CENI : Un communiqué trouble à propos des élections en Mauritanie

Article : CENI : Un communiqué trouble à propos des élections en Mauritanie
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3 mars 2013

CENI : Un communiqué trouble à propos des élections en Mauritanie

La CENI (commission électorale nationale indépendante)  a annoncé, dans un communiqué rendu public jeudi dernier, qu’elle a décidé d’organiser les prochaines élections législatives et municipales, tant attendues en Mauritanie, dans la fourchette de temps comprise entre mi-septembre et mi-octobre 2013.

Dans le même communiqué, il est indiqué que « la date précise de la tenue de ces scrutins sera arrêtée en concertation avec les partenaires concernés.»

Cette annonce, qui survient à un moment particulièrement tendu, avec le retour des manifestations de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) et la polémique autour de ce qui est désormais « l’affaire Bouamatou », suscite mille et une interrogations. Pourquoi maintenant ? la CENI est-elle réellement indépendante pour avoir fixé, elle-même, cette date qui, comme l’ont laissé entendre beaucoup d’analystes, permet – encore – au pouvoir de ruser, de jouer aux prolongations jusqu’à arriver à 2014 où l’élection présidentielle devrait, elle aussi, avoir lieu ?

Toujours est-il que nonobstant le caractère singulier d’une annonce vue par certains comme une  tentative « d’étouffer » les cris de la COD, appelant au « rahil » (départ) du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, par l’annonce, enfin, d’élections considérées comme l’unique sortie de crise sans grands frais pour le gouvernement, les réactions ne se sont pas fait attendre. Du côté de la COD, le président du Rassemblement pour la démocratie et l’unité (RDU), Ahmed Ould Sidi Baba, assurant la présidence tournante de la coordination de l’opposition démocratique, a très vite réagi en disant que le communiqué de la Ceni ne les concerne pas ! Et c’est vrai, quelque part si l’on suit la logique adoptée par la COD qui se refuse à prendre le train  en marche, pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs qu’en 2009, quand, sortant des Accords de Dakar, elle a accepté de se lancer dans une présidentielle qui ne lui donnait qu’un seul petit mois pour tenter de « renverser » le général Aziz au pouvoir depuis le 6 août 2008. Ou depuis le 3 août 2005, pensent ceux qui considéraient qu’il cogérait le pouvoir avec son cousin le colonel Ely Ould Mohamed Vall, depuis la chute du dictateur Taya.

La COD parle de non évènement

Ainsi, la COD, qui n’a aucun représentant au sein de la CENI, qui n’a pas pris part au dialogue ayant présidé à la constitution de celle-ci et à la prise de décisions d’importance pour l’ensemble du processus de retour à la normale en cours, se trouve aujourd’hui dans une position inconfortable qui l’oblige à jouer serré pour obtenir du pouvoir (et de l’autre opposition qui l’accompagne dans le processus) des concessions lui permettant de ne pas prendre trop de risques en s’engageant. Car l’option du boycott, qu’elle présente pourtant aujourd’hui comme la  plus sérieuse de ses hypothèses de travail, ne l’arrange vraiment pas, si le pouvoir est décidé à aller jusqu’au bout de sa logique du « à prendre ou à laisser ». Ce sera, tout simplement, le prolongement de la crise puisque la tenue d’une élection sans la COD et ses résultats souffriront d’un manque de reconnaissance tant au niveau national qu’international. Une donne que le pouvoir ne peut ignorer, lui qui a encore dans la mémoire l’inconséquence de la démarche qui le poussait, avec les encouragements du défunt « Guide » libyen, Mouammar Kadhafi, à aller aux élections, le 6/6/2008, et qui a fini par y renoncer.

La CAP peut ne pas suivre

Mais le grand problème qui pourrait se dresser devant l’agenda de la CENI (ou du pouvoir, selon ceux qui considèrent qu’elle agit « sur ordres ») serait le refus de la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) de suivre la voie tracée pour l’organisation des élections municipales et législatives. Vendredi dernier, le président du parti « Sawab », Abdesselam Ould Horma, assurant la présidence tournante de la CAP, a déclaré, pour un site de la place, que la CENI  doit s’occuper d’abord des préalables avant d’annoncer une date pour les élections ! Et Ould Horma d’évoquer le respect des « accords » convenus entre la majorité et « l’opposition participationniste » de nature à garantir la transparence des futures élections.

Abdesselam Ould Horma ira même plus loin en disant que la CENI doit « rassurer l’ensemble de la  classe politique nationale avant d’annoncer la date des futures échéances électorales », ce qui  n’est pas loin  de la démarche préconisée par le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, dans son initiative, et qui cherche  justement à amener tout le monde vers cette échéance en s’assurant un consensus national sur certaines questions qui fâchent.

Ould Horma a ajouté que, du point de vue pratique, « personne ne sait à l’heure actuelle l’état d’avancement de l’opération d’enrôlement », que l’établissement de la liste électorale n’a pas commencé encore et ce sans oublier le blocage politique qui pèse sur la situation ».

Le président de la CAP est arrivé à la conclusion que les conditions actuelles ne rendent pas favorables l’organisation d’une élection et que « l’apaisement du climat politique est le plus important ». Un message en guise d’avertissement à peine voilé que la CENI – ou le pouvoir – doit prendre au sérieux si elle ne veut pas voir la CAP changer de cap. La pire des catastrophes pour le pouvoir du président Aziz.

 

 

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