Mauritanie : le douloureux réveil de l’après-Tabaski

18 octobre 2013

Mauritanie : le douloureux réveil de l’après-Tabaski

Billets de 5000 UM (Crédit photo: Ahmed Bettar)
Billets de 5000 UM (Crédit photo : Ahmed Bettar)

La fête est maintenant derrière non. Ou plutôt non. Certes le mouton du sacrifice a bien été consommé, les beaux habits portés avec panache et parfois un brin d’orgueil et les rencontres entre membres d’une même famille, proches et amis vécus comme les meilleurs moments de la vie. Maintenant, les pères de famille sont laissés seuls face à l’après fête.

Et oui, les bobos ne font que commencer. Il faut solder toutes ces dépenses – extravagantes – qui ont occasionné des  « trous  » comme on dit dans les trésoreries des ménages et qu’il va falloir combler. Avec toutes sortes de gymnastiques. Devant l’immeuble de la banque BMCI, des pères de famille venus guettaient, à la veille de la fête, de possibles avances sur salaires comme cela a été fait pour l’Id Maouloud consacrant la rupture du ramadan. Et quand ils ont compris que les banques rechignent cette fois-ci à offrir de telles facilités à leurs clients, ils auront probablement recours à toutes les gymnastiques possibles et imaginables pour faire face à des dépenses de fête inéluctables, salaires ou pas.

Les privilégiés du secteur de l’éducation et de la santé

En Mauritanie, c’est connu, personne ne vit de son salaire. Tout le monde s’adonne au fameux « tieb-tieb » (système D) qui permet à de très nombreux fonctionnaires et agents de l’Etat d’arrondir leurs fins de mois. Après les fonctionnaires du ministère des Finances, du Développement économique, de la Justice et des établissements comme la SOMELEC (Société mauritanienne d’électricité), la SNDE (Société nationale d’eau), ceux des secteurs de la santé et de l’éducation sont considérés comme des « privilégiés ». Non pas parce qu’ils gagnent de gros salaires, mais parce qu’ils ont des opportunités dans le secteur privé. Les cliniques, pharmacies et écoles qui pullulent à Nouakchott fonctionnent à 90 % avec le personnel technique formé par l’Etat !

Un bon prof de maths, de physique ou de français gagne facilement un revenu mensuel de 500 000 UM (1250 euros) ! Les cours à domicile rapportent mais aussi les cours de rattrapage dispensés en groupe, aux heures du soir, dans les locaux de l’établissement. Médecins et infirmiers d’Etat brassent, eux aussi, leur business dans le privé et provoquent souvent la grogne de citoyens qui pensent que la santé est l’un des secteurs qui, avec l’éducation, souffre le plus de ce « double emploi ».

Ceci dit, il y a des pères de familles qui sont loin d’avoir les mêmes opportunités que celles offertes par le secteur privé aux enseignants et aux praticiens de la santé. Dans plusieurs cas, le système D ne fonctionne que passablement.

On ne prête aux pauvres…

Les revenus dépendent de plusieurs paramètres comme la circulation de l’argent à la veille des fêtes (dans les bourses de voitures, les ventes montent en flèche), la période (les vacances diminuent l’intensité des affaires à Nouakchott, tout le monde ayant « fui » vers la campagne) ou encore l’approche d’élections qui font que les riches sont plus enclins à prêter aux pauvres ! Comme en ce moment.

Parce qu’ils auront besoin de leurs voix le 23 novembre prochain pour occuper l’un de ces postes électifs qui sont l’un des meilleurs sésames auprès du pouvoir et partant le moyen le plus sûr pour récupérer la mise. Comme quoi, la politique est un investissement qui peut rapporter gros, surtout dans un pays comme la Mauritanie où le niveau de conscience du peuple se limite à la compréhension des luttes épisodiques entre ceux qui se réclament de la Majorité et ceux qui s’opposent au pouvoir.

Pour cette fête donc, les Mauritaniens bien que préoccupés par les futures élections, et les conséquences qu’elle peut avoir sur la gestion des affaires publiques, n’ont pas dérogé à la règle. Qu’on soit pauvre ou riche, le rituel des dépenses de fête a été respecté. Le présent comptait plus que l’’avenir et, maintenant que la fête est devenue du passé, l’on se soucie, paradoxalement, de son être-là qui ne peut pas attendre. Il faut manger et boire, payer sa facture d’eau et d’électricité, se soucier de la santé des enfants. Il faut survivre. Jusqu’à la prochaine fête.

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