Mohamed SNEIBA

Mauritanie : accords et désaccords

Wallahi, l’opposition dite radicale a raison de se méfier. Je ne l’aime pas, cette opposition-là, il est vrai. Parce que fainéante, incapable, roublarde et j’en passe. Divisée, opportuniste, inconséquente, sans foi ni loi. Elle n’a pas de stratégie, non plus de stratège. Mais elle a raison. Mille fois raisons. Voici pourquoi. 

Le président Aziz (photo : AMI)

L’opposition a compris, depuis le fameux Accord de Dakar, que ce pouvoir-là (le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz) n’a pas de parole. Qu’il est inutile, voire dangereux, de sceller un pacte avec lui. Le Président promet et revient sur sa parole quelques temps après. Les ministres mentent sur tout et rien. C’est devenu leur sport favori. L’économie est au top, nous dit le super ministre Ould Diay, celui qu’Aziz a choisi pour l’économie et les finances et qui est devenu, depuis, un marchand d’illusions. Sa phrase favorite : « el kheltha (messieurs), nous avons transformé la Mauritanie en eldorado ». Il nous parle de chiffres et de données macroéconomiques que la réalité du terrain ne conforte pas. Les pauvres ne savent plus à quel Saint se vouer à cause de la flambée des prix. Ils subissent, comme la classe moyenne et les riches d’ailleurs, le fardeau de l’impôt (266 milliards des recettes budgétaires proviennent du fisc). Pour les calmer, on leur dit : « vous avez Emel (l’espoir), un programme de vente de produits de première nécessité financé, à ses débuts, à coups de milliards d’ouguiyas mais qui est aujourd’hui maintenu à sa plus simple expression pour justifier la taxation des produits pétroliers vendus aux automobilistes au double de leur prix sur le marché mondial ! Les pauvres n’ont pas de voiture certes (argument fallacieux des ministres du gouvernement) mais ils dépendent de celles des autres. Pour se déplacer, pour manger et boire. C’est le grand problème de la plupart des mauritaniens mais il y en a un autre : la « démo-gâchis ».

Depuis 2009, on navigue à vue. Le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz nous en fait voir de toutes les couleurs. D’accord, l’ancien Général reconverti en homme politique a été élu, haut la main, en 2009. Et réélu, dans les mêmes conditions, en 2014. Mais pourquoi ne parvient-il pas à « normaliser » son pouvoir ? Pourquoi un Sénat qui siège depuis onze ans ? Une Chambre haute qui ressemble, en tous points de vue, à nos « gazra » (squat) ? On me dira que cette incongruité « démocratique » va cesser bientôt avec la disparition du sénat mais est-ce vraiment sûr ? Pourquoi ces dialogues a répétition ?

La valse-hésitation sur le « comment faire passer les amendements constitutionnelles (congrès ou référendum) » en dit long sur les intentions du pouvoir : gagner du temps.

Le dialogue, auquel une bonne partie de l’opposition n’a pas pris part, était pourtant axé sur la voie du référendum. Un moyen de donner un « habillage » pop à la volonté du Président Aziz. Mais l’on semble craindre, côté majorité, que les populations ne suivent pas. Parce qu’une bonne partie des soutiens d’Aziz sont contre ces réformes sans oser le dire. Notamment au niveau du Sénat appelé à disparaître. Les « chouyoukh » (vieux, sénateurs) peuvent bien mobiliser dans leurs fiefs respectifs pour que les amendements ne passent pas. Pour eux, c’est une question de survie politique. Cette « opposition » dans la majorité serait un précieux appui à l’opposition déclarée. Cette dernière, qui a affirmé ouvertement, qu’elle battra campagne contre cette nouvelle « rectification » tendant à permettre au Président Aziz de conserver le pouvoir (on ne sait encore comment) : la première étant celle qui lui a permis de justifier son coup d’Etat contre le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Tous les accords scellés entre le pouvoir et l’opposition dialoguiste n’ont pas été menés à leurs termes. Le dialogue de 2011 a eu un goût d’inachevé, non pas parce que la Coordination de l’opposition démocratique (COD) n’y a pas pris part, mais parce que le gouvernement n’a appliqué que les clauses qui l’arrangent. Celui de 2014 a connu les mêmes travers et tout indique qu’il en sera de même du dernier «arrangement » de septembre 2016.

Alors que la question du drapeau et de l’hymne national divisaient, dès le départ, celle du choix d’adoption (par référendum ou parlement) brouille aujourd’hui les cartes de l’opposition « dialoguistes ». « Le référendum coûterait très cher »(4 milliards d’ouguiyas) est l’argument avancé par le gouvernement pour se dérober. L’opposition le soupçonne de craindre le verdict des urnes et de se rabattre sur un parlement qu’il contrôle à 80% mais dont l’une des chambres (le Sénat) n’a plus d’existence légale depuis près de deux ans !

 


USA / Monde : que la « trumperie » commence !

L’investiture de Donald Trump a confirmé tout le mal qu’on pense de lui. « On », c’est-à-dire, vous, moi, les Américains qui auraient préféré voir Hilary Clinton à la Maison Blanche et les pays en compétition avec les USA (exceptée la Russie de Poutine).

 

Le président américain Donald Trump présente le document actant le retrait des Etats-Unis du partenariat transpacifique (TPP), à Washington le 23 janvier 2017 (crédit photo : clicanoo.re)

Trump est un milliardaire fou. Fou de politique. Ou rendu fou par elle. Il s’est investi (et a investi énormément) pour comprendre cet univers qu’il a toujours eu en horreur. Pour lui, les politiques installés à Washington et leurs compères de Paris, Berlin et Londres, sont des empêcheurs de tourner en rond ; ls ne comprennent rien aux affaires, il faut donc déconstruire ce qu’ils ont pris soin de bâtir pour assurer leur mainmise sur le monde.

