Retour du président : Dénouement ou intermède ?

Article : Retour du président : Dénouement ou intermède ?
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25 novembre 2012

Retour du président : Dénouement ou intermède ?

Le président Ould Abdel Aziz, rentrant de Paris, après une convalescence de 40 jours (photo: El Hourriya.net)

De rebondissement en rebondissement, ce qu’il est convenu d’appeler maintenant « le feuilleton de la  blessure du président » est loin d’avoir pris fin avec le retour, hier samedi, du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Loin de là. Sa réapparition surprise, sur le perron de l’Elysée, vingt-quatre heures seulement avant l’organisation du meeting de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), ensuite l’interview accordée à France 24, ont produit exactement le même effet que son contact téléphonique avec le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir : Démotiver les mauritaniens d’une manifestation dont l’objet est de contester son pouvoir certes atteint mais pas à genoux.

On peut dire, dans ce cadre, que tout ce qui a été entrepris, dès le début de cette affaire fait partie d’une stratégie savamment orchestrée pour discréditer l’opposition. L’absence d’informations fiables, ce que d’aucuns ont qualifié de « manipulation des images » et les appels téléphoniques à intervalles réguliers étaient faits apparemment pour enfoncer les leaders de la COD dans leurs  erreurs. Ou plutôt dans leurs « certitudes »  qu’Aziz était fini. De sorte que Jamil Mansour, président du parti d’obédience islamiste « Tawassoul » n’a pas mis de gants quand il affirmait – jurait même – que le rais était incapable de revenir pour parachever son  mandat. Une précipitation qui aujourd’hui est en train d’être retournée contre Jamil Mansour et l’ensemble de la COD obligés maintenant de chercher une parade (l’exigence du bilan de santé du président) pour ne pas devoir renoncer à ce qu’ils avaient considéré comme l’ultime étape de leur combat contre le « pouvoir des généraux ». Ou encore d’avancer qu’il n’est pas le seul dans ce qui ressemble pour certains à un parjure. Aziz lui-même n’avait-il pas déclaré qu’Abdallah Essenoussi ne sera pas remis à la Libye tant qu’il n’a pas été d’abord jugé en Mauritanie pour être entré sur le territoire avec de faux documents ? La suite on la connait mais ceci est une histoire qui relève maintenant du passé…

C’est dire que si la réapparition d’Ould Abdel Aziz a permis d’en finir avec la phase des photos (triquées ou non), elle ne cesse cependant de poser des questions sur l’état réel de sa santé. Quand, lui-même déclare, sur le perron de l’Elysée, qu’il n’est certes pas comme avant mais que sa santé est « excellente ». Les traits tirés de l’homme, la faiblesse que l’on sent dans sa voix et le manque d’assurance dans la démarche d’un homme qui donnait toujours l’air d’être pressé sont des indices qui montrent clairement que, même si Ould Abdel Aziz décide de rester (ce qui est fort probable), rien ne sera plus comme avant.

S’il revient, on  continuera  à demander son « départ »

A cette hypothèse soulevée par le président de l’Union des forces de progrès (UFP), Mohamed Ould Maouloud, le président Aziz vient de répondre, comme dans la célèbre émission de Julien Lepers « question pour un champion » sur France 3 : « je reste ». Elle donne pourtant le vrai visage de la nouvelle-ancienne crise politique en Mauritanie. En annonçant que si Ould Abdel Aziz décide de rester, l’opposition va se remettre à exiger son départ, Ould Maouloud confirme tout simplement le retour à la case départ. Exit donc, pour le moment, tous ces scenarii (initiatives) qui avaient été exposés, avant et pendant le voyage du président Aziz en France, mais dont aucun n’a réellement fait l’objet d’un examen sérieux de la part d’une classe politique dont les principaux protagonistes se méfient les uns des autres.

