Mauritanie : l’opposition tente de reprendre la main

10 septembre 2013

Mauritanie : l’opposition tente de reprendre la main

Manifestation populaire en Mauritanie (photo : facebook)
Manifestation populaire en Mauritanie (photo : Facebook)

La Coordination de l’opposition démocratique (COD) a surpris tout le monde par sa volte-face. Alors que personne n’était prêt à miser une ouguiya contre un million sur sa participation aux élections municipales et législatives prévues le 23 novembre 2013, l’opposition radicale mauritanienne a annoncé sa disposition, pleine et entière, à dialoguer avec le pouvoir ! La COD a sans doute compris, un peu tardivement certes, que le pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz ne lui laisse pas beaucoup de choix dans ce que d’aucuns ont vu comme un piège : le boycott.

En effet, ne pas participer à ces élections c’est, à coup sûr, perdre la trentaine de sièges de députés (sur 95) et la dizaine de postes de sénateurs (sur 56) gagnés de haute lutte lors des législatives de 2006. C’est surtout le risque d’une longue absence de cinq ans d’un Parlement où le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) et ses alliés de la majorité présidentielle devraient se contenter de la présence symbolique d’une opposition modérée constituée des trois partis de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP) et des trois autres qui forment la Convergence patriotique (CP) et qui avaient boudé la majorité pour non implication dans les affaires de l’Etat.

L’acceptation du principe du dialogue ouvre donc la voie à des négociations pour revoir l’ensemble du dispositif électoral mis en branle, depuis 2011, par le pouvoir et ce que l’on appelle communément « l’opposition dialoguiste ». Des axes de réflexion sur ce qui peut être « revu et corrigé » on déjà été fixé par le président Ould Abdel Aziz lui-même, lors du « liqa’e echab » (rencontre avec le peuple) du 12 août dernier. Il avait laissé entrevoir la possibilité de revoir la configuration de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) formée sans la COD, la création d’un Observatoire pour le contrôle des élections et la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’Agence nationale des registres et titres sécurisés (ANRTS), maître d’œuvre de l’enrôlement sur lequel s’appuie la Céni pour mener le Recensement administratif à vocation électorale (Ranvec). Le seul point sur lequel le président Aziz ne cède pas, pour retrouver dans sa plénitude, l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, est la formation d’un gouvernement d’union nationale pouvant faire de la place à la COD. Comme en 2009. L’on pense cependant qu’un remaniement est inéluctable avant la tenue des élections. Parce que certains ministres, comme celui de l’Intérieur et de la Décentralisation, de la Communication et des relations avec le Parlement, de la Justice, sont pressentis pour porter le flambeau du parti au pouvoir aux élections législatives. Sans devoir nécessairement les faire remplacer par des « promis » de l’opposition modérée, Ould Abdel Aziz pourrait confier leurs ministères sensibles lors des élections, à des personnalités indépendantes susceptibles de rassurer la COD quant à la transparence et à la neutralité de l’administration.

En acceptant donc de participer aux élections, l’opposition cherche surtout à ne pas « perdre la voix » au sein d’un Parlement où, quoique largement minoritaire, elle a toujours su tirer son épingle du jeu lors des débats. D’aucuns pensent même qu’elle arrive à éclipser une majorité qui manque souvent d’arguments pour soutenir des mesures gouvernementales n’allant pas dans le sens de la vox populi.

La nouvelle stratégie de l’opposition consiste donc à reprendre la main, au niveau de l’usage qu’on peut faire de la parole. Sans aucun moyen de participer à la prise de décision ou de l’orienter, elle peut, tout au moins, dénoncer.

On peut donc s’attendre à une reprise des hostilités revigorée par le sentiment partagé par plusieurs opposants que le président de la République a le temps qui joue contre lui. A mesure qu’il dure au pouvoir, l’impression qu’il a placé la barre très haut, en promettant aux citoyens le paradis, devient conviction.

Mais si le pouvoir se rend compte que l’action qu’il mène sur divers plans pour convaincre de son efficacité et de sa capacité à apporter le  » changement constructif « , n’est pas probante, il sera obligé de revenir aux vieilles méthodes : diviser pour régner. Car aucun pouvoir au monde ne veut d’une opposition forte, même si celle-ci est tout de même nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.

 Et pour revenir aux nouvelles velléités de l’opposition, disons que c’est une coalition plus large qui enterre, pour le moment, ses particularismes pour faire face à un danger plus grand : celui du retour en force du Parti-Etat. Ou de l’Etat-parti. Le décor est à nouveau planté. Reste à savoir comment pouvoir et opposition vont jouer leur nouvelle partition.

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