Parlement : Une session « ordinaire »

Article : Parlement : Une session « ordinaire »
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14 mai 2013

Parlement : Une session « ordinaire »

La deuxième session « ordinaire » du parlement mauritanien, pour 2012-2013, s’est ouverte lundi 13 mai 2013 avec

M. Messaoud Ould Boulkheir, président de l'Assemblée (photo: AMI)
M. Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée (photo: AMI)

beaucoup d’appréhensions. D’abord, ce terme « ordinaire » fait sourire certains, et grincer les dents chez d’autres, tant il est équivoque à plus d’un titre. Seule la majorité présidentielle soutenant le pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz croit encore être dans son « droit » de continuer à légiférer, au titre d’une législature largement dépassée.

Mais ce qui compte aujourd’hui ce n’est pas tellement d’entendre des discours récurrents sur la crise politique en Mauritanie, la responsabilité des uns et des autres, l’apologie du pouvoir en place en ce qu’il a de mieux comme réalisations, ou sa critique sur divers points. Les mauritaniens ont maintenant envie d’en finir avec la crise dont la manifestation la plus palpable est, justement, ce parlement incongru. L’ancien ministre des affaires étrangères Mohamed Vall Ould Bellal, qui affiche une neutralité politique pourtant mise en cause par ses déclarations hostiles au pouvoir actuel, à bien résumé la situation: la prorogation des pouvoirs du parlement par le parlement est une mesure constitutionnelle correcte mais elle a été effectuée « hors temps ». D’où la situation de malaise qui prévaut aujourd’hui. La question de la légitimité des parlementaires pose celle de la légalité des textes de loi qu’ils ont votés depuis l’expiation de leur mandat, en novembre 2011. On est dans une situation où le politique cède, de plus en plus, le pas au juridique, avec des conséquences incalculables d’ici la fin du mandat présidentiel et de la possibilité ou non pour Ould Abdel Aziz de se faire réélire pour un second quinquennat.

Dans cette optique, le pouvoir est conscient de la nécessité de battre le rappel des « troupes ». D’ailleurs, une rencontre entre le

M: Mohcen Ould El Haj, président du Sénat (photo: AMI)
M: Mohcen Ould El Haj, président du Sénat (photo: AMI)

président Mohamed Ould Abdel Aziz et les parlementaires de sa majorité était prévue au moment où s’ouvre cette session qui n’a rien d’ordinaire. Sans doute que le rais a senti l’impérieuse nécessité de revoir certaines choses qui clochent. Le départ de la Coalition des partis de la Majorité (CPM) de trois formations politiques (Adil, MPR, RD) est loin d’être aussi anodin qu’on le laisse penser. Politiquement d’abord, c’est un coup dur pour une majorité qui a besoin de stabilité à la veille d’élections municipales et législatives auxquelles le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) n’a jamais pris part, lui qui a une majorité parlementaire « héritée » des soubresauts de l’élection de 2006-2007 et de la « Rectification » de 2008. Il faut donc ces élections municipales et législatives non pas pour régler la crise politique qui dure mais pour que l’UPR affirme, par la voie des urnes, qu’elle détient bien la majorité, en son nom propre, au sein d’un parlement et de conseils municipaux qui reviennent de loin. Il faut aussi reconnaître  qu’en termes de représentativité, perdre trois à cinq députés ce n’est pas peu. Le passage d’Adil, du MPR et du RD devrait se faire ressentir par l’absence des voix d’élus comme Kane Hamidou Baba, Moustapha Ould Abeiderrahmane et Bâ Aliou Ibra qui soutenait jusqu’alors les programmes de développement du gouvernement. Et ce n’est pas rien quand on sait que, déjà, les critiques acerbes de la COD, au sein de l’Hémicycle, faisaient généralement mouche et que les élus de la majorité avaient du mal à se défendre.

Il faut souligner aussi que cette nouvelle session parlementaire arrive à un moment où l’entente entre la majorité et la Coalition pour une alternance pacifique (CAP) n’est pas très bonne, malgré l’accord de principe donné par la première à la possibilité de mise en œuvre de certains points de l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. C’est d’ailleurs ce qui justifie, peut être, cette sortie de la CAP, à la veille de l’ouverture de la deuxième session parlementaire, pour dénoncer le retard pris dans l’application de certains points essentiels du dialogue avec le pouvoir.

Dans un communiqué publié dimanche, soit vingt-heures seulement avant le retour des « débats » parlementaires, les partis de la Coalition pour une alternance pacifique (CAP) ont déclaré que le dialogue qu’ils ont mené avec le pouvoir, en novembre 2011, a constitué une avancée remarquable dans plusieurs domaines, comme la consolidation de l’unité nationale, les droits de l’homme et le renforcement des institutions démocratiques. Toutefois, la CAP ajoute qu’elle enregistre, avec regret, que des points importants de l’accord n’ont pas connu d’avancée dans leur application , notamment ceux liés à la bonne gouvernance, à la professionnalisation de l’administration et à sa neutralité, ainsi que l’incompatibilité de certaines fonctions avec la pratique de la politique. La CAP dénonce également certaines pratiques « persistantes » comme le clientélisme politique, le non respect des textes et l’utilisation excessive des moyens de l’Etat à des fins politiques, « surtout qu’on est à la veille d’élections qu’on veut être consensuelles, transparentes et libres ». Question inévitable qu’on pose alors: est-ce là les prémices d’une recomposition possible de l’opposition dans la perspective d’un nouveau rapport de forces avec le pouvoir? Sans présager des sujets qui seront abordés lors de cette session parlementaire et des préoccupations des uns et des autres qui restent toutes liées à la crise politique, toile de fond pour tout le reste, on peut dire que la session d’aujourd’hui est le véritable point de départ pour ce qui va arriver demain.

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