Mauritanie : les défis du second mandat d’Aziz

1 juillet 2014

Mauritanie : les défis du second mandat d’Aziz

Le président Aziz (Photo: google)
Le président Aziz (Photo : Google)

Réélu avec 81, 89 % des voix, Mohamed Ould Abdel Aziz fait beaucoup mieux qu’en 2009. Certes, le contexte est loin d’être le même. Il avait en face de lui 19 candidats, dont les ténors de l’opposition radicale, en 2009, mais seulement 4 « figurants » en 2014. Sa victoire annoncée au premier tour était, en fait, contre le boycott auquel le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) avait appelé, menant une campagne parallèle à celle des soutiens du pouvoir pour un taux de participation élevé. Au sortir de la course, Ould Abdel Aziz arrive loin devant, avec un demi-million de voix, suivi par le militant des droits de l’homme, Biram Ould Dah Ould Abeid (8, 72 %) et Ibrahima Moctar Sarr  (4, 5 %) qui ne devance  Boydiel Ould Houmeid que de quelques centaines de voix. Lalla Mariem Mint Moulay Driss, la seule femme engagée – ou embarquée – dans cette présidentielle, ferme la marche avec 0, 49 % (moins de 4 000 voix) qui montrent, une fois de plus, que les Mauritaniens ne sont pas prêts à confier leur destinée à leur douce moitié.

Ceci dit, plusieurs enseignements sont à tirer de cette élection présidentielle qui permet à Mohamed Ould Abdel Aziz de rester encore cinq ans au pouvoir. Pour parachever son bilan « largement positif », affirment ses soutiens les plus inconditionnels. Mais ce second mandat constitue aussi le vrai défi pour Mohamed Ould Abdel Aziz. A l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comment, en effet, va-t-il gérer une crise sans fin ? Car, quoi qu’on dise, l’opposition radicale, rejointe par l’Alliance populaire progressiste (APP) de l’ancien président de l’Assemblée nationale (et nouveau président du Conseil économique et social), Messaoud Ould Boulkheir, ne baissera pas les bras si facilement. Elle pense même avoir repris des forces, après la débâcle électorale de 2009 et le passage à vide, pour raison de boycott, des dernières élections municipales et législatives. Sur quelque 1 322 000 inscrits, 659 000 n’ont pas voté (soit un peu moins de 50 %). Si on ajoute à ce chiffre celui d’un million d’électeurs « potentiels » (ceux en âge de voter mais qui n’ont même pas pris la peine d’aller s’inscrire), on pourrait prêter l’oreille aux dénonciations d’une opposition qui trouve qu’Ould Abdel Aziz « est très mal élu » avec « seulement 80 % du quart de l’électorat potentiel ». En dépit de cette fronde marquée par l’opposition, le Président veut croire à l’« unité nationale ».

D’impressionnantes réserves en devises

Pour son second mandat, le « président des pauvres », qui se veut le « président de la jeunesse » pour ce second – et dernier ? – mandat, s’est fixé la priorité de « consolider les acquis » et continuer à « construire » le pays, à « le sécuriser d’abord pour pouvoir bien le développer ». « C’est cela mon objectif, a-t-il dit et redit aux médias qui l’ont interrogé à l’issue du scrutin. C’est donc que sur le plan intérieur, le second mandat de Mohamed Ould Abdel Aziz ne sera pas de tout repos. Il aura, comme arguments massue pour taire les critiques, à continuer sur la même lancée en initiant des projets à impact social très fort dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et des infrastructures de base. Et Aziz semble disposer des moyens nécessaires pour mener une telle politique. Avec d’impressionnantes réserves en devises (un milliard de dollars en 2013 contre 237 millions en 2009), un taux de croissance de près de 6 % et un secteur minier en plein essor, il ne reste plus à Ould Abdel Aziz que de choisir l’équipe gouvernementale capable de traduire sur le terrain ses promesses électorales. Il aura à choisir entre reconduire l’actuel Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf, pour la troisième fois, ce qui sera vu comme un signe de grande confiance en l’homme qui connaît bien les arcanes de Bruxelles, siège de l’Union européenne, premier partenaire économique de la Mauritanie, ou à faire appel à celui qui a dirigé avec brio sa campagne, Sidi Ould Salem, brillant universitaire sortant des universités françaises. Sa nomination probable à la tête du gouvernement sert un double objectif : le renouvellement de la classe politique et le clin d’œil que le président Aziz ne cesse de faire aux couches défavorisées en Mauritanie.

Sur le plan extérieur, le président mauritanien aura également fort à faire. La présidence de l’Union africaine doit finir en beauté avec un accord de paix définitif au Mali et la prise de mesures importantes dans les deux domaines prioritaires que sont le chômage des jeunes et la sécurité en Afrique. Deux programmes qui nécessitent des financements conséquents dépassant les possibilités de l’UA mais que son président en exercice devrait pouvoir soumettre à Barak Obama lors du prochain sommet Afrique/Etats-Unis prévu en août prochain. Pour convaincre l’UE à apporter sa contribution à cet effort de développement et de paix dans le monde, Ould Abdel Aziz peut compter sur ses amitiés avec Paris dues à son engagement sans précédent contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Mali.

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