Trump est dangereux parce qu’il apporte sa propre révolution que cache mal sa révolte. Sa contradiction au monde. Il est dangereux parce qu’il est pressé. Il veut poser plus d’un acte à la fois. Son slogan de campagne, « America first » (« l’Amérique d’abord ») se prolongera tout au long de son mandat. Au pas de charge, il vient de signer plusieurs décrets qui traduisent sa volonté d’être lui-même : provocateur à outrance.

Trump constitue la nouvelle menace qui pèse sur le monde. Par son inconséquence. Les liens avec ses voisins canadiens et mexicains ne tiennent qu’à un fil, c’est selon son humeur. Il maintient l’idée d’un mur de séparation entre les USA et le Mexique et vient d’annoncer que les accords de libre échange entre son pays et ces deux voisins seront revus, dans le cadre d’un protectionnisme devenu sa religion.

Son « mur » de séparation d’avec le Mexique est l’objet de tension entre lui et son homologue mexicain Enrique Peña Nieto. Les ressorts de la relation entre les USA et le Mexique, à maints égards unique au monde,  sont tendus par les liens économiques existants entre les deux pays, notamment au sein de l’Accord de libre-échange Nord Américain (l’ALENA) entré en vigueur le 1er janvier 1994. Mais aussi par l’incontrôlable immigration « al norte », favorisée par l’importance de la zone frontalière et dûe aux conditions de vie difficiles qui perdurent au Mexique.

Trump est dangereux parce qu’il veut changer l’Amérique et le monde en moins de quatre ans, alors que les quarante-quatre présidents présents avant lui remodelaient la puissance de leur pays en fonction de la conjoncture et de la stratégie de domination posée depuis un siècle.

Les principaux décrets pris par Donald Trump depuis son investiture amorcent une révolution aux États-Unis, on peut donc penser que, pendant au moins quatre ans, rien ne sera comme avant ! Avec l’Europe et la Chine, l’entente est à nouveau sérieusement menacée. Il se met aussi à dos les pays arabes et l’Iran qu’il place sous embargo parce que pays d’origine des « terroristes » qui menacent l’Amérique ! Une solution simpliste et non sans conséquences puisque Téhéran a déjà fait savoir qu’elle répondra par la réciproque à cette mesure.

Un « anti-obamisme » primaire

Donald Trump veut imposer ses choix et il ne trouve pas meilleure façon que de détricoter la politique de son prédécesseur et il veut aller vite. Il signe les décrets à la chaîne : déjà une douzaine de décrets signés. C’est donc une nouvelle Amérique qui se dessine. Cible de son premier décret : l’Obamacare, l’assurance santé pour tous, si chère à Barack Obama. Donald Trump autorise des exemptions pour pouvoir la contourner. Il mène également une offensive de charme pour satisfaire les partisans d’un nouvel isolationnisme des USA. En ligne de mire, la politique d’accueil des immigrés, limitée pour certains pays, mais carrément stoppée pour d’autres comme, par exemple, la Syrie.

Le second décret pris par Trump remet en cause les traités commerciaux internationaux, contraires, selon lui, aux intérêts des Américains. Il se retire de l’accord de libre-échange avec douze pays d’Asie, acté par Barack Obama. Troisième décret, une offensive contre l’avortement qui suscite de nombreuses inquiétudes chez les femmes. Le texte interdit le financement public d’associations internationales qui soutiennent l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Il relance deux projets d’oléoducs controversés, abandonnés par Barack Obama au nom de la protection de l’environnement, au nom de l’emploi. Car pour lui, la priorité, c’est l’emploi. A n’importe quel prix. Ainsi, Donald Trump redessine son Amérique.

La Ligue arabe, après l’UE, a exprimé son inquiétude face à la mise en œuvre de la « trumeprie », idéologie qui portera la politique américaine jusqu’en 2021, si, bien sûr, les Républicains, majoritaires à la Chambre des représentants et au Sénat, ne freinent pas les élans narcissiques du président Trump.

 

Partout dans le monde, la riposte s’organise.

Les sept pays visés par le décret (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) sont tous musulmans, ce qui donne à la mesure restrictive l’allure d’une cabale.

Ce décret, déjà entré en vigueur, donne aux services d’immigration le droit de fouiller systématiquement et d’interroger, à l’entrée des Etats Unis d’Amérique, tous les citoyens musulmans pour notamment recueillir leurs avis sur nombre de thèmes dont, par exemple, la Chariaa islamique et l’homosexualité afin de vérifier la compatibilité de leurs positions avec les vues américaines. Naturellement, si les réponses du voyageur ne plaisent pas aux agents de l’immigration ou si sa tête ne leur revient pas, il est tout simplement refoulé, sans autre forme de procès.

De nombreux pays se sont démarqués des Etats-Unis et ont fustigé ce repli sur soi dont ils font preuve. En Occident, des chefs d’Etat, alliés traditionnels de Washington, ont parfois dénoncé avec véhémence ce décret. Sans compter les organisations de la société civile, aux USA et à travers le monde, qui dénoncent aussi ces mesures.

Theresa May, la première ministre britannique, dit ne pas être d’accord avec ce type d’approche. Elle réagit différemment en promettant d’intervenir auprès du gouvernement américain au cas où ce décret aurait un impact sur les citoyens britanniques nés dans les pays islamiques concernés. En Allemagne, Angela Merkel ne juge pas justifiées les restrictions à l’immigration de ressortissants des sept pays musulmans. Quant au premier ministre canadien, Justin Trudeau, il a affiché la volonté de son pays d’accueillir les réfugiés « indépendamment de leur foi ». « A ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera indépendamment de votre foi », a tweeté M. Trudeau, ajoutant : « La diversité fait notre force.» Le président français, François Hollande, a, lui, mis en garde son homologue américain contre « le repli sur soi » et a appelé Trump au « respect » du principe de « l’accueil des réfugiés », fondement des « démocraties » occidentales.

