Ma vie ne regarde que moi (2)

15 septembre 2016

Ma vie ne regarde que moi (2)

ma-vie-ne-regarde-que-moiC’est décidé, il ira chercher l’inspiration là où elle se trouve ; chez ces centaines d’auteurs dont les œuvres sont livrés, gratuitement, sous format électronique, par « livres-pour-tous ».

En prenant cette décision, Lahi avait ouvert la porte à des dizaines d’histoires, les unes plus palpitantes que les autres ; histoires qu’il avait lues quand la télévision et l’ordinateur n’avaient pas encore pris une place aussi importante dans son quotidien de prof de lycée.

Les noms d’auteurs se bousculent dans sa tête. Les grands classiques d’abord : Balzac, Zola, Hugo, Cheikh Hamidou Kane, Driss Chreib, Henri Lopes, Mammeri, Taher Ben Jelloun, Camus, Sartre… Ceux que les préparations de cours de terminales l’obligeaient à lire et à analyser pour ne pas paraître ridicule devant des élèves qui étaient plus portés sur les études que ceux d’aujourd’hui. C’était il y a vingt ans, pas maintenant où ces noms d’illustres auteurs laissent de marbre des étudiants dont la plupart disent n’avoir jamais ouvert un roman dans leur vie.

Lahi ne sut pourquoi mais il ne ressent plus cette envie d’écrire. En lui naissait celle, irrésistible, de redécouvrir ces trésors de la littérature francophone dépréciée par la vocation « scientifique » d’élèves qui aspirent à devenir pilotes de lignes, officiers, médecins ou ingénieurs. Au cours des trois dernières décennies, la nourriture de l’esprit avait cédé le pas à la puissance de ces professions auxquelles les nouvelles générations aspirent de manière quasi mécanique.

Lahi avait envie de redécouvrir ces œuvres non pas pour assouvir un désir personnel mais pour les exhiber  au monde entier. Forcer à les lire ceux qui disent n’avoir jamais pu terminer les premières pages d’un roman. Il écrira le roman de ces romans. Il se sentait petit pour penser égaler ces monstres de la littérature françaises mais c’était une manière, pour lui, d’oublier trente ans d’échecs.

Lahi ne tenait pas compte, dans cette souvenance du désespoir, de ses années de jeunesse. D’ailleurs, entre onze et vingt-ans, il avait connu ce que tout jeune de son âge considérait comme l’âge d’or.

« Si l’écriture ne me réussit pas, j’aurais au moins pris du plaisir à relire ces belles œuvres », pensa Lahi. Et, sans tarder, il se déconnecta de son compte facebook pour aller directement sur le site livres-pour-tous.

 

 

 

 

 

 

 

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