Autour d’un thé: Mauritanie, le pays de l’éternel recommencement

19 mars 2014

Autour d’un thé: Mauritanie, le pays de l’éternel recommencement

Graffiti sur les murs de Nouakchott (Photo: Conscience et Résistance)
Graffiti sur les murs de Nouakchott (Photo: Conscience et Résistance)

Comment dit-on « finir en queue-de-poisson » ou en « cul-de-sac », en Mauritanie ? Il doit bien y avoir une expression pour cela, au sein d’un peuple qui ne finit jamais ce qu’il commence. C’est le mélange de genre. C’est pourquoi, de l’Indépendance à nos jours, rien n’a été terminé. Ni l’école, ni la santé, ni les routes, ni l’armée, ni rien.

Comme disait l’autre : « Moi, je n’ai pas rien ». Partout, dans tous les secteurs, c’est un éternel recommencement. Chaque fois qu’une oumma vient, elle injurie et « satanise » celle qui l’a précédée. Continuellement. Exactement comme l’esprit de ce préfet missionné, juste après le coup d’Etat de 1978, dans un des départements nationaux, Mederdra pour ne pas le nommer.

Première mesure : incinération de tous les documents trouvés sur place, en quelconque rapport, de près ou de loin, avec le 9 juillet 1978 et précédents. Pour lui, la Mauritanie venait de naître. Quelle différence y a-t-il, entre cet ancien hakem et les gens du système actuel ? A-t-on jamais entendu parler du Président Maouiya ou de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, depuis leur renversement ? Sauf à travers des critiques négatives de leur magistère.

Mais là n’est pas, fondamentalement, le problème. L’affaire, c’est le cul-de-sac et la queue de poisson. Ici, on ne finit jamais les choses. Elles commencent. Elles s’amplifient puis elles se dégonflent, avant de se ranger, en s’arrangeant. Vous avez dit exemples ? Merci.

Regardez bismillahi. Est-ce que l’affaire sur les commanditaires de la mort d’Ould Oubeid¹ a été close ? Dans quelles circonstances Sidi Mohamed Soumeydah² est-il décédé, dans un hôpital de Dakar ? Les enquêtes sur les tragiques crashs des avions de Bousseïf, de Tidjikdja 1 et 2… Le peuple ne sait rien de ce qui est arrivé au wali de Nouadhibou ni à l’avion qui le transportait.

La culture du blackout se poursuit, aujourd’hui encore. Des promesses sans demain ni lendemain ni après-demain. L’enquête sur l’affaire du petit avion militaire, loué à Tasiast, qui s’est écrasé, entraînant la mort de jeunes militaires, a fini en queue-de-poisson.

L’enquête, sur la balle de Toueïla, l’imbécile, la maudite qui a failli nous laisser sans président, a fini en cul-de-sac. Laquelle des centaines de thèses avancées est la vraie ? Motus et bouche cousue. L’enquête sur l’affaire des hommes d’affaires n’a pas abouti.

Cul-de-sac ou cou-de-sac ? Queue ou tête de poisson ? Finie, quand même, sans qu’on sache comment. Les enquêtes sur les conventions et les marchés, comme la convention de pêche avec les Chinois ou les quinze milliards prêtés, par la SNIM, aux groupes chargés de la réalisation de l’aéroport de Nouakchott, ça a fait quoi ?

Les enquêtes sur les graves révélations impliquant de hautes autorités, dans divers scandales de blanchiment d’argent ou de trafic de drogue, c’est encore la queue, le cul, le cou ou le pied ? En cela, tous les Mauritaniens sont les mêmes. Incapacité de finir ce qu’ils commencent.

Tout est en projet. Projet d’Etat. Projet de partis politiques. Projet de démocratie. Projet d’armée. Projet d’équipe nationale. Projet de Parlement. Projet de télévision. Projet de radio. Tout commence et finit comme ça a commencé.

Histoire d’inachevé. Affaire Ould M’khaïtir : enquête. Affaire profanation du Saint Coran : enquête. Tentative d’assassinat du sénateur de R’kiz : enquête. Vol d’un kilo de mandarine aux étals de la Polyclinique : enquête. Bagarre à Noukta Sakhina : enquête. Manifestation de Touche Pas à ma Nationalité à WouroSogui : enquête. Crevaison du pneu de la voiture du PM devant sa maison : enquête. Panne du haut-parleur de la mosquée saoudienne : enquête.

En cul-de-poisson ou en queue-de-sac. Mais ce qui est sûr, c’est que, derrière tout ça, y a la main de l’opposition : enquête.

Sneiba El Kory (Le Calame)

 1. Premier maire d’Atar assassiné le 8 novembre 1960.

2. Chef du mouvement des Kadihines (maoïstes) mauritaniens au début des années 70.

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