Non, il n’y a pas de crise politique en Mauritanie

Article : Non, il n’y a pas de crise politique en Mauritanie
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16 décembre 2012

Non, il n’y a pas de crise politique en Mauritanie

Le président Ould Abdel Aziz en meeting, Nouadhibou, 13 mars 2012 (crédit photo: Alakhbar;info)

La Mauritanie « comme elle va », va très bien. Parce qu’on est dans un pays où tout va de soi. Pas la peine de chercher à plaire aux populations, elles adorent être gouverner dans la précarité. En cela, elles ne font que suivre les hommes politiques qui aiment les situations difficiles. Majorité et Opposition se donnent ainsi l’air d’exister. Nous entretenons la crise, donc nous sommes.

Non, il n’y a pas de crise en Mauritanie ! C’est Ould Abdel Aziz, lui-même qui l’a dit à maintes reprises. Comme il avait dit, le 13 mars 2012 à Nouadhibou, que la sécheresse n’existe que dans l’esprit des leaders de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), qui, par le passé, vendaient le blé destiné aux pauvres ou le donnaient à leur cheptel ! Il n’y a pas de crise parce que les réserves en devises de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) ont atteint le niveau record de 522 millions d’USD (6 mois d’importations des besoins du pays). Ou peut être parce que personne ne dit qu’il faut que ces réserves soient utilisées pour atténuer l’impact de la crise sur le quotidien des populations.

Pour que la crise soit en Mauritanie, il faut que ces élections, très en retard dans leur calendrier initial, se tiennent. Alors l’opposition, qui sera vraisemblablement battue une énième fois, criera à la fraude et la majorité, dans son rôle de « champion », de défenseur de la démocratie traitera alors la COD de mauvais perdant. Comme en juillet 2009, quand Ould Abdel Aziz a réussi à passer au premier tour, à la surprise générale.  La crise ne viendra pas du fait que les prix des produits de base flambent, que le gouvernement se moque du peuple, en augmentant de manière cynique et quasi mécanique, le prix du carburant à la pompe, en faisant le contraire de ce qu’il dit et en maltraitant les manifestants, qu’ils soient travailleurs, étudiants, militants d’IRA ou de TPMN, partis de la COD, chômeurs protestant contre leur (mauvais) sort ou femmes dépossédées de leurs « gazra » (habitats précaires). Elle éclatera le jour où la police et la garde laisseront tous ces mécontents sillonner les rues de Nouakchott, crier leur saoul contre le gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf, demander à Aziz de « dégager ». Le jour où le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ould Boillil, demandera à la COD de manifester pour donner un sens à la « démogâchis » que les politiques mauritaniens entretiennent savamment depuis 1992. Depuis l’injonction mitterrandienne de la Baule.

Nous avons besoins de la crise pour exister

Actuellement, c’est le marasme total. Pas une voix plus haute que l’autre. Les mauritaniens vivent « l’âge d’or » de la politique. La COD ne manifeste plus, a déserté la place Ibn Abass et la Majorité n’a plus rien à dire. Elle qui ne fait que réagir. Actions de la COD, réactions de la Majorité. Les mauritaniens ne vivent que de ça. Il faut qu’il y ait la crise pour qu’ils existent. Pleinement. Ils aiment les crises. La crise politique plus que tout autre. Quand les prix flambent, ils restent dans une indifférence totale. C’est devenu une partie de leur quotidien. C’est une affaire de pauvres, elle ne regarde que leur président, « le président des pauvres ». Et Ould Abdel Aziz dit qu’il n’y a pas de crise. Donc il faut le croire sur parole. Les voix des 52% des mauritaniens qui l’ont élu en juillet 2009 comptent plus que celles de 48% qui ne voulaient pas de lui. C’est la démocratie non ? Les perdants, comme les absents, ont toujours torts. Et l’opposition qui demande aujourd’hui à Aziz de « dégager » a perdu les élections et boycotter le dialogue. Une séance de rattrapage qui lui aurait permis d’essayer de convaincre l’autre partie (la Majorité) que la crise est. Quand on dialogue c’est pour s’entendre, et quand on cherche à s’entendre c’est parce qu’il y a crise. C’est une logique simple, non ? Mais quand on refuse de dialoguer ? On nie l’existence de la crise ou on l’entretient ? Ici, l’avis contradictoire de la Majorité et de l’Opposition, celle qui refuse le dialogue, bien sûr, crée l’ambigüité autour d’une crise qui existe pour certains et n’est qu’élucubrations pour d’autres ! Une crise dans la crise, il ne manquait plus que ça pour que la classe politique mauritanienne donne la plénitude de sa réflexion « Einsteinienne » à ce qui n’est nullement essentiel.

La réflexion ne porte pas sur le comment améliorer les conditions de vie des populations, en faisant en sorte qu’elles accèdent plus facilement aux services de santé, d’éducation, d’eau et d’électricité, mais sur les « causes et effets » d’une crise politique qui détermine le rapport au pouvoir depuis la chute du dictateur Taya. Car tout est rapport au pouvoir, à la gestion des ressources du pays et à la mainmise sur des populations qui n’ont pas encore atteint le degré de maturité démocratique leur permettant de jouer, pleinement, leur rôle d’arbitre entre les parti(e)s en compétition. Toutes les crises, de Maaouiya à Aziz, en passant par Ely et Sidi, ont leur origine dans cette incapacité des mauritaniens à agir par eux-mêmes et pour eux-mêmes, sans suivre ces politiques qui poursuivent tous, sans exception, un seul objectif : Arriver (au pouvoir). C’est logique, mais la crise devient inévitable quand les règles du jeu sont faussées. Par un coup d’Etat – Rectification, un scrutin frauduleux (même s’il n’existe pas de preuves tangibles sur celui de 2009) ou tout simplement l’absence d’élections ! Trois « escales » politiques qui font l’essentiel de la crise qui divisent les mauritaniens aujourd’hui.

 

 

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