Discours du Premier ministre : …Du déjà entendu

Article : Discours du Premier ministre : …Du déjà entendu
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14 janvier 2013

Discours du Premier ministre : …Du déjà entendu

Le Premier ministre mauritanien, Ould Mohamed Laghdaf
Le Premier ministre mauritanien, Ould Mohamed Laghdaf

Jeudi dernier, la première session parlementaire 2012-2013, celle consacrée traditionnellement à l’approbation de la loi de finances, a clôturé ses travaux par le traditionnel Discours de Politique générale du Gouvernement présenté par le Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Une sorte de « bilan », pour l’année écoulée, et de « perspectives » pour celle qui commence. Un exercice de style dont la difficulté – la grande – est de savoir éviter les répétitions, les « compilations » qui font dire à l’opposition que les discours se suivent et se ressemblent.

C’est même ce qu’a fait remarquer, une fois, le journal satirique « Chtari » (en français, « quoi de neuf ? ») écrivant, à propos de la fastidieuse énumération des « réalisations » du gouvernement, que, sans indications précises sur les lieux et les dates, les citoyens qui se trouvent dans l’une des treize wilayas du pays, peuvent penser que les autres ont été mieux servis qu’eux !

Pourtant, depuis un certain temps, le gouvernement a bien pris conscience de cette dérision pour tenter, à pareille époque de l’année, de présenter son « bilan », c’est-à-dire, une compilation qui se veut exhaustive, de ce que les différents départements ministériels ont « réélisé ». Un mot qui dit plus la réalité de ces « réalisations », quand on sait que ce qui compte le plus c’est ce qu’on voit sur le terrain et non la manière dont il a été fait (rapport qualité-coût, durée, utilité, etc).

Dans ce bilan donc, il est évident que ce qui compte, en termes d’analyse, c’est le volet économique. Même si les chiffres sont, eux aussi, sujets à controverse entre le pouvoir, qui pense avoir réalisé « en trois ans ce qui n’a pas été fait par tous les pouvoirs précédents en cinquante ans d’indépendance de la Mauritanie » et une opposition (toutes tendances confondues) qui trouve plutôt que la situation économique et sociale du pays n’est en rien différente de celle de sa situation politique qui se traduit par une crise qui résiste encore à toutes les initiatives et recherches de solution.

Le même discours…et presque les mêmes chiffres

Dans son ossature, sa présentation et ses grandes lignes, le Discours du « Premier des ministres » (car il n’est pas encore chef du gouvernement comme le suggèrent les amendements apportés à la Constitution à la suite du dialogue d’octobre 2011), suit le même cheminement. On croirait même  entendre Ould Mohamed Laghdaf débiter les premiers mots de cette présentation qui n’a nécessité qu’un « réajustement » des données de 2012 sans toucher au texte ! Il n’y a donc pas de « nouveau discours », mais un nouveau contexte. L’entame n’a pas changé : « …C’est aussi un honneur et un grand plaisir pour moi de m’adresser à votre auguste assemblée pour vous présenter, et à travers vous au peuple mauritanien, le bilan de l’action du gouvernement au cours de l’année écoulée et les perspectives pour l’année qui commence. » Oui, les deux extrêmes, « bilan » et « perspectives », réalisations et projets, « la paroles et les actes ». Mais pouvait-il en être autrement ? Un bilan c’est un bilan et il faut y mettre les formes. C’est plus important que de tenir compte de la réplique qui pourrait venir de ceux qui pensent qu’il y a un grand gouffre qui sépare le « bilan » présenté par le Gouvernement et la réalité vécue par les populations. On pourra toujours dire que les données sont là et que les chiffres ne mentent pas. C’est loin d’être le cas quand le Premier ministre évoque, en premier, « le renforcement du processus démocratique et de l’Etat de droit, de modernisation de l’administration, d’élargissement de l’espace des libertés et de consolidation de la position du pays au niveau international. » Une assertion qui a sûrement fait grincer des dents au sein de l’opposition parlementaire qui ne cesse de dénoncer les amendements apportés, de manière unilatérale à la Constitution, avec le concours certes de la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP). Mais il ne s’agit là que de trois partis qui ont choisi la voie du dialogue alors que dix autres, ceux de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) l’ont refusé.