Battus par les Républicains, les Démocrates ne peuvent désormais vivre que d’espoir d’ici 2021. Peut-être que cette levée de boucliers contre le nouveau président va faire regretter à certains d’avoir livré les clés de la Maison Blanche à Trump… Ils pourront reprendre la main aux élections de mi-mandat en redevenant majoritaires au Congrès. Qui sait ?


Demain, je vais pleurer devant la présidence pour réclamer un troisième mandat

Demain, je vais pleurer devant la présidence et réclamer un troisième mandat. Et peut-être que je serais nommé ! Qui sait ?

Aziz a encore frappé. Et fort. Très fort même. Alors qu’on ne l’attendait pas, il procède à un mini remaniement à peine rentré de trois semaines de vacances en Inchiri et au Tiris Zemmour.

J’ai dit qu’il a frappé fort. Et oui, jugez-en vous-mêmes : les deux nouveaux « ministrés » ont cette particularité : avoir pleuré en défendant l’une des « causes » du pouvoir. On se rappelle de cette fameuse campagne d’explication du « discours de Néma ». Le nouveau ministre de la Jeunesse, Mohamed Ould Djibril, à l’époque directeur de cabinet du Premier ministre, s’était soumis à l’exercice : expliquer le discours par un discours. Il était tellement ému qu’il a mélangé larmes et métalangage. Certes, ses pleurs, forcés ou non, ont été largement raillés sur les réseaux sociaux, et ont sans doute alimenté les discussions de salons, mais aujourd’hui, le président s’est rappelé de lui. A quelle occasion ?

Je pense qu’Ould Jibril doit une fière chandelle à la nouvelle ministre de la Femme et des affaires sociales, Meimouna Mint Taqi qui a pleuré, et à chaudes larmes, il y a trois jours, à l’assemblée nationale.

Parce qu’un député de l’opposition a osé évoquer Israël, dans l’enceinte de « l’auguste chambre ». Il a dit parmi ce qu’il a dit que la torture pratiquée en Mauritanie sur les prisonniers de l’organisation anti-esclavagiste IRA (Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie) et les prisonniers salafistes « est pire que celle subie par les Palestiniens » ! Les pleurs de Maimouna ont remis dans les esprits ceux d’Ould Djibril. Nomination donc de cause à effet ? Pour cette remarquable marque de fidélité et d’engagement ?

Alors si le bidoung-kpwatt est en vogue dans certaines contrées d’Afrique subsaharienne, les pleurs risquent, désormais, d’être la mode ici, en Mauritanie. Les larmes vont noyer Nouakchott et non seulement  la menace qui viendrait, selon des scientifiques, de l’océan.

En attendant, le président Aziz prolonge ses vacances. Il dispose d’un répit de quelques jours, voire de quelques semaines. Le remaniement-divertissement nous fait oublier nos vrais problèmes. Les prix qui montent. La crise politique qui devient une sorte de « normalité ». Les papiers de la voiture (assurance, vignette) qu’il faut renouveler en ce début d’année. Le peuple se distrait. Aziz, Aziz, Aziz, crient les sots, les fous et les opportunistes d’entre nous. Le temps passe. Vite. Le président réfléchit, lui, à ce qu’il faut faire avant 2019 qui, sauf revirement de dernière minute, est la fin de son dernier mandat.


Bilad Lehmir

Bilad Lehmir. Le pays des ânes, un peu à l’image des moutons de Panurge. Notre esprit grégaire fait que nous subissons toutes les bêtises de nos responsables irresponsables ; qu’ils soient élus ou administrateurs. Ils nous volent, nous mentent, nous affament et rient sous cape. Ils sont rassurés, assurés. Le « printemps arabe » n’arrivera pas dans Bilad Lehmir. Ce pouvoir-là en sait quelque chose. Il a appris de ceux qui l’ont précédé. Ceux qui ont volé, menti, affamé et même tué. Ici, tout est possible. Tout est normal, « aadi ». Qu’un ignorant soit propulsé directeur ou qu’un voleur devienne ministre des finances. Que les prix montent, qu’importe ! Que l’école sombre. Que la santé « se meurt ». Que des irresponsables lâchés dans la nature mettent en danger l’unité nationale, la cohésion de ce peuple. Le gouvernement fainéant regarde faire. D’ailleurs, cela fait bien son affaire. Occupons le peuple pour qu’il ne voie pas de quoi on s’occupe. La MAURITANIE « comme elle va » VA TRES MAL.


Mauritanie : Que faire pour sortir de la crise ?

 

Les hommes politiques mauritaniens sont d’accord sur une seule chose : l’art consommé de camper sur les mêmes positions ! Une manière pour eux d’entretenir une crise dont la victime expiatoire est le Peuple, censé être, pourtant, la finalité de toute action positive de nature à servir son bien-être.

Marche de l’opposition à Nouakchott (25/02/2016)

Majorité et Opposition continuent à entretenir une tension politique naturellement préjudiciable à toute action de développement. Pire, elle fait courir au pays les risques d’une instabilité dont les prémices sont bien là : un sénat qu’on ne parvient pas à renouveler, dix ans après l’élection de nos « chouyoukh¹ », une bonne partie de l’opposition (FNDU, RFD, UNAD) qui restent en dehors d’un jeu politique qu’elle estime biaisé, des populations qui plient sous le poids des prix, grogne des travailleurs dans les sociétés étrangères exploitant les richesses minières du pays, sentiment d’exclusion chez certains groupes sociaux et aléas d’une situation économique et sociale des plus préoccupantes.

