Il était une fois le 10 juillet

11 juillet 2013

Il était une fois le 10 juillet

Moctar Ould Daddah, 1er président mauritanien (photo: Elhourriya.net)
Moctar Ould Daddah, 1er président mauritanien (photo: Elhourriya.net)

Le 10 juillet 2013 est passé hier mercredi dans l’indifférence totale des Mauritaniens. Bon, pas tout à fait puisque ce 10 Juillet coïncide avec le début du mois béni de Ramadan. Mais personne ne s’est rappelé ou presque que c’est en ce jour de l’année de grâce 1978 que l’armée de la République Islamique de Mauritanie, éreintée par la guerre du Sahara, avait décidé de déposer le président Moctar Ould Daddah, le « Père de la Nation » et principal architecte de la « Mauritanie Nouvelle ». Des indépendances (1960), pas celle qu’on tente, sans succès, de nous « vendre » maintenant !

Le 10 juillet que les militaires fêtaient comme le jour de l’indépendance nationale (28 Novembre), avant l’avènement du 12/12 (1984) quand le colonel Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya avait déposé le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, est redevenu un jour ordinaire. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Mais nos braves militaires sont toujours là. Même quand l’actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz avait troqué son uniforme de général contre son costume de président civil démocratiquement élu un certain 18 juillet 2009. C’est en tout cas l’impression qu’ont certains de la situation actuelle du pays mais c’est surtout l’avis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui pense le militaires n’ont jamais quitté le pouvoir et qui continue à appeler au « rahil » (départ) d’un Ould Abdel Aziz qu’elle voit toujours, à tort ou raison, dans ses atours de général !

Le fait qu’aujourd’hui le 10 juillet ne signifie plus rien pour les Mauritaniens est symptomatique d’un état d’esprit général : celui de la « normalité » de la vie politique actuelle, issue d’une succession de révolutions de palais mais qui n’exclut pas toutes sortes de crises où l’armée peut, d’un moment à l’autre, avoir son mot à dire. D’ailleurs, dans ses mémoires « La Mauritanie contre vents et marées », feu Moctar Ould Daddah fait remonter les appétits pour le pouvoir des officiers mauritaniens au-delà même du 10 juillet 1978 quand il écrit, que dès le début des années 70, et bien avant la guerre pour l’unité nationale, les services de renseignements et l’homme de la rue faisaient cas, de temps en temps, de coup d’état fomenté par certains officiers et prêt à être mis en exécution. Le caractère naissant de ces services de renseignements faisaient qu’on accordait peu de crédit à leurs « analyses » et informations sur la situation politique et sociale du pays.

Les informations les plus précises sur le « péril » venant de l’armée sont évoquées par feu Moctar Ould Daddah quand il évoque qu’en novembre ou décembre 1977, lors d’une visite à Marrakech, le roi Hacen II lui a clairement signifié qu’il détient des informations faisant cas d’un coup d’état qui se prépare en République Islamique de Mauritanie. La source de cette information serait un jeune mauritanien du nom d’Ould El Wavi, qui aurait divulgué ce secret à Me Bouabeid.

Ould El Wavi va par la suite consigner les mêmes informations auprès d’un membre de l’entourage du Roi Hacen II et ce dernier va proposer au président Moctar Ould Daddah une copie de cet enregistrement mais il refusera, préférant laisser l’étranger, fut-il un ami et un frère, à l’écart des affaires intérieures de la Mauritanie. Et Moctar de se demander dans ses mémoires : avais-je raison ou tort ? Seul Dieu le sait.

Les mêmes informations seront aussi rapportées à Moctar par son ami Mobutu, qui évoquera des indiscrétions recueillies à Bruxelles, auprès de l’opposition zaïroise, et qui évoque l’imminence d’un coup d’Etat en Mauritanie. Très précisément, ces informations  que Mobutu s’empresse à faire connaître à son ami, cite le nom de l’ambassadeur de Mauritanie au Zaïre, parent proche du commandant de la 6ème région militaire, le commandant Ahmedou Ould Abdel Kader chargée de la sécurité de la capitale Nouakchott.

Il savait mais il a laissé faire !

Tout indique donc que le président Moctar Ould Daddah était au courant que quelque chose se tramait contre lui. C’est encore lui qui évoquera dans ses mémoires que, le 8 juillet 1978 (soit deux jours avant le premier putsch en Mauritanie), Ahmed Ould Zeine, lui rapportera, lors d’une réunion du Bureau politique nationale, dont il était membre qu’un entretien avec Sid’Ahmed Ould Bneijara, la veille, laissait entendre que les militaires mauritaniens étaient sur le point de passer à l’action. Tous les chefs de l’armée seraient alors impliqués dans ce qui allait devenir alors, pour nous Mauritaniens, l’éternel recommencement. Il y aura d’autres « 10 juillet » qui feront de la Mauritanie le pays le plus « capé » en nombre de coups d’Etat sur le continent africain. Six ou sept en tout. Le dernier en date, contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, et le premier contre le président Moctar Ould daddah boucle-t-il la boucle de ces changements anticonstitutionnels en Mauritanie ? Rien n’est moins sûr. On continue encore, 35 ans après le premier coup d’Etat, à nous chercher, à remodeler cette démocratie imposée par la déclaration de la Baule de François Mitterrand,  en 1991, qui a obligé Taya a « civiliser » son régime militaire mais n’a pas empêché les militaires, quinze ans plus tard, à le pousser dehors à son tour. Un éternel recommencement, voilà ce à quoi pourrait mener l’implication de l’armée dans la politique si, réellement, nous ne comprenons pas qu’il s’agit plus d’un partage des rôles qu’une situation de conflictualité entre le politique et le militaire.

 

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