La couleur du mensonge en politique

Article : La couleur du mensonge en politique
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14 décembre 2016

La couleur du mensonge en politique

Le mensonge a une couleur. Il pèse aussi. Un gros mensonge, dit-on, quand la « kidhba » ne passe pas, comme une grosse couleuvre. Mais on n’a jamais entendu parler de « petit mensonge ».

Un mensonge reste un mensonge. Un mensonge rouge se voit de loin. Il se sent aussi. Comme un pet. Le mensonge tout court est-il pour autant acceptable ? Posons la question autrement : y a-t-il des situations où mentir devient acceptable ?

  • Mentir pour sauver sa vie, par exemple.
  • Mentir pour éviter un clash avec sa femme.
  • Mentir en politique.
  • Mentir entre amis.
  • Se mentir.
  • Mentir à son créancier en jurant que vous le payerez sou peu, l’objectif étant que vous obtenez un « sursis » ou une rallonge de crédit.

Un mensonge est un mensonge, a-t-on l’habitude de dire pour signifier qu’il n’y a pas de grands et de petits mensonges.

Le mensonge est une spécialité en politique. Elle nourrit son homme et lui permet d’apprivoiser ceux qui ont choisi de le suivre, le plus souvent dans le camp du pouvoir. Là où les diplômés es mensonge politique peuvent obtenir des privilèges énormes, en périodes électorales.

L’idée d’écrire sur le mensonge, rouge ou pas, m’est venue après avoir écouté, alors que je me trouvais à Dakar, le discours prononcé par le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz à la cérémonie de clôture des assises du dialogue national inclusif. Alors que j’avais la certitude que l’auteur de deux coups d’Etat en l’espace de trois ans (2005-2008) ferait tout pour prolonger son séjour au Palais Ocre protégé par un double mur, depuis son arrivée au pouvoir, et surveillé nuit et jour par le fameux BASEP (Bataillon de la sécurité présidentielle), j’entends Ould Abdel Aziz assurer aux Mauritaniens que le troisième mandat n’est pas dans ses projections d’avenir. Donc, la majorité qui le réclame, par le biais de certains membres du gouvernement et l’opposition, qui le refuse se sont-elles trompés ?

Le mensonge politique n’en n’est pas un, car il est de bonne guerre

Si Sarkozy était mauritanien, il ferait une très bonne carrière de président. Il n’aurait pas eu besoin de passer par des primaires risquées. Il ne courrait pas derrière un second mandat mais plusieurs, parce que sa réussite sera assurée par l’énormité de ses mensonges qu’on mettrait, le plus sérieusement du monde, sur le compte de la « bolletig », la politique telle que la pratiquent les mauritaniens dans tous les secteurs de la vie.

Ici, nos politiques sont passés champions dans ce que l’on appelle le « mensonge rouge ». L’énormité du mensonge. Quand Aziz vous dit qu’il n’aime pas le pouvoir, vous ne pouvez que sourire. Et vous demander : pourquoi il a alors « putsché » le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ? Pour l’avoir démis de ses fonctions de chef d’état-major particulier et commandant du BASEP ? Seulement ?

Quand notre cher raïs vous dit qu’il ne possède rien, êtes-vous prêts à le croire ? Un mensonge rouge, dira l’opposition qui accuse Aziz d’avoir tout pris pour lui : une partie du stade olympique, un pan entier de l’école de police, des écoles et des places publiques vendues, selon elle, à des prête-noms. Sont des mensonges rouges également cette lutte contre la corruption, ces réformes tout azimuts et cette lutte contre l’esclavage.

Aziz dispose d’une arme pour faire face à ces « calomnies » : la banalisation. A ses détracteurs, il répond par : « dites ce que vous voulez, je fais ce que je veux ». La liberté d’expression qui place la Mauritanie à la tête des pays arabes depuis 2013 est en fait l’expression d’un je-m’en foutisme idéalisé. Sacralisé même. C’est lui qui constitue aujourd’hui l’essence de notre « bolletig », des mensonges qui fondent la façon de gouverner en Mauritanie.

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