Mauritanie : Combien de « mandha » pour Aziz ?

5 juin 2015

Mauritanie : Combien de « mandha » pour Aziz ?

Visite du président Aziz à l'intérieur du pays (Photo : AMI)
Visite du président Aziz à l’intérieur du pays (Photo : AMI)

Avant l’avènement de notre « démo-gâchis », en 1992, suite à l’historique Discours de la Baule, un « mandha » sonnait, en Mauritanie, comme synonyme d’argent. Recevoir un « mandha » (le mot se prononce ainsi en hassaniya) était toujours une heureuse nouvelle.

Mais depuis que les mauritaniens vont aux urnes, ils ont utilisé ce terme plus pour parler élections que pour évoquer cet ancien usage. D’ailleurs, la poste, par laquelle arrivaient les « mandha », souvent de l’étranger, ou de Nouakchott vers l’intérieur du pays, a quasiment disparu aujourd’hui à cause des banques et autres moyens de transferts beaucoup plus rapides. Mais revenons au sujet qui préoccupe actuellement en Mauritanie : les tournées du président Aziz dans les différentes wilayas du pays et cette quête, supposée ou réelle, d’un troisième « mandha » !

Alors que le rais ne rate aucune occasion pour dire qu’il respectera la constitution (qui limite les mandats présidentiels à deux), certains de ses soutiens commencent à lui demander, lors des incontournables « réunions des cadres », de se représenter pour un troisième, un quatrième et même autant de fois qu’il le veut, pour « parachever ce qu’il a déjà commencé ». Un son de cloche qui inquiète. Une brèche qui s’ouvre devant le président Aziz pour prolonger son pouvoir qui dure maintenant depuis dix ans ! Et oui, ça on a tendance à l’oublier.

 

Aziz, tel le sphinx…

 

Aziz a bénéficié d’un demi-mandat entre 2005 et 2007. Certes, le président de la transition militaire de l’époque était bien le colonel Ely Ould Mohamed Vall, porté à la tête du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) mais Aziz, qui continuait à commander le Basep (garde présidentielle) avait son mot à dire dans la gestion de cette période transitoire. Son légendaire « véto » à la prolongation de la présidence d’Ely, par un « vote blanc » renvoyant dos à dos les candidats Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah, est évoqué encore aujourd’hui par ses partisans comme une attitude de refus d’une possible « déviation ». Un autre demi-mandat, entre mars 2007 et août 2008, quand Aziz jouait en quelque sorte le rôle de copilote aux côtés de Sidi, « premier président démocratiquement élu ». Un étrange attelage entre un général et un civil qui allait prendre fin, au bout de quinze mois, quand Sidioca a voulu « se libérer » de l’étreinte des généraux en les limogeant d’un seul coup. Et puis, un retour à la normale, avec l’élection de juillet 2009. Un mandat plein et entier pour Aziz devenu « le président des pauvres ». Sa réélection en 2014 n’a été qu’une simple formalité. En principe, son mandat court jusqu’à 2019 mais on a comme l’impression que lui et ses soutiens veulent déjà préparer l’avenir.

 

Dialogue à mi-temps

 

Ce qui est ingénieux de la part d’Aziz c’est d’avoir réinventé cette histoire de dialogue et de probable troisième « mandha ». Alors que lui pense à « l’après », l’opposition reste fixé sur l’avant. Un avant qui date de dix ans ! Une sorte de « Aziz nous a trompé ». En 2005, en 2007, en 2009 et en 2014. Il est certainement aussi entrain de le faire en proposant à l’opposition ce dialogue qui l’immobilise, lui fait adopter une attitude d’attente et surtout de prudence. Après l’annonce du dialogue, l’opposition a attendu deux mois pour entamer les premières négociations. Puis, il a fallu également attendre la première réponse, la première réunion avec le groupe de la majorité. Et, aujourd’hui, il faut probablement attendre que le président ait fini ses visitations à l’intérieur du pays parce qu’il prend toujours soin de se faire accompagner par le négociateur en chef de la majorité, le très discret ministre secrétaire général de la présidence, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Ainsi, le temps passe. Et celui des visites pourrait bien être mis à profit pour trouver la parade. Car la situation difficile que traverse aujourd’hui le pays, sur le plan économique et social, oblige le pouvoir à « contenir », par tous les moyens, une opposition qui ne tire sa force que des faiblesses (disons les erreurs) du régime en place.

 

 

 

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