La Mauritanie, une mosaïque de problèmes

Article : La Mauritanie, une mosaïque de problèmes
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7 mars 2013

La Mauritanie, une mosaïque de problèmes

Grande mosquée de Nouakchott (crédit photo: tourisme-en-afrique.net)
Grande mosquée de Nouakchott (crédit photo: tourisme-en-afrique.net)

Quand on décide de présenter son pays, on se doit de le faire sous les meilleurs auspices. Certains placent une telle approche dans le  vocable même de ce qu’ils appellent le « patriotisme » ! Un mot bien beau, un idéal qui rattache chaque citoyen, quelques soit son appartenance politique ou idéologique, à une Valeur, une Fierté qui le poussent à privilégier, en accord avec les politiques, ce qu’on appelle communément « l’intérêt national ». Mais stop là, moi je n’emprunterais pas cette voie qui, très souvent, ne débouche que sur des quiproquos. Dire que « tout est pour le mieux dans le  meilleur des mondes possibles » alors que  tout est mal est une trahison. Voyez-vous, le tableau idyllique que je ferais de mon pays peut coûter la vie à des touristes croyant que la sécurité « 100% » dont  parlent les autorités mauritaniennes pour faire revenir une activité qui rapporte est garantie. Oui, ça va nettement mieux qu’en 2005, quand AQMI avait tué 15 soldats mauritaniens à Lemghaïty et en 2007, quand les mêmes terroristes, ayant compris que mon pays était le maillon faible dans la zone, avait récidivé à Ghallawiya, tuant quatre soldats, et en 2008, à Tourine où ils ont fait un autre massacre (12 militaires tués). Le président Aziz, qui venait de « putscher » Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, se devait de se présenter aux Occidentaux, aux Français notamment, comme l’homme de la situation, celui qui est en mesure de les aider dans leur guerre contre le terrorisme. Et, pour dire vrai, cela lui a plutôt bien réussi. Une  bonne partie du budget de l’Etat et de l’aide étrangère a été utilisée pour faire d’Aziz le champion de la  lutte contre AQMI. Le concept de la « guerre préventive » au Sahel était né.

Marché de la capitale (crédit photo: Looklex.com)
Marché de la capitale (crédit photo: Looklex.com)

Voudriez-vous aussi qu’au nom d’un patriotisme  débridé je dise à ceux qui me lisent chaque jour, et qui voient mis  en exergue sur mon blog, « tout sur mon pays, ce que je pense », qu’il y a  la démocratie chez moi ? Voyez-vous, ceux qui pensent que oui, ont une vision réductrice de cette denrée rare en Afrique et dans le monde arabe. Même dans les pays où l’on pense que le « printemps arabe » a apporté un changement positif, le Système fait de la résistance. En Tunisie, en Egypte, en Libye, en Cote d’Ivoire, en Guinée et…en Mauritanie. En Mauritanie où la démocratie, ce que j’appelle moi la « démogâchis », me permet de dire ce que je veux, de critiquer le président, son gouvernement, les hommes d’affaires, les politiques, les parlementaires, les chefs de tribus, les policiers, les vendeurs de poisson qui exportent le meilleur et ne me permettent de manger à midi que les espèces à faible valeur marchande. Certains poussent même cette « liberté » jusqu’à empiéter sur celle des autres ! L’Etat qui sait que les paroles n’ont jamais fait de mal à personne les laisse faire, s’amuse même, en faisant sienne cette phrase de J.P. Sartre dans la  préface à « Les damnés de la terre » de F. Fanon : « et puis, laissons les gueuler, ça les soulage, chien qui aboie ne mord pas ». L’Etat a d’autres moyens pour corriger le tir. Pour limiter la liberté de la presse, il sert les vis. Fini le temps où les administrations publiques et les entreprises accordaient pubs et abonnements à des journaux et sites qui aimaient répéter à qui veut les entendre qu’ils sont « le quatrième pouvoir ». Le président Ould Aziz qui n’a apparemment pas une grande estime pour la presse infestée de « peshmergas » lui permet à peine de survivre avec un appui annuel de 200 millions d’UM dont la distribution non équitable est confiée à la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA).