Tout cela ne semble pourtant pas impressionner un gouvernement dont les appels au changement, sinon à la démission, fusent de partout.

Ce qui ne semble pas être l’avis du président Aziz, qui reste sourd à tous les appels et n’intercepte pas les signaux de désaveu de l’action d’un gouvernement sans envergure et sans conviction. A moins que la team dirigée par Yahya Ould Hademine depuis deux ans n’ait le courage de créer la surprise en démissionnant pour sortir le Raïs d’une situation plus qu’embarrassante, en lui permettant de mettre à l’épreuve d’autres hommes et femmes, quasiment à mi-parcours de son second quinquennat.

Car le peuple, qui plie sous le poids de problèmes de toutes sortes, a besoin d’actions concrètes capables de traduire sur le terrain ses aspirations, et non pas de ces sempiternels « échanges d’amabilités » entre la majorité et l’opposition, sur une question d’importance comme celle du dialogue, et l’appréciation, subjective de part et d’autre, de l’action du gouvernement.

C’est vers cela que doit tendre le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, s’il comprend, enfin, que le rapprochement des positions antagonistes de l’opposition dite radicale et la majorité relève aujourd’hui d’un véritable miracle. Parce que les divergences sur tout et rien sont inhérentes à la nature même de ce qui divise les deux camps, aspirant conserver le pouvoir ou à le conquérir. Par tous les moyens. Les deux camps ne semblent donc pas avoir compris que la situation est si grave qu’il faut vraiment qu’ils se départissent de leurs positions de principes pour trouver un compris.

Il ne s’agit pas de sauver les apparences, comme à Dakar, en 2008, où tout était en fait compromission et non compromis, aussi bien de la part des deux camps en conflit que du côté des négociateurs attitrés (UA, UE, ONU) et des intermédiaires sénégalais et libyens. Il s’agit de sauver la Mauritanie. Ce qui s’est passé dans plusieurs pays arabes (Libye, Egypte, Syrie et Yémen) et se poursuit encore en, ne rassure pas. Un « printemps » dans un pays où les susceptibilités raciales, tribales et régionales ont toujours animé les compétitions politiques à tous les niveaux est de tous les risques.

Le pouvoir sait que la situation n’est pas si rose qu’il veut le faire croire et que les populations ressentent plus l’impact de la flambée des prix, par exemple, que l’arrivée au goutte à goutte d’investissements dont une bonne partie ne profite qu’aux bailleurs qui les donnent et à une administration tatillonne.

C’est d’ailleurs parce qu’un tel malaise est de plus en plus perceptible que le gouvernement multiplie les sorties « rassurantes » visant à faire comprendre que les ratés d’un tel programme électoral ne sont que des accidents de parcours qu’on ne mettra pas longtemps à réparer. Un point de vue qui est loin d’être celui de l’opposition qui, par la voix de ces chefs de file appelle le gouvernement de Yahya Ould Hademine à rendre le tablier en guise d’échec et d’incapacité à trouver le remède miracle pour sortir le pays de ses multiples problèmes politiques, économiques et sociaux.

 

Il n’y a pas de solutions miracles

 

L’idée qu’il faut entamer plusieurs projets de développement à la fois pour donner l’impression que le pays est devenu un véritable chantier semble avoir fait recette seulement dans la période préélectorale. Aujourd’hui que tout roule au ralenti, l’on se rend compte qu’il faut avoir les moyens de sa politique pour entretenir la flamme du soutien populaire.

Face aux grands problèmes de l’heure que sont la sécheresse que prédit le président du RFD, Ahmed Ould Daddah, la flambée des prix, la contestation populaire et la crise politique qui dure, il faut plus que de simples mesures, destinées à entretenir l’illusion que tout va, ou des visites de wilayas qui ne produisent plus le « phénomène » Hay Saken² d’il y a neuf ans ! L’espoir de voir d’autres actions d’éclat (comme la lutte contre la gabegie et les réalisations dans les domaines prioritaires) s’estompe, puisque la « révolution » s’est arrêtée au stade de la révolte.

Le besoin de se défendre – et même de reprendre l’initiative en attaquant – ne doit pas être une simple répétition de ce qui a été dit et redit, à chaque fois que le pouvoir veut prouver que le changement est vraiment « constructif « .Tout ne doit pas être, comme à Ouadane, le « bon » prétexte pour glorifier jusqu’à l’apologétique, les « réalisations » du président Aziz !

N’est-il pas étonnant que le Premier Ministre, qui était devant l’Assemblée nationale, hier mercredi 04/01/2017, pour livrer sa traditionnelle Déclaration de Politique Générale (DPG) ainsi que les ministres qui ont passé leur Grand Oral devant les députés, n’aient fait que resservir une sorte de « plat réchauffé » où l’on reparle encore et encore de ce qui a été fait, de ce qui est en cours (de réalisation) et de ce qui n’est encore que projets qui risquent de rester à l’état…de projets ? Sans être adeptes du négationnisme, on ne comprend pas à quoi riment tous ces discours si la rue continue à réclamer le pain.

Mais, pour une fois, les citoyens seront les juges, les évaluateurs, d’une situation nouvelle où les discours (du pouvoir ou de l’opposition) commencent à ne plus faire recette.

Et comme point positif, mais à double tranchant, le président Ould Abdel Aziz aura, au moins, eu le mérite d’accélérer le processus de maturation de cet esprit critique qui permet au Mauritanien moyen de savoir à quoi s’en tenir. Même s’il n’accepte pas de changer de camp, pour une promesse non tenue, un leurre découvert trop tard, il sait tout de même que la réalité n’est pas celle que le gouvernement s’efforce à démontrer par l’absurde en nous faisant croire que 2 + 2 font 5 ! Exactement, comme le montre la vidéo ci-dessous.

