier ministre ne peut pas nommer, au poste de conseillère, l’intime copine de sa femme qui n’était que secrétaire, ni son gendre en président de conseil d’administration, on est où, là ? Qu’est-ce qu’on n’a pas vu, en Mauritanie ? Messieurs mesdames, vos affaires sont nombreuses.

Hé ! Le sac-à-dos³, ça existe ! On a vu des présidents renvoyés du CM2. Avant de dire ceci ou cela, feu Sékou Touré est là et il a ses amis. Un tailleur sac-à-dos devenu ministre de souveraineté. Un autre sac-à-dos devenu quand même ministre. Le sac-à-dos, les militaires connaissent bien ça.

Rien d’autre à ajouter. C’était juste pour dire que les affaires des Mauritaniens sont nombreuses. Tellement nombreuses que pour rien du tout, les voilà scandalisés. Vous, les journalistes, regardez-vous ! Regardez- vous bien. Nous, c’est sac-à-dos. Vous, c’est sac à c…

Les affaires nombreuses, là, ce n’est pas, ce n’est pas ohé.

 Sneiba El Kory (Le Calame)

1. Terrains squattés.

2.Préfets.

3. Partir du bas de l’échelle. Colonel sac-à-dos.


Mauritanie : à bas le tribalisme, vive la tribu !

Lobatt, émir de la tribu guerrière "Oulad Noghmach", Brakna, 1934 (Photo : Archives de Mauritanie)
Lobatt, émir de la tribu guerrière « Oulad Noghmach », Brakna, 1934 (Photo : Archives de Mauritanie)

Je ne suis pas tribaliste, mais j’aime la tribu. Non, ce n’est pas un paradoxe. Le tribalisme est une attitude que je qualifierais d’égoïsme collectif, de non-respect des lois de la République. L’appartenance à une tribu est un pacte de solidarité.

Il fut un temps où je refusais d’être « membre  » de la tribu parce que la distinction que l’on faisait – et que j’entendais encore jeune – me répugnait : « min elvoulaniyin  » (de la tribu de) et « lelvoulaniyin  » (pour la tribu de). C’est la distinction entre être et avoir.

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1991. La Mauritanie était en ébullition. Après avoir vécu les premières élections de la « démogâchis  » de Taya, elle apprêtait à consacrer le Discours de la Baule par l’instauration d’un pluralisme politique de façade. Les tribus se concertaient. Les partis étaient en gestation. Dans un taxi qui roulait à vive allure entre Nouakchott et Aleg, A. Ould B., un ami et « promotionnaire », fils de chef, donc « tribaliste » jusqu’à la moelle, s’efforçait de me convaincre que le choix de la tribu, celui de rallier « en masse » le PRDS (Parti républicain démocratique et social) était la bonne option. Je le faisais sortir de ses gonds en lui disant que « je n’appartiens pas à la tribu », un euphémisme pour ne pas dire, comme certains, que les hratines n’ont pas de tribu.

Deux jours plus tard, j’étais à Boghé, mon premier poste de prof dans un lycée. J’avais hâte d’être chez « Ehel Mohamed », une famille de la tribu installée depuis des décennies dans cette ville du Fleuve où leur père gérait un commerce relativement important, à l’époque, pour un haratine.

La vaste concession était animée. Il y avait du monde et de la musique. Un « tbal » (un mariage) sur lequel je tombai par hasard. Un « iguiw » (griot), tidinit en bandoulière, lançait un « vaghou » qui me parut une « t’haydina » (éloges) sur la tribu « Ideydba ». C’est alors que « la pénombre joua sur mes yeux¹ » et je ne sus comment je me retrouvais au beau milieu de l’arène (el mer’ja) en train de distribuer ce qui restait de mon maigre salaire, après Nouakchott et Aleg, pour exprimer mon plaisir d’avoir entendu une apologie de la tribu. De MA tribu. Ce soir-là, mon nom était dans toutes les bouches. Une consécration qui commençait. Avec de nouvelles convictions.

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2013. J’avais laissé ma voiture au « garage Nouadhibou » pour prendre un minibus en partance pour la capitale économique. Pour un séjour de quarante-huit heures, je ne voulais pas faire seul près de 1000 km. Dans le minibus, j’étais assis entre deux hommes qui, par pur hasard, étaient tous deux de ma région. Instinctivement, je me tournais vers mon « cousin² » (noir) avec lequel j’échangeai sur divers sujets politiques, économiques et sociaux. Mon voisin de l’autre côté, également un « cousin », mais blanc, écoutait et intervenait de temps en temps dans notre discussion destinée, en réalité, à « raccourcir » le trajet long de 470 km.

Nouadhibou n’était plus loin et je commençais déjà à penser à l’hôtel ou l’appartement où je passerai la nuit. Ce n’était pas mon premier séjour à Nouadhibou mais j’éprouvais toujours un sentiment de solitude en débarquant dans cette ville aux habitudes européennes mais pas plus grande qu’une moughataa (département) de Nouakchott.

Le bus de la société « Première classe » stoppa net devant la gare routière où des passagers en partance pour Nouakchott s’apprêtaient à embarquer dans un autre véhicule. Et alors que l’un des apprentis commençait à descendre les bagages, mon « cousin » blanc s’empara de ma valise et la plaça dans la malle arrière de la voiture venue le chercher. « Tu viens avec moi », me dit-il sur un ton ferme. Et sans prêter attention à mes protestations, il m’ouvrit la portière avant de la Toyota Avensis.