Livreur d'eau dans un quartier pauvre de Nouakchott (photo: Rfi)
Livreur d’eau dans un quartier pauvre de Nouakchott (photo: Rfi)

Voudriez-vous qu’au nom du patriotisme je vous dise que tous les Mauritaniens sont égaux en droits et en devoirs ? Ce serait mentir que de le dire. On me dira que cet idéal n’est même pas pensable ailleurs, pas même dans ces « démocraties » qu’on donne en exemple aux citoyens du Tiers-monde. Mais bon, c’est une question de degré et de bon sens. Ailleurs, les inégalités sont une affaire de lente évolution, de circonstances exceptionnelles (le plus souvent individuelles) ; ici, cela relève d’un rapport de forces entre communautés, régions et tribus. Jusqu’à récemment encore, des portefeuilles ministériels (Intérieur, Affaires étrangères, Défense, Justice) n’étaient pas accessibles à une certaine catégorie de Mauritaniens ! Et puis, on s’est rendu compte qu’on peut bien ouvrir ces portes à ces « citoyens de seconde zone » mais prendre les précautions utiles de les contrôler. Ils sont là pour la forme. Le pouvoir est ailleurs. On me dira qu’avec l’actuel rais, c’est le cas de tous les « ministrés », qu’ils soient blancs, rouges ou noirs, mais les pesanteurs sociales empêchent toujours certains de se laisser aller. D’agir en vrais ministres.

Et puis je ne peux finir cette présentation de mon pays, mon beau pays (je suis fier d’être Mauritanien), sans évoquer ces disparités flagrantes dans l’habitat à Nouakchott, la capitale.

Tevragh-Zeina (elle finira belle) est le quartier chic de la capitale Nouakchott. En termes d’habitants – je ne dis pas d’habitat – il présente une belle harmonie. C’est normal parce que les gens qui y vivent sont ceux-là même qui détiennent tout : tribus, argent et savoir. Rarement, des citoyens de seconde zone parviennent à passer par les  mailles du filet pour venir déteindre dans cette bourgeoisie née du transfert du bien public en biens privés. Pour certains, j’exagère mais au fond tout le monde sait que je dis vrai. Les familles qui ont réussi grâce à des activités de négoce, les tribus même, se comptent sur les doits d’une seule main. Durant les vingt ans de l’ère Taya, le credo était : « détourne et tais-toi ».

Cinquième, Sixième, là ce sont des départements (moughataa, disons-nous) où vivent globalement les Négro-mauritaniens. On m’en voudra peut être de le dire mais ce sont des départements laissés-pour-compte. Sales et manquant cruellement d’infrastructures. C’est là aussi que, l’écrasante majorité de migrants ouest-africains vient s’installer par « solidarité de couleur ». Gambiens, Ghanéens, Nigérians, y côtoient Sénégalais, Maliens et Guinéens. Dans l’imaginaire des Nouakchottois, ces « moughataas » sont devenues des zones étrangères où il ne faut pas s’aventurer.

Riadh, Arafat, Toujounine, Teyarett, Dar Naim, ce sont là d’autres départements populaires de la capitale Nouakchott. Dans ces zones, on retrouve les parents pauvres des « gens de Tevragh-Zeina ». Comme quoi, la dilapidation des biens publics n’a pas fait des victimes seulement au sein d’une seule communauté nationale. Ce sont même des départements où l’on trouve la Mauritanie dans sa diversité. Pas celle qui a choisi d’exhiber son opulence, comme à Tevragh-Zeina, ou qu’on a voulu marquer comme « différente », comme aux Cinquième et Sixième Arrondissements.

Reste le Ksar, le quartier noyau de Nouakchott, celui qui, à la création de cette capitale du désert était la Ville. Longtemps zone du commerce et de l’industrie, où habitent les premières t plus anciennes fortunes du pays, il revit aujourd’hui grâce à de nouveaux lotissements qui constituent une jonction entre lui et Tevragh-Zeina. Ce n’est rien d’autre qu’un rapprochement, une fusion plutôt, entre anciens et nouveaux riches.

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