Mauritanie-Algérie: Clash diplomatique par « voix » de presse

4 mai 2015

Mauritanie-Algérie: Clash diplomatique par « voix » de presse

Aziz et Boutefligha (Photo: google)

Décidément, entre le président Aziz et la presse mauritanienne c’est le désamour total. A peine rentré d’une harassante tournée dans les wilayas de l’Assaba et du Gorgol, il convoque les présidents des associations de presse et, alors que les invités du raïs lui énumèrent les mille et un problèmes que rencontre leur corporation, il calme leurs ardeurs en leur disant qu’il les met en garde contre toutes accointances avec une puissance étrangère. C’est une allusion on ne peut plus claire au clash diplomatique entre la Mauritanie et l’Algérie, dont la cause directe est un article publié dans un journal de la place et dont la source serait un diplomate algérien expulsé depuis.

Évoquant cette affaire, le président mauritanien aurait déclaré détenir la liste de tous les journalistes qui reçoivent de l’argent de l’étranger !  Et bien que ce ne soit pas la première fois que cette accusation est lancée, elle a eu l’effet d’une bombe. Comme le zéhéros de Williams Sassine, le président Aziz n’est pas n’importe qui. Sa parole est vérité pour tous ceux qui considèrent qu’un président est une sorte de surhomme. Pourtant, cette attaque contre la presse est loin d’être fortuite. Elle survient à une semaine d’une conférence de presse que la présidence veut réussir à tout prix pour laver l’affront de celle de mars dernier qui a vu le président perdre son sang froid face à un journaliste que d’aucuns ont trouvé trop zélé alors que les adversaires politiques de l’homme fort de Nouakchott en ont fait leur héros du moment. Un journaliste qui a osé contrarier le Rais et l’obliger à ordonner l’arrêt de la retransmission en direct de sa conférence de presse.

Si le président a presque dit « vous êtes des vendus » aux représentants des associations et regroupements de presse venus le rencontrer, cela ne peut qu’exacerber les tensions entre lui et des journalistes qui pensent que l’Etat ne fait rien pour les aider. Et signifier à ceux qui seront en face du président demain, 5 mai, que ce sera coup pour coup. Si l’un d’eux s’évertue à aller trop loin, comme Wadiaa de la télévision « Mourabitoune », en soulevant l’une de ces questions qui fâchent, il peut s’attendre à ce qu’on l’accuse de travailler pour le compte d’une puissance étrangère comme le Maroc ou l’Algérie. Récemment, un journaliste mauritanien a été arrêté puis libéré après avoir provoqué le clash diplomatique entre Nouakchott et Alger. A l’origine, une information accusant le Maroc d’inonder la Mauritanie de drogue. Dite, semble-t-il, sous le sceau de la confidence par le président Aziz à un émissaire du secrétaire général de l’Onu de passage à Nouakchott, l’information aurait été filée par un diplomate algérien au journaliste mauritanien dans le but de nuire à des relations mauritano-marocaines qui, de toutes les façons, ne sont pas au meilleur de leur forme depuis 2009. Nouakchott se méfie, sans le dire vraiment, de son puissant voisin du nord qui a accordé refuge à l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouammatou qui, bien que cousin du président Aziz et l’un des artisans du coup d’État contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, a très vite pris ses distances avec un régime dont le chef n’en fait qu’à sa tête. La chute de Blaise Compaoré a aussi poussé un autre farouche opposant à Aziz, Moustapha Ould Limam Chavii à déposer ses valises dans le royaume chérifien.

La situation s’est aussi compliquée, concernant les relations avec l’Algérie, avec l’expulsion manu militari, par Nouakchott, d’un diplomate de ce pays. Alger a réagi en renvoyant l’attaché militaire de l’ambassade de Mauritanie. Cette affaire qui actuellement fait les choux gras de la presse à Nouakchott, est sans doute pour quelque chose dans la mise en garde présidentielle adressée à des journalistes souvent accusés de parti pris en faveur de l’opposition. Il suffit de voir comment cette presse couvre les visites présidentielles pour s’en convaincre. Le Calame, l’Authentique, Alakhbar, El hourriya, Cridem, Tawary, le Rénovateur, Essirage, El emel, l’Eveil Hebdo, pour ne citer que les journaux et sites les plus lus en Mauritanie ne sont jamais tendre avec un pouvoir dont l’une des rares qualités est pourtant d’avoir favorisé la liberté de la presse. Ceci expliquant cela, on ne s’étonne pas que la présidence se trouve obligée, très souvent, de choisir avec prudence « ses » journalistes quand il s’agit d’accompagner Ould Abdel Aziz dans ses voyages à l’étranger, ses tournées à l’intérieur du pays ou lui donner la réplique, sans le contrarier, quand il décide d’organiser une conférence de presse. Ce 5 mai, on verra  bien si toutes ces précautions auront servi à quelque chose face aux trois journalistes Mohamed Fall Ould Oumer (la Tribune), Zeinebou Mint Erebih (Al jazeera) et Moussa Ould Samba Sy (Le Quotidien de Nouakchott) que le site Tawary a livré, citant une source sûre, comme les « élus » de cette deuxième sortie médiatique du président Aziz en l’espace d’un mois.

 

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