  1. Pluriel de « cheikh » qui signifie en arabe « vieux ». Et en Mauritanie, il est de tradition de réserver la chambre haute du parlement pour les chefs de tribus et autres retraités de l’administration.
  2. L’un des quartiers pauvres de Nouakchott devenu célèbre grâce au discours d’Aziz en faveur des pauvres.


Mauritanie-Maroc : « Bolletiguement » correct mais…

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz (photo : google)

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Bravo ! Bravo ! Bravo ! Nous avons gagné la « guerre » (médiatique) contre le Maroc.

Aziz ! Aziz ! Aziz ! Cette fois, ce n’est pas Zeidan seul, l’homme au haut-parleur qui suit le président mauritanien dans toutes ses tournées à l’intérieur, qui lance ce cri triomphal par lequel la majorité nargue les oppositions « opposées » mais tous ceux qui cherchent à tirer un profit quelconque de la « reddition » du Maroc.

Nous avons gagné une bataille…sans tirer un seul coup de feu. Hamid Chabatt, l’homme qui a eu le culot de dire que la Mauritanie est une province du Royaume, a été voué aux gémonies par son propre pays. Bien fait pour lui ! Il tournera la langue soixante-dix fois dans la bouche avant de parler.

Le Maroc a été à la hauteur. Diplomatiquement parlant, il a assuré. Le roi     Mohamed VI a même fait preuve d’humilité. On me traitera de pro marocain, qu’importe ! J’assume. C’est mieux que d’être un va-t-en-guerre, je crois. Le royaume aurait bien pu ••se suffire du communiqué du ministère des Affaires étrangères se démarquant de Chabatt. Le Roi pouvait ne pas téléphoner et Benkirane ne pas venir rencontrer Aziz dans sa « retraite » au nord du pays. Que serait-il advenu alors ? La guerre des mots, pas plus. La vraie n’aura pas lieu. Au grand dam de ceux qui voulaient voir la Mauritanie masser ses troupes le long de la frontière avec le Maroc. Compliquer une situation déjà complexe. La question du Sahara occidental divise depuis…1975 ! Et empêche l’émergence d’un Maghreb arabe capable de rivaliser économiquement et politiquement avec les autres ensembles sous-régionaux.

Quoi qu’on dise du président Aziz, en cette histoire-là, il a fait preuve de bon sens. Car si les « ministrés » n’ont pas parlé de cette affaire, en public ou en privé, c’est bien parce qu’on leur a dit de la fermer. Le dossier semble avoir été géré par le raïs lui-même. « Bolletiguement », c’était très correct. Si le roi peut recevoir dans son palais de Tanger ou de Marrakech, alors pourquoi Aziz ne pouvait pas demander à Benkirane de « pousser » jusqu’à Zouerate pour venir lui présenter les excuses du Maroc ?     Chacun est « chef » chez soi.

Ce que je n’ai pas compris, réellement, c’est la volonté de certains (au sein de l’UPR et de notre intelligentsia) de vouloir coûte que coûte transformer le noble geste du Maroc en défaite. J’ai même lu quelque part que c’est parce que la Mauritanie est devenue une puissance militaire dans la sous-région que Rabat s’est empressé de s’excuser, en moins de 24 heures !

 

Paix, paix seulement

 

Le rapport des forces militaires et économiques sont des considérations qu’il faut laisser aux autres. Mauritaniens et Marocains doivent mobiliser leurs ressources humaines et économiques pour le bien-être de leur population respective. Les soucis sécuritaires et la prévalence de la suprématie militaire ont un prix. Comme en témoigne le classement 2015 du consortium Global FirePower, spécialisé dans les études militaires.

  1. #Etats-Unis: 1 430 000 militaires, 8325 tanks, 13 683 avions et hélicoptères, 473 navires, 612,5 milliards de dollars pour le budget militaire.
  2. #Russie: 766 000 militaires, 15 500 tanks, 3082 avions et hélicoptères, 352 navires, 76,6 milliards de dollars pour le budget militaire.
  3. #Chine: 2 285 000 militaires, 9150 tanks, 2788 avions et hélicoptères, 520 navires, 126 milliards de dollars pour le budget militaire.
  4. Inde: 1 325 000 militaires, 3569 tanks, 1785 avions et hélicoptères, 184 navires, 46 milliards de dollars pour le budget militaire. L’Inde est devenue le plus grand importateur de matériel militaire.
  5. Royaume-Uni: 205 330 militaires, 407 tanks, 908 avions et hélicoptères, 66 navires, 53.6 milliards de dollars pour le budget militaire.
  6. France: 228 656 militaires, 423 tanks, 1203 avions et hélicoptères, 120 navires, 43 milliards de dollars pour le budget militaire.
  7. Allemagne: 183 000 militaires, 408 tanks, 710 avions et hélicoptères, 82 navires, 45 milliards de dollars pour le budget militaire.
  8. Turquie: 410 500 militaires, 3657 tanks, 989 avions et hélicoptères, 115 navires, 18.18 milliards de dollars pour le budget militaire.
  9. Corée du Sud: 640 000 militaires, 2346 tanks, 1393 avions et hélicoptères, 166 navires, 33.7 milliards de dollars pour le budget militaire.
  10. Japon: 247 746 militaires, 767 tanks, 1595 avions et hélicoptères, 131 navires, 49,1 milliards de dollars pour le budget militaire.
  11. Israel
  12. Italie
  13. Egypte
  14. Brésil
  15. Pakistan
  16. Canada
  17. Taiwan
  18. Pologne
  19. Indonésie
  20. Australie
  21. Ukraine

 

La puissance militaire d’un pays est construite sur de nombreux facteurs, notamment le nombre de soldat et le budget alloué pour sa défense mais également de nombreux autres paramètres tels que son avancée technologique, le type et le nombre de matériels dont il dispose (porte-avions, arme nucléaire, sous-marins…). Les Etats-Unis ne sont pas la première puissance militaire mondiale pour rien : sur 1747 milliards de dollars US dépensés en 2015, les USA revendiquent 609,9 milliards comme budget de leurs armées, loin devant la Chine (216,3) et la Russie (84,4). Au Maghreb, par exemple, l’Algérie est le pays qui dépense le plus pour les besoins de sa défense et de sa sécurité (13.1 milliards de dollars US).

