Mauritanie : La « généralisation » de l’armée

Article : Mauritanie : La « généralisation » de l’armée
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4 avril 2013

Mauritanie : La « généralisation » de l’armée

Généraux mauritaniens (Crédit photo : Points chauds).
Généraux mauritaniens (Crédit photo : Points chauds).

C’est maintenant à y perdre son latin. Un général, puis deux, quatre, sept, douze et dix-sept, je crois, aujourd’hui. Cette « généralisation » fulgurante de notre armée a commencé seulement en 2007, quand le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, fraîchement élu, promeut Mohamed Ould Abdel Aziz au grade de général de brigade et le nomme chef d’état-major particulier du président de la République. Une sorte de prime au mérite qui profitera également au colonel Ghazouani – seul général de division aujourd’hui au sein de l’armée mauritanienne – parce qu’on sait que sans leur forte influence sur les militaires  et les civils, au temps de la  « transition militaire », le processus de maîtrise et de gestion des affaires publiques, mis en place depuis le coup d’état du 3 août 2005, n’allait pas prendre la tournure que l’on sait. C’est de l’histoire ancienne certes, mais elle justifie en grande partie le présent : L’élévation au grade de général de tous les compagnons d’armes du président Aziz, au sein de ce qu’on avait appelé en 2008, le Haut conseil d’Etat (HCE) était une option prévisible. Et compréhensible. La prime au mérite qui  a profité à Aziz, le « faiseur des présidents », devait aussi profiter aux officiers supérieurs qui l’ont accompagné dans sa « Rectification » du 06 août 2008. On en devait donc arriver, partant de cette règle, à onze généraux, pas plus. Un quota acceptable dans une armée comme celle de la Mauritanie qui a certes considérablement évolué, en nombre et en qualité des hommes et du matériel mais qui reste tout de même  une armée d’Afrique, ce qui fait que les priorités du développement passent avant celles de la militarisation à outrance.

D’aucuns considèrent que la distribution du grade de général comme  des petits pains est destinée à assurer la fidélité des officiers supérieurs de l’armée à un président qui avait lui-même laisser entendre un jour que les civils « ne peuvent rien faire » (comprenez : ne peuvent pas faire un coup d’état). L’on oublie ici que la « révolte » (et non la révolution) vient souvent des rangs des capitaines (Burkina, Ghana, Guinée, Mali) ou même des sergents (Liberia), quand les officiers subalternes, les sous-officiers et hommes de troupe sentent qu’ils sont exclus des privilèges réservés à l’élite de l’armée. Exactement comme ce qui se passe au sein des civils.

Les récompenses vont à ceux qui ont soutenu la  « Rectification », aux notables et parlementaires qui continuent aujourd’hui à nier l’existence d’une crise politique dans le pays alors qu’ils ne peuvent expliquer pourquoi l’on n’est pas en mesure d’organiser des élections municipales et législatives qui devaient pourtant l’être depuis novembre 2011 ! Pour l’instant, la stratégie qui consiste à taire les revendications au sein de la majorité par l’octroi de privilèges à ceux qui luttent de l’intérieur pour maintenir le Système à flots, permet au pouvoir de contenir une opposition qui réclame son départ. Mais qu’en sera-t-il si chacun, civil ou militaire, déclare « je veux être un général » ? Cela donnera à réfléchir car un « général civil » est un grade qui reste à inventer.

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