Mauritanie: Des élections pour sortir de la crise…ou la raviver

Article : Mauritanie: Des élections pour sortir de la crise…ou la raviver
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7 mai 2013

Mauritanie: Des élections pour sortir de la crise…ou la raviver

 

La Mauritanie vogue vers l’inconnu. Ceux qui soutiennent le pouvoir, à tort ou à raison, verront en cette

Jour de vote en Mauritanie (Photo : Google)
Jour de vote en Mauritanie (Photo : Google)

déclaration – non mesurée – une sorte de provocation. D’affirmation « gratuite » comme celles que répète, à longueur de journée et de nuit, une opposition désemparée par ses échecs, ceux de l’appel au « rahil » (départ) du président Aziz, et de l’incapacité de constituer un front uni capable de lui donner, pour une fois, la chance de l’espérance.

Mais, en réalité, il est temps que les Mauritaniens ouvrent les yeux. Ils n’ont plus à être de la Majorité ou de l’une des « oppositions » pour comprendre que la situation que traverse le pays est vraiment délicate. En dehors même des guéguerres auxquelles se livrent les politiques – et qui sont devenues une sorte d’amusement pour ceux qui désespèrent de voir la crise  finir, « en beauté » (par les élections), se sont, de plus en plus, les questions économiques et sociales qui préoccupent. On se dit, avec raison peut être, qu’on effectue un grand bon en arrière, avec cette résurgence d’idéaux que j’appellerais, sans connotation péjorative, de « particularistes ». Avec une bonne part de responsabilité du pouvoir. De tous les pouvoirs. Coup sur coup, le président de la République vient de recevoir une autre « dissidence » de l’Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA) et des représentants du Front de libération des Africains de Mauritanie (FLAM). Ceux qui y voient une « ouverture » d’Ould Abdel Aziz sur ses opposants, d’ici ou d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, occultent un aspect important de la question des rapports au pouvoir. Ce n’est pas le fait de « recevoir » qui est important mais de comprendre. Comprendre le sens de ces luttes, même si on croyait avoir fini avec de telles problématiques, quand le pouvoir nie l’existence de l’esclavage, et préfère parler de « séquelles » ou déclare avoir réglé, de manière quasi définitive, la question du passif humanitaire. Les contradictions du pouvoir sont son pire ennemi. Refuser à Biram Ould Dah Ould Abeid de tenir un certain discours, recevoir des gens qui étaient avec lui parce qu’ils l’ont quitté n’encourage-t-il pas ceux qui veulent faire de cette question un éternel recommencement? Ne faut-il pas privilégier, plutôt, cette volonté de certains Mauritaniens, appartenant à toutes les communautés nationales, d’œuvrer pour qu’il n’ y ait plus d’égards (au sens de privilèges) que pour Le Mauritanien. Celui qui a en lui la fierté de l’être, de payer ses impôts, d’œuvrer à l’unité nationale et au développement du pays. Qu’on mette un terme à cette idée de partage du pouvoir en fonction des tribus, des régions, des familles ou des appartenances idéologiques (bathiste, nassériste, flamiste ou autre). Tant que ces vieilles recettes qui ont fait les beaux jours de l’Ancien Régime sont encore regardées comme bonnes par ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, il n’y a pas d’espoir pour que la Mauritanie devienne un pays « normal ».  Pour que l’on ait l’impression d’avoir avancé, en cinquante ans d’existence, il faut que l’idée d’Etat, en tant que tel, devienne une pratique de tous les jours. Pour y arriver, il faut peut être que l’on arrête notre réflexion sur des réalités autres que celles de la politique politicienne, de la gérance de la crise au jour le jour et des marchandages qui ne sont que des solutions de « mi-temps ».

Face à ce qui se passe aujourd’hui, nous n’avons pas besoin d’organiser des élections municipales et législatives pour dire que la crise est réglée! Les élections, nous en avons fait, des dizaines depuis l’avènement de la « démogâchis » qui n’est, dans la réalité, qu’une transfiguration des propositions mitterrandienne lors  du fameux Discours de la Baule du 20 juin 1990. Organiser des élections n’est pas suffisant pour venir à bout de la crise, sinon on ne se débattra pas dans les problèmes nés de celles de 2005, 2008 et 2009. Ce qu’il faut, en réalité, pour que notre classe politique apprenne à mieux gérer nos « crises » c’est de comprendre que le pouvoir est un moyen non une fin. On le cherche, en principe, pour que nos idéaux de bonheur et de prospérité pour le peuple soient inscrits comme une contribution à l’effort de tous les Mauritaniens de bonne volonté dans ce qui est l’objectif ultime: bâtir un pays juste, démocratique et prospère. Ce qui ne peut se faire que quand on parviendra à comprendre que nous faisons aujourd’hui fausse route, en continuant à privilégier les vieilles méthodes d’une lutte pour le pouvoir basée uniquement sur la bipolarité Majorité-Opposition et sur les équilibres – ou déséquilibres – qui en résultent suivant les « saisons ».

Il faudrait donc, pour que les démarches entreprises aujourd’hui par les uns et les autres pour sortir de la crise ne soient pas un éternel recommencement, que l’on pense les élections en dehors de la crise. Elles doivent être organisées non pas pour mettre fin à la crise mais parce qu’on a trouvé un terrain d’entente pour y aller sereinement.

C’est pour cette raison, et pas pour autre chose, qu’un dialogue bis entre le pouvoir et la Coordination de l’opposition démocratique (COD) est nécessaire. Une élection, sans une entente préalable sur les modalités de son organisation, porte en elle les germes d’une nouvelle crise.

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