UMA : Démocratie, liberté d’information et droit de savoir

13 octobre 2014

UMA : Démocratie, liberté d’information et droit de savoir

Kiosque par terre à Nouakchott (Crédit photo: Saharamedias)
Kiosque par terre à Nouakchott (Crédit photo: Saharamedias)

La liberté d’information est définie comme un droit universel d’accéder à l’information tenue par les pouvoirs publics. Belle théorie que les cinq pays de l’espace maghrébin ne réfutent aucunement et inscrivent même, en bonne place, dans leurs constitutions respectives. Mais dans la pratique, le non respect de ce précepte onusien est l’un des rares dénominateurs communs n’attestant pas l’échec de « l’intégration » recherchée depuis 1989.

Chacun des pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) a mis en place une législation relative à la liberté d’information acceptant le principe fondamental édicté par l’Unesco que « toute information tenue par les gouvernements ou les institutions étatiques est en principe publique et ne peut être retenue que pour des raisons légitimes, telles que l’intimité et la sécurité. »

Nul ne récuse pourtant qu’il faudra bien un jour que les gouvernements maghrébins comprennent que la participation démocratique suppose que les gens soient bien informés, condition indispensable pour qu’ils puissent contrôler et évaluer efficacement les performances de leurs dirigeants élus, et participer activement au débat public et aux décisions ayant un impact sur leur existence.

On ne peut, continuellement, à faire jouer aux médias officiels le rôle de « gardiens du Temple¹ » consistant à travestir l’information, à valoriser à l’excès une action gouvernementale même pas digne d’être citée comme événement de cinquième degré dans les journaux d’information d’un média qui se respecte. Quel gâchis, aux fins de la propagande d’Etat, que d’envoyer une équipe de la télévision, une autre de la radio et une troisième de l’Agence mauritanienne d’information pour assister, à des centaines de kilomètres de Nouakchott, à l’inauguration d’une école de deux classes ! Ne s’agit-il pas aussi d’un manque de respect pour les citoyens que d’ouvrir le journal télévisé par l’inauguration d’un « sondage² » qui a nécessité le déplacement d’un ministre alors que les faits de premier plan sont relayés par toutes les chaînes du monde ?

Le président Aziz qui fait de la lutte contre la gabegie l’un de ses chevaux de bataille ne doit-il pas veiller à ce que les citoyens, qu’il sollicite si souvent, soient bien informés ? Car la liberté de l’information est un instrument essentiel pour permettre à l’opinion de demander des comptes aux gouvernants et autres acteurs de la vie publique. Informer les opinions publiques du Maghreb contribue, assurément, à décourager la dissimulation, la corruption et les mauvaises pratiques en général. Le droit de savoir est, pourrait-on dire, le premier droit démocratique. Il est un facteur d’émancipation qui contribue au respect et à l’exercice d’autres droits qui affectent directement le bien-être de la population.

Le constat des ratés de la liberté d’information fait, l’un des premiers actes à poser au Maghreb doit être d’aider la presse à repartir du bon pied. On ne comprendrait pas la décision du gouvernement mauritanien d’ouvrir une école de journalisme à Nouakchott et d’œuvrer, malicieusement, à ce qu’il n’y ait plus, dans peu de temps, des journaux dans lesquels ceux que cet établissement forme puissent exercer leur métier !

L’existence de journaux, de radios et de télévisions « libres » est loin d’être le signe d’une évidente liberté. Elle dérange quelquefois, certes, mais sert souvent de parure à cette démocratie tant vantée. N’entendons-nous pas souvent le président mauritanien s’auto-féliciter de l’absence de censure et, à une exception près, de l’embastillement des journalistes pour délit d’opinion ? Ailleurs, on interpelle souvent des journalistes, censure des médias rebelles ou dévergondés. En Mauritanie, on est en train de les tuer à petit feu, en leur refusant toute sorte d’aide ! Pas d’abonnements réguliers, pas de loi régissant la publicité, pas même une aide à la distribution. Même l’aide à l’impression instaurée depuis le temps du président Taya, grâce à une subvention allemande, a failli être supprimée par l’imprimerie nationale pour que les 20 journaux qui paraissent encore régulièrement rejoignent les centaines d’autres qui ont préféré arrêter l’aventure.

Que faut-il faire alors ? Fermer boutique ? Etre plus conciliant ? Faire le choix d’une presse et d’une information au rabais ?

Ce serait déjà bien que les dirigeants de nos pays acceptent que la démocratie soit un tout. Elle suppose l’organisation d’élections régulières, libres et transparentes, une bonne gouvernance économique et sociale mais aussi l’acceptation du principe sacro saint de la liberté d’expression et du droit à l’information. Il ne s’agit nullement de mettre en pratique, avec le cynisme que l’on connaît à certains de nos dirigeants, cette sentence connue de Sartre : « et puis laissez les gueuler, chien qui aboie ne mord pas³ ».

Le droit de savoir ne saurait pleinement s’exercer en l’absence de médias libres, indépendants, pluralistes, honnêtes et compétents.

Dépourvus de moyens, les rares journaux mauritaniens qui paraissent régulièrement n’ont qu’une très faible incidence sur l’opinion publique nationale. Livrée à elle-même, la presse privée nationale ne vie pas, elle survie.

 1. Titre du second roman de C.H Kane.

2. Mot utilisé en hassaniya pour « forage d’un puits d’eau ».

3. Préface des Damnés de la terre de F. Fanon.

Partagez