Affaire Bouamattou : La Défense dénonce des manipulations sur les procès-verbaux de la police

Article : Affaire Bouamattou : La Défense dénonce des manipulations sur les procès-verbaux de la police
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1 mars 2013

Affaire Bouamattou : La Défense dénonce des manipulations sur les procès-verbaux de la police

 

Mohamed Bouamatou (crédit photo: facebook.com)
Mohamed Bouamatou (crédit photo: facebook.com)

L’affaire Bouamatou, du nom de ce richissime homme d’affaires mauritanien qui vit aujourd’hui en exil au Maroc, fait l’essentiel de l’actualité en Mauritanie. Même le retour des manifestations des partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) n’ont pas réussi à l’éclipser, le temps d’un meeting, parce que les adversaires du président Mohamed Ould Abdel Aziz voient en elle une autre preuve de l’inconséquence d’un pouvoir accusé de tous les maux. Tous les partis de cette coalition qui appelle au départ de cet ancien général, auteur de deux coups d’Etat, en 2005 et en 2007, ont exprimé leur solidarité avec cet homme d’affaires, ancien soutien d’Aziz, mais qui s’est trouvé subitement dans la ligne de mire du fisc, de la Banque centrale de Mauritanie et de la direction de la police chargée de la répression du crime économique. Cette dernière a déterré le dossier de la compagnie aérienne Mauritania Airways, tombée en faillite et dont la clé de répartition du capital de 10 millions de dollars US était 51% pour Tunis Air, 39% pour le groupe Bouamatou et 10% pour l’Etat mauritanien. Incapables d’atteindre le patron du groupe BSA, qui vit en exil à Marrakech, les autorités de Nouakchott ont alors mis en examen, puis envoyé en prison Mohamed Ould Debagh, le vice-président de ce holding, qui comprend une banque (GBM), une société d’assurances (AGM), une cimenterie (BSA ciment) et des parts dans l’opérateur de télécommunications, la Mattel (Mauritano-tunisienne de télécommunications). Après un mois d’emprisonnement, le vice-président du groupe BSA est présenté au juge d’instruction du tribunal chargé des crimes économiques mais ses avocats dénoncent des manipulations sur les procès-verbaux de la police. Jeudi 28  février, ils ont rendu public ce communiqué qui, selon eux, donne une idée claire de ce qui se trame contre leur client :

 

« A l’issue de la première audience d’instruction de notre client, tenue ce jour 27 février 2013, la défense de Monsieur Mohamed Ahmedou Debagh tient à exprimer ses plus vives inquiétudes quant aux atteintes manifestes et répétées aux droits de la défense.

I-Lorsque la défense a pris connaissance du dossier d’instruction, elle s’est rendu compte que certains procès-verbaux établis par la police économique lors de l’instruction préliminaire ont été falsifiés. Les procès-verbaux authentiques et signés par notre client ont été grossièrement et illégalement remplacés par d’autres au contenu tronqué et contenant l’allégation mensongère que notre client « a refusé de signer ».

Nous rappelons que ce faux est un crime qui est passible des travaux forcés à perpétuité, et ne doit en aucun cas rester impuni d’autant qu’il  jette un grand discrédit sur le travail honorable de la police.

Ceci est d’autant plus grave que les procès verbaux de police sont le plus souvent  la pièce maîtresse voire unique des dossiers sur la base de laquelle les cours criminelles et tribunaux correctionnels n’hésitent pas à condamner à des peines allant jusqu’à plusieurs années fermes.

Nous avons alors adressé une lettre au commissaire Fodé Dramé, responsable directe de cette falsification, lui demandant de transmettre au parquet les procès-verbaux authentiques, mais l’intéressé a refusé de décharger ce courrier, allant jusqu’à menacer son porteur de prison.

 

II-Aussi avons-nous immédiatement déposé une plainte auprès du procureur de la République, contre le commissaire Fodé Dramé directeur  central de la lutte contre la criminalité économique et financière au sein de la direction générale de la sûreté nationale,  et toute personne impliquée dans ce faux.

Une semaine après le dépôt de cette plainte, nous constatons avec le plus grand désarroi qu’aucune enquête n’est encore ouverte et que le commissaire Fodé continue son travail sans aucune interpellation, risquant d’envoyer en prison d’autres innocents.

 

III-Aujourd’hui encore, lors de la première audition de notre client par le juge d’instruction, nous avons été extrêmement surpris et dépités de constater que le juge d’instruction se refuse à consigner dans le procès-verbal d’audition une grande partie des déclarations de notre client, au motif que ces déclarations seraient sans rapport avec le dossier.

Nous exposons ci-après ces déclarations refusées par le juge (n’étant pas couvertes par le secret de l’instruction)

 

1- Mohamed Ahmedou Debagh a rappelé au juge que son inculpation et son emprisonnement sont nuls dans la mesure où ils sont fondés sur une instruction préliminaire elle-même nulle pour falsification de procès-verbaux.

 

2- Mohamed Ahmedou Debagh a rappelé certains passages censurés par la police économique lors de l’enquête préliminaire et relatifs à son intervention personnelle et celle de son Groupe BSA dans des affrètements d’avions de Mauritania Airways pour le compte de la présidence de la République dont à titre d’exemple :

– Les avions mis à la disposition du candidat Mohamed Ould AbdelAziz lors de la dernière campagne présidentielle;

– L’avion mis à la disposition du ministre de la justice pour obtenir auprès des autorités maliennes la demande d’extradition d’Oumar Sahraoui ;

– L’avion qui a servi au transport des troupes de l’armée Nationale de la ville d’Atar à Nema;

– L’avion qui a servi à transporter le ravitaillement en carburant à nos avions militaires en panne à Tombouctou;

– L’avion qui a servi au transfert du prisonnier Oumar Sahraoui pour permettre la libération des otages espagnols ;

– L’avion qui a servi au transport de la sécurité présidentielle (25 éléments) et certains membres de la délégation vers Bamako pour assister au 50ème anniversaire de l’indépendance du Mali (Monsieur Bouamatou, Le Président de la République et ses ministres étant acheminés par un Falcon).

Tous ces affrètements ont été commandés et payés par le Groupe BSA.

 

3- Mohamed Ahmedou Debagh a attiré l’attention du juge d’instruction sur le caractère strictement politique de son emprisonnement. Il a rappelé que c’est le président de son Groupe, Monsieur Mohamed Bouamatou, qui est visé par le pouvoir politique et qu’à défaut de pouvoir mettre la main sur celui ci, il a été arrêté lui, son vice – président. Pour corroborer le caractère personnel et ciblé des poursuites judiciaires dont il fait l’objet, il s’est demandé s’il a commis une infraction plus grave que le fils du président de la République qui a tiré à bout portant sur une personne la blessant grièvement et qui n’a même pas été entendu par la justice.

La défense de Mohamed Ahmedou Debagh tient à dénoncer avec la plus grande vigueur le traitement dont son client fait l’objet, qui se caractérise par des violations systématiques des droits de la défense depuis la première audition par la police jusqu’à l’instruction.

Ces violations la confortent dans le caractère éminemment politique des poursuites dirigées contre son client, poursuites qui s’écartent sensiblement des règles de procédure légale normalement suivie dans un Etat de droit. »

LA DEFENSE

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