Relativisons tout de même : ces chiffres, ces « forces » ne veulent rien dire quand la Cause est juste. Les Mauritaniens n’ont pas besoin de l’arsenal militaire américain pour défendre l’intégrité territoriale de leur pays. La volonté est une arme redoutable. Il permet aux Palestiniens, par exemple, d’opposer la pierre aux chars et aux avions. Le manque de volonté cache dans ses plis les germes de la défaite, de la défaillance. Sinon comment comprendre que l’armée malienne, classée 24 force africaine en 2015, ait été chassée du nord par des troupes hétéroclites de séparatistes et d’organisations terroristes ?

 

✱ Bolletig : politique, terme utilisé en hassaniya pour « ruse », « tour », « affairisme ».

 


Autour d’un thé : dérives et risques d’implosion en Mauritanie

Jamais, de mémoire de mauritanien, le pays n’a passé par d’aussi obscurs moments où chacun dit et fait publiquement ce qu’il veut. De tout temps, les Etats (au sens régalien du terme) qui se respectent font dans la mesure, au point que ni le veau ne meurt ni la « Tadit¹ » ne s’assèche. L’expression selon laquelle, fort, l’Etat nous écrase ; faible, nous périssons ; n’a jamais été si à propos.

Logiquement, il est impossible d’être une chose et son contraire. Pourtant, cela semble bien le cas, aujourd’hui, en Mauritanie. L’Etat est parfois très fort et parfois très faible. Fort dans la répression de tous ceux qui ne bénissent pas ses politiques et ses choix. Hommes politiques ou hommes d’affaires.

Manifestation de l’opposition mauritanienne (photo google)

Un Etat fort dans la manipulation

Fort dans la manipulation de ses institutions, en vue de leur faire réajuster des décisions contre lesquelles les pressions internationales se sont abattues. Fort à faire passer des messages démagogiques et des discours fantaisistes, via des interviews commandées, destinées à faire valoir des réalisations factices et des stratégies sécuritaires, prétendument de référence pour toute la sous-région.

Fort dans l’entretien des illusions de populations miséreuses éternellement tenues en laisse, par des politicards calculateurs et bouffons. Fort dans la sourde oreille envers les revendications d’une opposition qui ne finit pas de se composer et recomposer, dans la perspective d’un véritable dialogue qui ne vient pas.

Fort dans le débauchage et la fabrication de « personnalités » bidons, aux discours ridicules et complètement grotesques. Fort dans la promotion des médiocres et des parvenus cooptés sur on ne sait quelle considération, par l’entregent d’une influence civile ou militaire. Fort dans les mensonges et les contradictions désormais plus ordinaires que jamais.

Un Etat faible dans la gestion des risques

Mais il est faible. Dans la gestion des risques que font planer les communautaristes et les sectaires, sur la pérennité de l’Etat. Faible dans la mise hors d’état de nuire de groupes de nuisance impeccablement organisés de circuits dans l’escarcelle desquels tombent quasiment tous les contrats des marchés juteux, nationaux et internationaux.

Faible dans la canalisation et l’usage à bon escient des dizaines voire centaines de milliards de financements que génèrent les dons, les dettes et autres « opportunités ». Les investigations des contrôleurs de l’Etat viennent de se rendre compte que l’administration des garde-côtes est incapable de justifier la dépense d’une bagatelle de plus de trois milliards d’ouguiyas.

C’est quoi de ne pas ouvrir une enquête pour situer les responsabilités dans une affaire qui ressemble à de la gabegie ? Faiblesse de l’Etat ou promotion de l’impunité ? Aujourd’hui plus que jamais, la tribu est redescendue sur terre.

Avec force. Jamais, avant ce régime, aucun homme ni aucune femme n’a eu l’intrépidité de se présenter, publiquement, devant le Président, en évoquant, « fièrement », son appartenance tribale. « Je suis des tels. Nos palmeraies. Nos terres ».

Et, peut-être, sait-on jamais : « Nos esclaves ». Ce n’est certainement pas dans un Etat fort et moderne que des propos comme ceux du président du parti « Nida Al Watan² » sont tolérés. Que des insanités et des grossièretés peuvent passer comme si de rien n’était, dans un pays aussi fragile que la Mauritanie.

C’est quoi, déclarer que puisqu’il y a un parti pour les Harratines (IRA) et un parti pour les Négro-mauritaniens (FLAM), pourquoi pas un parti pour les Maures blancs ? Mais, à voir l’affluence, au Palais des congrès, pour le lancement des activités de cette terrible formation politique, il est clair, comme le pensent beaucoup de gens, que le président de « Nida Al Watan » ne fait que dire tout haut ce que, malheureusement, beaucoup de ces Maures blancs habituellement mesurés et tolérants pensent tout bas.

Dérapages dans les discours des autorités 

Tous les discours du monde et toutes les approches communautaristes possibles et imaginables ne peuvent justifier les dérapages langagiers de quiconque ni tolérer le silence assourdissant des autorités envers leurs promoteurs. La Mauritanie n’a besoin ni d’un Birame harratine ni d’un Birame beydane ni d’un Birame africain.

