2012 : Une année de « blessures »

Article : 2012 : Une année de « blessures »
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27 décembre 2012

2012 : Une année de « blessures »

Président mauritanien répond aux critiques par Magharebia via Flickr, CC
Président mauritanien répond aux critiques par Magharebia via Flickr, CC

L’année 2012 sera marquée, dans l’histoire de la Mauritanie, comme une année de blessures. Dont les plus importantes, les plus « marquantes », les plus singulières aussi, seront celles de la jeune fille Raja Mint Essyad, blessée gravement par le fils du président, par un tir à bout portant, dans une tragique nuit du 21 janvier 2012 et du président lui-même Mohamed Ould Abdel Aziz, qui subit le même sort, quand un officier de l’armée le prend pour cible, le 13 octobre 2012 au soir, près de la localité de « Toueila ».

Deux évènements qui concernent deux hommes aux destins liés, un père et un fils, une victime et un « bourreau » qui vont susciter toutes sortes de commentaires, animer les débats, transposer le social au politique et, pour finir, poser une question de justice et d’éthique. Comme Bedr, le fils du président, n’a pas été jugé pour son acte sans doute involontaire – ou du moins inconscient – l’officier flingueur (ou joueur au Far West) sera lui-aussi pardonné ! Jamais on n’aura mieux reconnu le principe qui dit que « l’erreur est humaine » mais le pardon, dans un cas comme dans l’autre, a, paradoxalement, suscité plus de polémique, plus d’incompréhension, que l’acte lui-même. Peut être bien que c’est la personnalité des protagonistes de ces deux histoires qui explique de telles attitudes. Mais, au fait, s’il ne s’agissait d’un président et de son fils, on aurait loué le « pardon » que le premier a accordé à un officier de son armée, sans chercher longtemps  à savoir si l’acte été délibéré ou non, et la solution à l’amiable qui a permis de juger l’acte de Bedr et qui renforce les mauritaniens dans leurs convictions religieuses que tout ce qui arrive tient du Destin des individus.

D’autres blessures, d’une autre nature, ont marqué l’année 2012. La disparition du président Moustapha Ould Mohamed Saleck, premier chef d’Etat issu de l’institution militaire, le 10 juillet 1978 qui, bien qu’ayant entrainé la Mauritanie dans cette terrible noria des putschs qui n’en finissent plus (le dernier en date est celui qui a porté l’actuel président au pouvoir), passe pour un homme de bien. Un valeureux officier qui est parti, quelques semaines à peine, après la disparition, dans des hôpitaux parisiens, de deux de ses compagnons d’armes, les colonels Mohamed Mahmoud Ould Deh et Ne Ould Abdel Malick, qui, furent tous deux chefs d’état-major de l’armée. Une blessure de l’armée donc, qui sera aussi ressentie par le clash de l’avion militaire qui a causé la mort de sept personnes quelques minutes seulement du décollage de l’aéroport international de Nouakchott.

Les « blessures » de la politique

La crise politique qui perdure, l’incapacité des dirigeants de la majorité et de l’opposition à parvenir à un compromis permettant au pays de retrouver un semblant de normalité institutionnelle « blesse » l’amour propre des mauritaniens. Ils se disent, avec raison, que la classe politique est incapable de se sortir du bourbier dans lequel elle est allée s’enfoncer. On tourne en rond, véritablement, depuis trois ans, sans savoir quoi faire, où aller et que dire à ceux qui se demandent jusqu’où peut mener l’amour du pouvoir ? Majorité et Opposition ne tiennent pas compte de ce qui fait l’essence même de la démocratie, à savoir le jeu des équilibres qui tient de l’intérêt du pays et des citoyens, pas de celui des hommes au pouvoir ou de ceux qui cherchent à les remplacer. Pour cela, ils doivent comprendre que les crises se gèrent et se règlent suivant la loi, certes, mais aussi, quand celles-ci ne sont plus opérationnelles, par des compromis. Comme en juin 2009. Ce n’est pas le fait que l’opposition de l’époque ait mal négocié les termes d’un Accord de Dakar qui a permis à l’actuel président de passer du statut d’un général putschiste à celui d’un président « démocratiquement élu » qu’elle doit avoir en horreur toute idée de compromis. Ce qu’elle doit éviter, ici et maintenant (et peut être demain) ce sont les compromissions qui aliènent les esprits et rendent impossible la durabilité de situations propices à l’action de développement ainsi qu’à l’exercice d’une démocratie véritable.

Le rôle de l’élite est ici primordial. L’élite intellectuelle s’entend. C’est elle qui doit empêcher les dérives de l’élite politique, à condition qu’elle ne se confonde pas avec elle. Et qu’elle aide le peuple à prendre conscience de son importance dans le jeu des équilibres mais aussi dans le choix des hommes appelés à prendre son destin en main.

On sait pourtant qu’une telle approche n’est pas facile dans un contexte mauritanien où d’autres paramètres, mieux ancrés et plus anciens, jouent à fond depuis que le pays a accédé à son indépendance. Tribu et capital commandent, en réalité, à tout le reste. Sans eux, l’élite intellectuelle et politique du pays n’a pas d’effets sur la plèbe qu’on rencontre, de plus en plus, dans les grands centres urbains, après avoir servi les rivalités tribales et régionales de ce que l’on continue encore à appeler aujourd’hui « la Mauritanie profonde ». Autant dire donc que, face à une telle situation, ce qui compte le plus c’est la capacité des mauritaniens de « se guérir » des blessures de 2012 pour entamer 2013 avec de réelles chances de sortir de la crise : En organisant des élections municipales et législatives libres et transparentes. Vivement 2013 donc !

 Medsnib

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