«J’ai servi 63 ans ce pays qui me prive d’un passeport», récit d’un octogénaire

6 mars 2016

«J’ai servi 63 ans ce pays qui me prive d’un passeport», récit d’un octogénaire

Djibril Zakaria Sall, Commissaire principal à la retraite (photo : cridem)
Djibril Zakaria Sall, Commissaire principal à la retraite (photo : cridem)

«On me prive de mon droit d’obtenir un passeport, après que j’ai servi mon pays pendant 63 ans, 9 mois et 23 jours», s’indigne un vieux de 77 ans, promotionnaire de deux anciens présidents mauritaniens, à savoir Mohamed Khouna Ould Heidalla et le colonel Mahmoud Ould Loli.

L’octogénaire, ou presqu’octogénaire, du nom de Jibril Zakaria Sall raconte d’abord, à Alakhbar, son vécu « paisible» dans son village à Haayré Mbar, situé à 30 kilomètres de Boghé, depuis sa retraite: « J’ai deux amis: mon chapelet et mon jardin que j’arrose tous les matins ».

Djibril Zakaria Sall rappelle d’ailleurs son habitude de raconter à ses enfants: « Combien j’ai servi ce pays ! J’ai eu à occuper plusieurs postes de responsabilité tant sur le plan sécuritaire que culturel».

Aussitôt, un sentiment de colère s’invite dans les souvenirs de l’octogénaire : « J’ai jamais pensé qu’un jour ce pays, que j’ai tant servi, me privera d’un passeport pour passer quelques jours chez mon fils aux Etats-Unis»

Le calvaire du vieux Djibril commence en décembre dernier, après que le centre d’état civil de Sebkha (Nouakchott) a rejeté sa demande d’obtenir un passeport.

“Je leur ai présenté les papiers (d’enrôlement à l’état civil biométrique) de mes sept enfants qui vivent en Mauritanie en plus des papiers d’enrôlement d’un petit frère.

Mais ils (état civil) exigent encore les papiers de mes quatre autres enfants qui vivent à l’extérieur. Ces derniers ont dépassé la quarantaine et s’occupent plutôt de leur vie. Je ne sais pas s’ils se sont fait enrôler»

Et le vieux Djibril de s’étonner : «Comment peut-on exiger à un père de prouver sa nationalité à travers les documents de ses enfants et non le contraire ! »

L’octogénaire va toutefois accepter de signer, sur demande de l’état civil, un engagement de présenter, dans l’avenir, les papiers d’enrôlement de ses enfants vivant à l’étranger. «Mais mon engagement n’a pas empêché un second rejet de ma demande, le 26 février dernier ».

Jibril Zakaria Sall dit n’avoir pas une explication de ce qui lui est arrivé, mais promet: « Je ne permettrais à personne de douter de ma mauritaniété. Je suis plutôt un modèle à copier dans ce pays. C’est ceux qui m’ont empêché d’avoir mon passeport qui doivent douter de leur mauritaniété»

Je suis né à Rosso, le 23 avril 1939. Mon bulletin de naissance c’est le numéro 11 de l’année 1939.

Tout le monde me connait dans ce pays. Je suis le promotionnaire du président Mohamed Khouna Ould Haïdallah. Nous avons fait le collège Xavier Coppolani de Rosso. Et j’ai été dans la même classe que le colonel Mahmoud Ould Loli.

Je suis également écrivain et poète. Les étudiants de la Faculté des Lettres de l’Université de Nouakchott travaillent mes textes, depuis 2008.

J’ai représenté la Mauritanie à la CEDEAO pendant 12 ans comme directeur du Département des affaires sociales et culturelles.

J’ai était détaché au Ministère de la Culture de 1975 à 1977 pour le Festival des Arts Nègres.

J’ai signé moi-même des passeports en tant que directeur adjoint de la Sûreté.

J’ai été commissaire central de Nouakchott. J’ai été commissaire de police de Zoueirat, de Rosso, d’Atar et directeur régional de la Sûreté à Atar.

J’ai été chef de la brigade mobile d’Aioune en 1963. J’ai était directeur de la police judicaire et directeur de la Sécurité publique».

Face, aujourd’hui, à « l’injustice » dont il se dit subir, le vieux Jibril Zakaria Sall brandit cette arme: « Je vais rester chez-moi, comme j’ai fait depuis ma retraite. Je vais arroser mon jardin et égrener mon chapelet ».

Alakhbar a rencontré le vieux Jibril Zakaria Sall, vendredi 4 mars, au lycée de Sebkha, où il dispensait un cours d’Anglais bénévole à des élèves.

 

Source : alakhbar

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