Au nom de l’article 38, je vous emmerde !

2 mai 2017

Au nom de l’article 38, je vous emmerde !

Art 38 : « le président peut consulter le peuple sur toute question d’intérêt national (photo : Sneiba)

Bon, je viens très en retard pour donner, moi aussi, mon humble avis sur la polémique en cours à propos des amendements constitutionnels. Un avis « inutile et incertain » certes, puisque ceux d’éminents constitutionalistes  ont été rangés dans l’escarcelle des querelles politiques en cours depuis 2008.

Ces amendements seront proposés donc au verdict des urnes le 15 juillet prochain. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz en a décidé ainsi. Bon, pardon, le gouvernement l’a annoncé en conseil des ministres ! Le Conseil constitutionnel ne se prononcera pas sur le recours à l’article 38 qui, selon un magistrat « retraité » et disparu de la scène depuis la fin de la transition militaire 2006-2007 et la « Rectification » (putsch) qui l’a suivie, permet au président de la République de consulter le peuple « sur toute question d’intérêt national ». Aujourd’hui, c’est le référendum sur les amendements constitutionnels et demain ça peut être quoi? Le troisième mandat? Le dixième ? La présidence à vie ? La royauté ? Puisque l’article 38 est « absolu », tout est permis. Pour le juge Ould Rayess, c’est la mort de la constitution, comme Nietzsche parlait de la mort de Dieu.

Les justifications du recours à l’article 38 relèvent de l’aberration. De notre « tieb-tieb », cet affairisme qui a gagné tous les secteurs de notre vie, et que nous avons transformé en moyen de « survie ».

Je ne dis pas que le président n’a pas le droit de consulter le peuple mais il y a la forme. Pour les amendements constitutionnels, vus comme une « question d’importance », les articles 99, 100 et 101 sont un passage obligé. La « gazra » (squat) qu’on est en train de pratiquer pour passer outre est un dangereux précédent en matière de loi. L’impression qui s’en dégage est que la partie devient le tout. Que le 38 est LA Constitution. Il permet au président de dire aux sénateurs « je vous emmerde », après le refus de ses amendements. Cet article « machin » ouvre la boîte de Pandore, je vous l’ai dit. Rien ne lui résiste puisqu’il est destiné à contrer « l’esprit des lois ».

Je ne préjuge pas de la nécessité des amendements proposés mais je dis que vue la manière dont ils vont être adoptés, nous sommes en face d’une infraction grave dont le pouvoir actuel se rend coupable. Et pour laquelle il sera jugé, tôt ou tard, au tribunal de l’histoire.

Partagez