Au beau milieu de son discours, le Premier ministre Ould Mohamed Laghdaf transforme son « beau » bilan de 2012 en une apologie de trois années de « mise en œuvre du programme électoral », du président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui « constitue la référence fondamentale de l’action du gouvernement ». On n’est pas sûr que les citoyens vont suivre le Premier ministre quand il déclare que le pays « a été transformé en un vaste chantier dans tous les domaines », mais les regards ahuris des députés de la COD et leurs grognements sont la preuve que tout le monde n’est pas de cet avis. L’avis de la Majorité, tout au moins. Sur des questions telles que : Les politiques sociales, le renforcement de l’unité nationale, l’ancrage de l’Etat de droit, les politiques socio économiques, le développement des infrastructures, la politique étrangère et les défis sécuritaires.

Pour donner une idée de l’ampleur de l’action du gouvernement dans le premier volet de sa présentation, le Premier ministre cherche à marquer les esprits en soulignant le défi de la sécheresse de l’année 2011, « l’une des plus sévères de son histoire récente, mettant en péril la vie des personnes et du cheptel, dans une conjoncture marquée par une crise économique et financière mondiale, et une hausse importante des prix des produits alimentaires sur le marché international.» Avec deux programmes successifs (Opération Solidarité 2011 et le programme Emel 2012), « comme réponse à la fois aux menaces qui planent sur la sécurité alimentaire de nos populations et sur la survie de notre cheptel », le gouvernement a réussi à « faire passer une année de sécheresse et de famine annoncée, comme une année presque normale, ce qui a valu à l’Etat les compliments des partenaires et des citoyens.» C’est le Premier ministre qui le dit. Faut-il le croire ou non ? Le débat est ouvert sur cette question également, non seulement au sein de l’Hémicycle mais aussi des populations qui apprécient la situation générale du pays en fonction de leur appartenance à un camp ou de leur affinité tribale ou régionale.

Sur ce volet important de l’action du Gouvernement dans le domaine social, mais aussi de la controverse qui l’oppose à l’opposition (dans ses deux composantes), laissons parler les chiffres du « bilan » présenté par le Premier ministre : « Sur le plan financier et par rapport aux projections initiales, qui fixaient son coût à 44 milliards d’ouguiyas, le programme a absorbé 30 milliards au 31 Août 2012. L’économie réalisée, 14 milliards d’ouguiyas, montant auquel s’ajouteront 7 milliards supplémentaires, a permis la prolongation du volet boutiques jusqu’au 31 décembre 2012. L’économie réalisée s’explique principalement par la maitrise des appels d’offres d’une part, et le bon suivi de l’exécution du programme de l’autre.

Au 31 août dernier, le programme Emel avait déjà absorbé 241.000 tonnes de produits, toutes denrées confondues. Une quantité globale de 131, tonnes a été destinée à l’alimentation humaine. Les 1200 boutiques du programme ont bénéficié de 110.000 tonnes de produits alimentaires (huile, sucre, blé, riz et pâtes) ; les stocks villageois de sécurité alimentaire (SAVS) ont reçu 5.500 tonnes de blé, alors que 16.000 tonnes ont été distribuées gratuitement dans les zones les plus pauvres en milieu rural et dans les périphéries pauvres des villes sur toute l’étendue du territoire national. La prolongation du volet boutiques du programme jusqu’au 31 décembre a absorbé plus de 30.000 tonnes de produits supplémentaires. Ainsi, plus de 271.000 tonnes de produits alimentaires auront été vendues à pris réduits aux plus démunis à la fin du programme. Pour l’année 2013, le Gouvernement a décidé de continuer le volet boutiques, et 15 milliards d’ouguiyas ont été mobilisés à cet effet.» Qui dit mieux ? L’opposition dira que tout est faux ! Le débat continue…

 

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