En cours de route, il me demanda : « Ehel Sneiba », n’est-ce pas « de la fraction telle » ? Moi, l’anti-tribaliste, je m’entends répondre « eheh » (oui). Quand lui se présenta, et que je reconnus une illustre famille d’Aghchorguit³, je compris que l’effet tribu a encore joué.

 1. Ne voir plus rien.

 2. Quelqu’un de la tribu ou de même « race ». En Mauritanie, les hratines sont tiraillés entre leur origine africaine (noire) et leur culture arabe.

 3. Petite localité, à 45 km d’Aleg, lieu de la chefferie traditionnelle de la tribu « Ideydjba ».


Autour d’un thé : histoires de comités

Le président Aziz (en treillis) et le général Ghazouani, chef d'état-major des armées  (Photo: Noor info)
Le président Aziz (en treillis) et le général Ghazouani, chef d’état-major des armées (Photo: Noor info)

Un bulletin de salaire libellé en arabe et un autre en français ! Quelle différence ? Les cinquante mille et poussières des jeunes recrues resteront, toujours, cinquante mille et poussières, même exprimés en chinois, mandarin ou patois.

Et les vers deux millions des généraux resteront les deux millions des généraux. Rien à faire. Ce n’est pas la langue qui permettra d’acheter plus ou moins. C’est tout comme. La seule chose, c’est que, quelque part, quelqu’un a eu la « chance » de gagner un marché particulièrement juteux, en faisant imprimer, en arabe, les bulletins de solde de tous les éléments de l’armée mauritanienne.

Une trouvaille de la Mauritanie nouvelle. Un peu comme d’autres. Un comité de lutte contre la corruption. Certainement que, dans peu de temps, on se rendra compte qu’il faut encore fonder un comité de suivi du comité de lutte contre la corruption et encore un autre comité de suivi du comité de suivi du comité de lutte contre la corruption.

Un comité du croissant lunaire. Un comité de promotion des gazras. Un comité de défense des consommateurs. Un comité de suivi des voitures de plus de huit ans. Un comité de lutte contre les falsificateurs des permis de conduire. Un comité de suivi des constructeurs de mosquée où personne ne prie.

Un comité de suivi des comités de suivi. Les comités, c’est important. Une vieille histoire que ces comités-là. Comité militaire de Redressement national. A sa fondation, la Mauritanie vacillait. N’eût été ce comité, elle serait tombée, raide morte, depuis juillet 1978.

Le comité militaire de Salut national. Sans lui, la Mauritanie était perdue. Ce comité l’a sauvée. Les comités des structures d’Education des masses. « Grâce » à ces comités, chacun connaît chacun : Où il habite, ce qu’il mange, ce qu’il raconte à sa femme, le soir, après le dîner.

Quand il va à la prière. Quand il retourne à la maison. Et autres. Les Mauritaniens sont ingénieux, en termes de trouvailles. Nous avons trouvé la théière, la tente puis le guitoune (une sorte de tente). Nous avons trouvé le bac O (bac zéro pour certains). Et ce n’est pas tout.

La démocratie militaire, c’est nous. Les dosages politiques, c’est encore nous. La journée de neuf heures de travail, c’est toujours nous. La semaine de « quarante heures en théorie » et celle d’à peine « quinze heures en pratique », c’est nous.

Le Basep, c’est nous, disait l’autre. Et plein d’autres trouvailles. Plus de trente ans. Retour à l’ancienne semaine de travail. Nostalgique. Les anciens doivent se souvenir de cette chanson : « Leylett samedi soir yarabi lakaletni ennar » (Dieu que le feu ne me dévore pas, la nuit du samedi soir !).

C’était le temps des soirées dansantes où tout coulait à flots. Le temps des soirées et matinées cinématographiques où des couples allaient, naturellement, bras dessus, bras dessous, regarder des projections de films de l’époque. Leylett samedi soir, mon vieux ! C’est revenu le samedi soir et le dimanche. Le président aurait expliqué les raisons de ce revirement.

Sur son Facebook. Le pays aurait un énorme manque à gagner, à faire cavalier seul samedi et dimanche, alors que toutes les bourses du monde sont fermées. C’est une histoire d’affaires. Les « aff… », les amis. Mais, c’est curieux, le président et ses collabos ont mis du temps à se raviser.

Enfin, mieux vaut tard que jamais. Naturellement, les dénonciations fusent. Un député islamiste ne décolère pas. Une ou deux formations condamnent, fermement, le retour à cette « hérésie ». Une centrale syndicale crie à l’illégalité de la décision.

Quelques hommes de religion rouspètent à basse voix. Mais, concrètement, ça fait quoi de travailler du dimanche à jeudi ou du lundi au vendredi à midi ou à treize heures ? Tout simplement que, dans la réalité, la Mauritanie vient d’instituer la semaine de trente-six heures et un week-end de trois jours (vendredi, samedi et dimanche). Rien d’autre. Rien que ça. C’est tout, SVP. Bon revirement. Bonne nouvelle semaine de travail. Bon nouveau week-end.

SNEIBA El kory (Le Calame)