( Mauritanie : de l’opportunisme politique

26 septembre 2013

( Mauritanie : de l’opportunisme politique

Taya, président de la Mauritanie de 1984 à 2005 (Photo: El Hourriya.net)
Maaouiya Ould Taya, président de la Mauritanie de 1984 à 2005 (Photo : El Hourriya.net)

 

Une précision d’abord : tout le « mal » que je vais dire d’une certaine élite politique rangée aujourd’hui du côté du pouvoir ne signifie pas, forcément, que j’applaudis l’opposition. Ou plutôt les oppositions. Elles aussi ont leur part de responsabilité dans la situation calamiteuse que connaît le pays aujourd’hui. Seulement, mon propos tient de l’actualité politique, de la frénésie qui entoure les élections municipales et législatives qui se préparent depuis deux ans, mais toujours entourées de mystères. Comme en 2006 et en 2009, Aziz joue admirablement bien sa partition. En deux temps. Préparer ses troupes au combat – aux élections – et déstabiliser le camp de ses adversaires politiques. C’est de bonne guerre. En politique, tous les coups sont permis. Surtout dans une « démogâchis » où les principaux acteurs se promènent d’un camp à l’autre suivant les circonstances. Opposants quand il n’y a pas d’élections en vue, pour faire monter les enchères. Comme la femme qui se fait désirer. Et subitement prêts à se renier quand les indicateurs de la bourse de l’opportunisme montent en flèche.

Ces gens-là apprendront, à leurs dépens, qu’ils sont loin de bonnes affaires. Non seulement ils montrent leur vraie nature, mais ils dévalorisent la politique qui, aux yeux du commun des Mauritaniens, devient une nouvelle branche du « tieb-tieb » qui s’apprend à l’école de l’opportunisme. Celui-ci rehausse et rabaisse selon les lois de l’offre et de la demande. Ceux qui ne peuvent plus supporter la longue traversée du désert acceptent la reddition. Après avoir négocié dans le plus grand secret les conditions d’un « retour aux sources ». Car ne croyez surtout pas que les nouveaux soutiens du pouvoir viennent de l’opposition. Ils sont, pour la plupart, des hommes et femmes du Système Taya. S’ils sont passés de l’autre côté, c’est qu’ils avaient cru, en 2005, que le changement était réel. Ou du moins possible à moyen terme. Ils ont manqué de clairvoyance. Comment croire qu’un homme qui a mis en danger sa vie, par deux fois, en menant deux coups d’Etat, sera disposé à sortir aussi facilement du jeu politique ? Surtout quand c’est lui qui détient les bonnes cartes : l’armée et le peuple.

Le tort de l’opposition est d’avoir mal apprécié cette donne essentielle dans l’équilibre des forces. Trop naïvement, et comme elle le faisait avec Taya, elle a compté sur « l’intelligence » pour vaincre la force ! Ce qui est une aberration. Les militaires mauritaniens ont prouvé qu’ils ont les deux à la fois. On oublie qu’ils ont passé plus de temps au pouvoir que les civils (1960-1978 et 1978-2009). Et qu’ils ont bien appris à faire le départ entre les « opposants par nature » et les opposants par opportunisme. Quoi de commun, en effet, entre un militant des causes justes, comme Messaoud Ould Boulkheir, un idéologue, comme Ould Maouloud, et cet ancien ministre du Pétrole du Comité militaire pour la justice et la démocratie (2005-2007) qui a tiré à boulets rouges sur Aziz avant de se raviser et revenir à de meilleurs sentiments, récoltant au passage, un obscur poste de conseiller auprès de l’homme qu’il fustigeait hier ? Certains diront que c’est cela la realpolitik, le bon sens, mais faudrait-il bien que l’homme retire du marché son livre pamphlet contre le président.  On ne peut pas soutenir une chose et son contraire (Noir et blanc, bon et mauvais) sans nous dire, clairement, qu’est-ce qui a changé dans l’essence des choses.

Que tous ceux qui s’empressent de changer de camp, à la veille des élections municipales et législatives, nous disent pourquoi. Enjeux locaux ? Pressions tribales ? Epuisement de leurs « butins » de guerre sous Taya ? Ce sont là de bons arguments. Si on a le courage de le dire. Mais surtout pas : « Après mûres réflexions, une longue observation de la scène politique nationale et prenant en compte l’intérêt suprême du pays », j’ai décidé…de me vendre. De plonger quoi !

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