Pour dire vrai, c’est encore le président Aziz qui détient la solution. La manière dont la COD  a géré la crise de la « vacance » du pouvoir durant un mois a montré les limites d’une opposition très souvent portée à prendre ses rêves pour la réalité. Après avoir mis plusieurs mois à chercher le moyen de « dégager » Aziz, elle a trop misé sur un coup du sort pour voir se réaliser ses ambitions de parvenir au pouvoir. Dont elle attendait la livraison sur un plateau d’argent par des généraux restés fidèles à leur chef. Aziz vient lui-même de le confirmer, dans une seconde interview accordée à un autre grand média de l’Hexagone (Rfi), disant qu’il ne craint pas un coup d’état parce qu’il a confiance en l’armée. Il réaffirme aussi, par la même occasion, son refus catégorique d’un gouvernement d’union nationale, ce qui constitue une seconde douche froide pour une COD qui a cru, jusqu’à la réapparition du président Aziz, mardi dernier, en compagnie du président François Hollande, que son heure était venue.

L’opposition, dans ses manœuvres pour faire accepter la « vacance » du pouvoir a péché en ignorant qu’il y avait un parti au pouvoir qui, quoi que non soutenu efficacement par le reste de la majorité présidentielle, n’accepterait pas de se laisser déposséder si facilement. La fébrilité dont a fait preuve l’Union pour la République (UPR) tout le long de ces quarante jours d’absence du Chef, n’était peut être qu’un élément de cette stratégie du pouvoir consistant à enfoncer la COD dans ses illusions d’être toute proche d’atteindre son objectif pour que le réveil soit encore plus dur. N’est-ce pas ce que le vice-président du parti au pouvoir, Mohamed Yahya Ould Horma, a laissé entendre, mardi, après la réapparition du président Aziz, à l’Elysée, en recommandant à la COD de surseoir à son meeting du mercredi, parce que, disait-il, se serait une « erreur politique ».

Que faire maintenant ?

On ne le dira jamais assez, c’est le président Ould Abdel Aziz qui jugera de la suite à donner feuilleton de la crise politique en Mauritanie, après avoir baissé les rideaux sur celui de sa maladie. Il faut maintenant penser, sérieusement, à l’organisation des élections municipales et législatives parce qu’on ne peut quand même pas penser laisser des députés et sénateurs élus pour cinq ans en faire le double ! Surtout que la législature en cours est incontestablement l’une des plus tumultueuses – mais aussi des moins actives en termes de contrôle de l’action du gouvernement. Si l’on excepte les protestations et tentatives de l’opposition (dans ses deux composantes), on peut même assimiler l’actuel parlement à une simple chambre d’enregistrement, tous les projets de loi présentés par le gouvernement ayant été pratiquement adoptés, malgré que certains aient été jugés par des spécialistes de portées préjudiciables aux intérêts du pays et des citoyens.

Autant dire que seule la volonté du président Aziz peut maintenant mettre un terme à cette situation insolite devenue embarrassante, même pour les partenaires au développement de la  Mauritanie. N’est-ce pas ce qu’il faut lire, à travers les propos de l’ambassadeur-délégué de l’Union européenne, Hans-Georg Gerstenlauer, dans une interview accordée récemment au journal « Le Calame » : « Personnellement, je suis d’avis que la tenue des élections législatives et municipales, qui aurait dû avoir lieu il y a un an et dont, aujourd’hui, nous ne connaissons pas encore la date, devient, maintenant, urgente et prioritaire: il est temps de demander au souverain, c’est-à-dire chaque électeur, son avis sur le futur politique du pays et sur les personnes qui le représenteront dans l’Assemblée nationale et sur le plan local. En effet, la légitimité des élus actuels et, par conséquent, leurs décisions sont de plus en plus remises en question. » Si les protestations qui fusent de part et d’autre de la société ne  provoquent aucune réaction au niveau de la classe politique, ce message de l’un des plus importants partenaires de la Mauritanie, pour le règlement rapide de la crise, sera-t-il entendu ?

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