Lettre ouverte au président Aziz : Pour ne pas compliquer « l’affaire Biram »

12 décembre 2014

Lettre ouverte au président Aziz : Pour ne pas compliquer « l’affaire Biram »

Biram Dah Abeid, président d'IRA (Photo: google)
Biram Dah Abeid, président d’IRA (Photo: google)

Monsieur le président,

Beaucoup ont déjà écrit dans ce qui est devenu aujourd’hui « l’affaire Biram » mais à des fins uniquement partisanes. Pour ou contre l’incarcération du président de l’Initiative pour la résurgence d’un mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) et ses camarades. Certes, ce n’est pas la première fois que cet homme, qui dit défendre la cause des Haratines en Mauritanie et dénonce l’esclavage dont certains continuent encore à subir les affres, goûte aux incommodités de la prison, mais son arrestation d’il y a un mois risque d’avoir des conséquences très lourdes pour le pays.

Monsieur le président,

Si l’on s’achemine, véritablement, vers un procès l’on risque de faire à la Mauritanie une mauvaise publicité dont elle n’a pas besoin. Vos conseillers vous ont-ils dit, réellement, ce que cela fera comme tintamarres à l’extérieur, dans des contrées qui ignorent tout de la Mauritanie, et qui apprendront, par voie de presse, qu’un procès d’un autre âge a cours dans notre pays ?

Biram a toujours parlé de l’esclavage. Il a toujours dénoncé et même menacé mais votre pouvoir a toujours eu la sagesse d’inscrire ses écarts de langage dans le cadre de cette liberté d’expression qui vous est chère. C’était incontestablement l’un des points forts de votre politique : laisser les hommes politiques et les défenseurs des droits de l’homme dire ce qu’ils pensent mais ne pas faire ce qu’ils veulent.

Monsieur le président,

Il faut que cesse, une fois pour toutes, l’exploitation dans tous les sens de la question de l’esclavage. Il faut surtout que cesse cette implication intéressée des Haratines rangés du côté du pouvoir, qui n’interviennent dans ce genre de débat que pour des faire-valoir. A la radio, à la télévision, dans les sites et les journaux, ils se ridiculisent en niant une réalité que vous-mêmes avez reconnue en créant l’agence Tadamoun (Solidarité) et les tribunaux chargés de juger les cas d’esclavage, justement pour que cessent ces pratiques d’un autre âge et pour que leurs victimes retrouvent un semblant de dignité.

Monsieur le président,

Biram et son organisation ne constituent pas un danger, contrairement à ce que l’on essaie de vous faire croire. Tout simplement, parce que la majorité des Haratines, pour ne pas dire des mauritaniens tout court, ne partagent pas son approche. Les questions d’intérêt national ne peuvent être réglées que par les mauritaniens dans leur ensemble et l’on doit se réjouir de voir que la question de la lutte contre l’esclavage, ou de ses séquelles, pour ne pas ne pas verser dans une querelle de terminologies, est en train d’être assumée par tous.

Monsieur le président,

Maintenir Biram en prison, le condamner ou le tuer même ne constitue pas LA solution, comme certains essaient, vainement, à vous le faire croire. Vous risquez, tout au plus, de donner plus de poids à son combat sur le plan international. Et je ne sais si vos conseillers vous ont dit qu’il fait aujourd’hui la Une du Foreign Policy, aux USA, de l’Obs en France et de Jeune Afrique. Le meilleur moyen de le « contenir » est de le laisser libre de ses mouvements et de continuer à agir dans le sens de la « réparation » de préjudices subis par une communauté mais dont vous n’êtes nullement responsables. Toutes autres actions sont faites contre vous, dans l’unique objectif de travestir votre parcours, exactement comme cela a été le cas pour Taya, avec l’arrestation de Cheikh Deddew, le 25 avril 2005. Avec les conséquences que l’on sait.

Sneiba Mohamed

Journaliste free lance

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