La Mauritanie a besoin d’une politique de rassemblement qui permette une cohabitation harmonieuse de toutes ses composantes, sur la base d’une justice sociale qui profite à tous les citoyens. C’est une œuvre laborieuse qui ne se suffit pas de vœux pieux, déclarations d’intention et bonne foi.

Un Etat très fort, capable de cristalliser toutes les attentes, de contenir toutes les ardeurs et de gérer toutes les différences, est un préalable à l’élaboration de ce travail particulièrement fastidieux. Il est incontestable que la Mauritanie est à la croisée des chemins, dans une conjoncture nationale, sous-régionale et internationale compliquée.

Les petites considérations raciales, communautaires ou sectaires ne sont plus d’actualité. Instaurer la psychose, entre les composantes d’un même peuple, via la fabrication d’artifices humains prônant la haine et l’intolérance, ne fait qu’accélérer les instabilités et ne prémunit pas contre le revirement intempestif de l’histoire.

 

Sneiba El Kory (Le Calame)

 

1.ustensile en bois dans lequel on trait les vaches.

2. Appel de la Nation


Pouvoir – Opposition : Qui croire ?

Aziz a repris depuis un certain temps ses visites à l’intérieur du pays. La dernière en date, celle qui perpétue, depuis six ans, le Festival des Villes Anciennes. Un show plus médiatique que culturel. Une manifestation qui tire sa notoriété de son adaptation avec les festivités commémorant la naissance du Prophète Mohamed (SAW) communément appelé le Maouloud.

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : google)

En fait, la question toujours posée est : comment apprécier le bilan d’Ould Abdel Aziz qui entre dans la phase critique de son second (et dernier ?) mandat ? Autrement dit : nous sommes en face du sempiternel débat entre une majorité, qui présente le pays comme un Eldorado, et une opposition qui pense que rien n’a été fait. Qui croit même, dur comme roche, que les ressources nationales engrangées au cours de ces dix dernières années, ont été tout bonnement dilapidées !  En fait, une lutte entre extrémismes, entre tout et rien.

Les bons points…

Pour dire vrai, la Mauritanie avance. Beaucoup de réalisations ont été faites. C’est une réalité. L’aéroport Oum Tounsi est venu combler un vide. Le relogement de près de cent mille familles à Nouakchott a permis non pas d’en finir avec le visage désobligeant des « gazra » (squats) mais d’atténuer sensiblement ce phénomène. Des hôpitaux ont été construits à Nouakchott et dans certaines grandes villes de l’intérieur à Néma, Kiffa, Boghé, Nouadhibou (fondation SNIM).

La meilleure carte entre les mains du pouvoir actuel est celle de la sécurité. Protégé (ou épargné), le pays « vend » sa stratégie sécuritaire aux Occidentaux mais également aux pays de la sous-région qui ont pratiquement tous été touché par le fléau terroriste. Donné pour être en difficulté économique, la Mauritanie continue tout de même à assurer ce qui est considéré, ailleurs, comme un « service minimum » : payer les salaires d’une fonction publique de plus en plus importante, commercer avec des institutions financières internationales qui lui renouvellent, chaque année, leur satisfecit, et, plus important, contenir la crise sociale qui, dans d’autres pays, est à l’origine des troubles appelés « printemps arabes ». Des bons points certes, mais qui n’empêchent pas de poser cette autre question : à quels prix ?

…Et les mauvais.

 

En termes de rationalité économique, l’on pense que le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz pouvait « mieux faire ». Quand la conjoncture économique lui était largement favorable, entre 2009 et 2013, avec la manne tirée des prix du fer et de l’or, le flux considérable des IDE (Investissements directs étrangers), en provenance des pays du Golfe, grâce à l’action énergique de l’ancien ministre des affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah, devenu, entre temps, directeur général de la Banque arabe pour le développement en Afrique (BADEA). L’homme est aujourd’hui pointé du doigt étant accusé d’avoir « enseveli » la Mauritanie sous une dette extérieure qui a atteint des sommets jamais inégalés (plus de 4 milliards de dollars US).

Son successeur, Moctar Ould Diay, qui a réussi à regrouper sous son autorité, finances et économie, cherche, désespérément, à maintenir le cap du renflouement des caisses de l’Etat, quitte à imposer toujours plus des entreprises privées dont la survie ne tient aujourd’hui qu’à un fil. Les commerçants auxquels on a lâché du lest, jouent à l’équilibriste, en reportant les nouvelles charges (taxes) sur le dos du pauvre citoyen. A l’image du prix des hydrocarbures qui ne répond plus à la règle du marché mais est maintenu à son plus haut niveau, depuis cinq ans, pour que l’Etat engrange une sorte de « plus-value »  justifiée, selon lui, par les besoins de financement du programme « Emel ».

Leurres et lueurs

En fait, les visites dans les différentes wilayas du pays s’inscrivent dans le nouveau cycle des rapports de force entre le pouvoir et l’opposition.

Un cycle fait de remous, de flux et de reflux qui ne cessent pas de si tôt, même quand les différents protagonistes de la crise politique en Mauritanie accepteraient, miraculeusement, sous la pression des évènements ou de la communauté internationale, de rediscuter des conditions d’apaisement nécessaires à l’organisation des futures élections municipales et législatives, comme le prévoit un dialogue auquel le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) n’ont pas pris part.

D’ores et déjà, ces deux parties qui constituent ce que l’on appelle « l’opposition radicale », par opposition à l’opposition « participationniste » (CUPAD et autres), prend les devants en annonçant que l’organisation d’un référendum pour changer la constitution, et entamer des élections générales, probablement, avant 2019, est un processus voué à l’échec, parce qu’entrepris sans concertation sérieuse. Comme en 2011 et en 2014. Un niet qui complique un tout petit peu la situation, invivable déjà, dans laquelle se trouve le pays. Et c’est aussi ce qui fait dire à certains que le président Aziz est en train de remettre en place sa stratégie populiste, celle qui lui a permis de jouer le mauvais tour à l’opposition, lors de la « Rectification » et de l’élection présidentielle de juillet 2009 et de 2014. A quelle fin ?


