Remaniement en Mauritanie : élections, pluies et dosages politiques

19 septembre 2013

Remaniement en Mauritanie : élections, pluies et dosages politiques

Sur le remaniement: Une du site Elhourriya
Sur le remaniement : Une du site Elhourriya

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz a encore pris de court tout le monde. Au moment où les Mauritaniens avaient comme sujet de débat les inondations à Nouakchott et l’inaction du gouvernement, il prend la décision de « rebattre », pour la troisième fois depuis son élection en juillet 2009, l’équipe gouvernementale tout en laissant à sa tête le Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Un PM vraiment inoxydable, comme on en a jamais vu même du temps de Taya. De telle sorte que des gens comme moi commencent à prendre très au sérieux la formule préambule de toute remaniement : « Par décret en date de ce jour et sur proposition du Premier ministre, sont nommés ». Malgré son effacement en train de devenir une sorte de marque de fabrique, le Premier ministre que Mohamed Ould Abdel Aziz s’est choisi depuis son coup d’Etat contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est en train « d’enterrer » tous ses adversaires politiques. Que de « campagnes », par médias interposés, ont été menées pour pousser le raïs à la changer. Avec des arguments aussi niais les uns que les autres : « Il était là lors du coup d’Etat-rectification, donc il faut le remercier pour faire oublier ce mauvais souvenir » ; « il manque de poigne pour diriger, dans le bon sens, une équipe de ministres fainéants pour la plupart » ; « il s’occupe à placer les hommes de sa tribu aux bons postes » ; « il, il, il… ». Et beaucoup d’autres « défauts » que le président Aziz ne voit apparemment pas puisqu’il s’obstine à garder SON Premier ministre. Contre vents et…pluies !

Justement, les pluies ! Ce sont-elles, oui, ou non, qui ont eu raison du désormais ex-ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Mohamed Lemine Ould Aboye, remplacé à ce poste par Ahmed Salem Ould Bechir, directeur général de la Société mauritanienne d’électricité (Somelec), jusqu’à sa nomination ? On peut penser que oui. Il a servi de fusible pour essayer de faire taire le déluge de critiques qui se sont abattues sur le gouvernement en même temps que les pluies dont les dégâts collatéraux sont encore là, bien visibles, une semaine après.

Quartier sinistré à Nouakchott (photo: Sneiba)
Quartier sinistré à Nouakchott (photo : Sneiba)

Un autre ministre, d’Etat celui là, a peut être aussi servi de bouc émissaire. Ahmed Ould Bahiya est parti mais on peut être sûr que ce n’est pas la fin des problèmes de l’Education qu’on lui mettait, à tort ou à raison, sur le dos. Une bonne décision tout de même est celle de « libérer » les ministères délégués pour qu’ils retrouvent leur plénitude : Enseignement supérieur et recherche scientifique, avec Isselkou Ould Ahmed Izidbih, qui était directeur de cabinet du président de la République. Perd-il au change en perdant la proximité avec le raïs ? Bon, les avis divergent. Enseignement secondaire avec  Oumar Ould Maatalla, également secrétaire général de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie. Sans doute encore un bon choix puisque le ministre qui a été confirmé à ce poste est issu du secteur (il est inspecteur de l’enseignement secondaire) et a passé des années à enseigner dans les collèges et lycées de Mauritanie. Débarrassé de la « tutelle » d’un ministre d’Etat qui, dit-on, avait souvent la tentation de tout gérer, il va certainement se mettre très rapidement au travail pour corriger le tir à moins de deux semaines d’une rentrée scolaire souvent à problèmes. Déplacé – « déporté » ! – du très lucratif secrétariat général du gouvernement au ministère de l’Enseignement fondamental, Bâ Ousmane perd certainement au change. D’aucuns voient là un coup fourré du Premier ministre qui veut avoir un presque « novice », en la personne de Dia Moktar Malal qui ne doit certainement pas regretter les quelques mois passés à la tête du ministère délégué auprès du ministre d’Etat chargé de l’enseignement fondamental, sous le joug d’un Ould Bahiya pressenti pour le poste de dircab du président. On verra bien.

Que peut-on dire d’autre sur ce remaniement ? Que le nouveau ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Ahmed Teguedi, est un ancien ambassadeur de la Mauritanie en Israël ? Les anti-Aziz ont voulu voir en cela une sorte de « reniement », l’actuel président de la République étant celui qui a « osé » rompre les relations diplomatiques de la Mauritanie avec l’Etat hébreu ! Ce ressentiment et cette volonté d’exploiter ce retour aux « affaires » d’Ould Teguedi contre Ould Abdel Aziz est d’autant plus fort que le ministre de l’Enseignement fondamental a servi, lui aussi, comme comptable à l’ambassade de Mauritanie en Israël. Bon, il faut peut être demander au député Khalil Ould Tiyib ce qu’il en pense, lui qui ne rate aucune occasion pour rappeler que c’est Aziz qui a mis fin à la présence d’une représentation diplomatique d’Israël en Mauritanie.

Il y a aussi que nous les Haratines – oui, oui, vous avez bien entendu – on n’est pas content du tout. Dans cette histoire de « gagner ou perdre au change », on a été floué. Deux ministres « dégagés » (Intérieur et Justice) font partie de notre communauté. La logique des dosages voudrait que les postes reviennent à des membres de cette communauté pour remplacer Mohamed Ould Boillil (Intérieur et décentralisation) et Abidine Ould El Kheir (Justice). Mais bon, ce n’est vraiment pas mon raisonnement à moi qui ai toujours prôné qu’il y ait UN Mauritanien, qui peut être nommé là où il faut, en fonction de ses compétences et non pas de son origine sociale ou de la couleur de sa peau. L’espoir est-il permis ?

Étiquettes
Partagez