Autour d’un thé : la Mauritanie « comme elle va »

6 avril 2014

Autour d’un thé : la Mauritanie « comme elle va »

autour_d_un_theVous savez, l’impression, dans ce pays-là, qu’on est dans un éternel remake… Ça change en restant la même chose. Ça évolue en régressant. Les mêmes personnes. Les mêmes litanies. Les mêmes discours. Emmanuel Kant disait bien que l’habitude guide le monde.

J’ai envie de dire que la naïveté, la morosité et la monotonie guident la Mauritanie. Dites-moi quoi vous êtes, je vous dirai qui vous fréquentez, civil ou militaire.

Vous pensez que le Carrefour Ould Mah¹, c’est du nouveau. Ou que le jardin présidentiel est plus entretenu au temps de la Rectification qu’avant le départ de Maouiya. Ce sont toujours les mêmes âmes à la présidence. Les rôles sont juste inversés, comme dans une pièce de théâtre de mauvais goût.

La pyramide s’est même renversée, tête sur queue². Les serviteurs d’hier sont devenus les maîtres d’aujourd’hui, avec les mêmes valets, les mêmes dames, les mêmes as, les mêmes griots, les mêmes troubadours, les mêmes mesquins, les mêmes malhonnêtes.

Partout où vous regardez, de bout en bout, de long en large, de fond en comble, c’est la même catégorie de personnes, les mêmes, toujours les mêmes. Une bande de caméléons qui changent de peau et de couleur à chaque occasion. Même ambiance, même méthode, même style. Rien à faire. Quoiqu’on dise. Pas la peine de faire dans l’hystérie. La nature est têtue.

A quoi sert-il de vouloir faire aller ce qui ne marche pas. C’est peut-être la faute de tous.  Civils et militaires. Majorité et opposition. Jeunes et vieux. Femmes et hommes. Responsables et irresponsables. Mauritaniens et assimilés. Les temps filent. Les temps meurent, en frivolités.

Rencontre avec les jeunes. Pourquoi pas rencontre avec les femmes. Rencontre avec les retraités. Rencontre avec les handicapés. Rencontre avec les personnes vivant avec le VIH. Rencontre avec les encaisseurs. Rencontre avec les gérants des bourses de voitures. Rencontre avec les tenanciers des bureaux de change. Rencontre avec les petits vendeurs du marché tieb-tieb. Rencontre avec les petits délinquants occasionnels du Terminus. Rencontre avec les enfants de Lemgheïty³, vers Dar Naïm. Rencontre avec les pauvres de Dar El Beïda. Rencontre avec les paysans. Rencontre avec les chauffeurs. Rencontre avec les pêcheurs.

Et en avant, jusqu’à la prochaine élection de juin prochain ! Qu’est-ce que cela fait de mentir à un président, publiquement ? L’induire en erreur, par une information sur laquelle il fondera tout son raisonnement. Cette histoire de salaires : un professeur toucherait-il 143 000 UM (350 euros) que cela fasse l’objet d’un débat sérieux retransmis en direct ? Comme il l’a dit, le président sait que certains touchent un million, d’autres 900 000, d’autre 36 000 et d’autres, rien. Et après, ce n’est pas lui, c’est les autres.

Les gens de l’UPR vous parleront des «tarakoumatt» (entassements ou accumulations), engendrées par les gestions antérieures des autres régimes. Mais ça viendra pour tout le monde. Quand tout ce petit monde mourra et qu’Allah héritera de la Terre et de tous ceux qui sont dessus et dessous, ça viendra. Qui patiente sera atteint par l’ombre. Allah est avec les patients. C’est entendu.

Les promesses, habituellement, ne servent pas à grand-chose. D’ailleurs, la marmite s’en accommode très mal. C’est, finalement, cette histoire de très énormes disparités, entre les traitements de fonctionnaires de même grade, qui s’est posée, à travers cet échange, fortuit, entre un président visiblement dépassé et une jeunesse tout aussi dépassée.

Les petites notes présidentielles – probablement écrites en français, soit dit en passant – doivent normalement être, maintenant, quelque part dans un coin de la présidence, à attendre. Avec leurs « copines » (comme disait cet ancien adjudant-chef de l’armée française) des autres rencontres avec le peuple, les jeunes entrepreneurs, les compétences nationales venues de l’étranger…

Peut-être qu’un jour ou l’autre, on les découvrira toutes mortifiées, dans un impeccable tiroir. Entassées, accumulées avec leurs « copines » et leurs « copains ». Un jour viendra. Un jour.

Sneiba El Kory (Le Calame)

1. Ancien maire de Nouakchott.

2. Traduction littérale d’un dicton hassaniya « raas ela ragba ».

3. Bidonville de Nouakchott.

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