La couleur du mensonge en politique

Le mensonge a une couleur. Il pèse aussi. Un gros mensonge, dit-on, quand la « kidhba » ne passe pas, comme une grosse couleuvre. Mais on n’a jamais entendu parler de « petit mensonge ».

Un mensonge reste un mensonge. Un mensonge rouge se voit de loin. Il se sent aussi. Comme un pet. Le mensonge tout court est-il pour autant acceptable ? Posons la question autrement : y a-t-il des situations où mentir devient acceptable ?

  • Mentir pour sauver sa vie, par exemple.
  • Mentir pour éviter un clash avec sa femme.
  • Mentir en politique.
  • Mentir entre amis.
  • Se mentir.
  • Mentir à son créancier en jurant que vous le payerez sou peu, l’objectif étant que vous obtenez un « sursis » ou une rallonge de crédit.

Un mensonge est un mensonge, a-t-on l’habitude de dire pour signifier qu’il n’y a pas de grands et de petits mensonges.

Le mensonge est une spécialité en politique. Elle nourrit son homme et lui permet d’apprivoiser ceux qui ont choisi de le suivre, le plus souvent dans le camp du pouvoir. Là où les diplômés es mensonge politique peuvent obtenir des privilèges énormes, en périodes électorales.

L’idée d’écrire sur le mensonge, rouge ou pas, m’est venue après avoir écouté, alors que je me trouvais à Dakar, le discours prononcé par le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz à la cérémonie de clôture des assises du dialogue national inclusif. Alors que j’avais la certitude que l’auteur de deux coups d’Etat en l’espace de trois ans (2005-2008) ferait tout pour prolonger son séjour au Palais Ocre protégé par un double mur, depuis son arrivée au pouvoir, et surveillé nuit et jour par le fameux BASEP (Bataillon de la sécurité présidentielle), j’entends Ould Abdel Aziz assurer aux Mauritaniens que le troisième mandat n’est pas dans ses projections d’avenir. Donc, la majorité qui le réclame, par le biais de certains membres du gouvernement et l’opposition, qui le refuse se sont-elles trompés ?

Le mensonge politique n’en n’est pas un, car il est de bonne guerre

Si Sarkozy était mauritanien, il ferait une très bonne carrière de président. Il n’aurait pas eu besoin de passer par des primaires risquées. Il ne courrait pas derrière un second mandat mais plusieurs, parce que sa réussite sera assurée par l’énormité de ses mensonges qu’on mettrait, le plus sérieusement du monde, sur le compte de la « bolletig », la politique telle que la pratiquent les mauritaniens dans tous les secteurs de la vie.

Ici, nos politiques sont passés champions dans ce que l’on appelle le « mensonge rouge ». L’énormité du mensonge. Quand Aziz vous dit qu’il n’aime pas le pouvoir, vous ne pouvez que sourire. Et vous demander : pourquoi il a alors « putsché » le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ? Pour l’avoir démis de ses fonctions de chef d’état-major particulier et commandant du BASEP ? Seulement ?

Quand notre cher raïs vous dit qu’il ne possède rien, êtes-vous prêts à le croire ? Un mensonge rouge, dira l’opposition qui accuse Aziz d’avoir tout pris pour lui : une partie du stade olympique, un pan entier de l’école de police, des écoles et des places publiques vendues, selon elle, à des prête-noms. Sont des mensonges rouges également cette lutte contre la corruption, ces réformes tout azimuts et cette lutte contre l’esclavage.

Aziz dispose d’une arme pour faire face à ces « calomnies » : la banalisation. A ses détracteurs, il répond par : « dites ce que vous voulez, je fais ce que je veux ». La liberté d’expression qui place la Mauritanie à la tête des pays arabes depuis 2013 est en fait l’expression d’un je-m’en foutisme idéalisé. Sacralisé même. C’est lui qui constitue aujourd’hui l’essence de notre « bolletig », des mensonges qui fondent la façon de gouverner en Mauritanie.


Pour une fois, Hollande joue et gagne

François Hollande (Photo google)
François Hollande (Photo google)

Huit Français sur dix ont approuvé leur Président François Hollande qui, dans un discours d’à peine dix minutes, leur a dit : « je ne suis pas candidat » ! Une surprise ? Non ! Loin de là.
Hollande n’est pas bête. Il sait depuis plusieurs mois qu’il n’a pratiquement aucune chance de rempiler. Son parcours de Président « normal » a dérapé dès la première année. A cause de ses dames. Comme Sarkozy, qu’il a fait chuter en 2012, il ne fera qu’un seul quinquennat. Venir, présider (la manière importe peu) et partir.
Le facteur déclencheur de ce désistement spectaculaire n’est pas la pression mise sur Hollande par son Premier ministre Manuel Valls. Et par les sondages qui le ramollissaient chaque jour. Non. Il faut chercher du côté des Républicains et de leurs primaires.
Il y a fort à parier que Hollande allait être candidat si Sarkozy était sorti vainqueur des primaires républicaines. Les deux présidents allaient se retrouver dans une sorte de classico (retour) pour mesurer leur degré d’impopularité auprès des Français. L’élimination de Sarkozy était aussi celle de Hollande. Place alors aux lieutenants dans les camps. Et là, ce qui va faire la différence, ce sera la capacité de l’un des candidats à la présidentielle de 2017 de « tuer » le père. Fillon l’a déjà fait pour Sarkozy. Emanuel Macron a eu la tentation. Valls ne se retient plus. L’élection présidentielle française nous réserve encore d’énormes surprises.