En attendant…le retour

Article : En attendant…le retour
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8 novembre 2012

En attendant…le retour

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz en compagnie de son médecin le français, le général Pons (crédit photo: Alakhbar.info)

Quelqu’un a dit – et bien dit – que s’il n’y a pas vacance du pouvoir (parce qu’il faut que le Conseil constitutionnel le constate), il y a vacances quand même. Presque un mois que le gouvernement ne s’est pas réuni. Des décisions et des dossiers, peut être importants, en suspens. La vie de tout un pays qui roule au ralenti, presque à l’arrêt. Un président de la République qui ne donne plus aucun signe de vie (au propre comme au figuré), même si les mauritaniens ont eu droit quand même à un message de félicitation lit en son nom par un journaliste quelconque de la télévision nationale, et que ses proches (famille et soutiens politiques) ne cessent de faire circuler des informations comme quoi « sa santé s’améliore de jour en jour » et qu’il va rentrer sous peu au pays.

En attendant le retour du président – ce que souhaitent tous les mauritaniens – il faut bien que les hommes politiques pensent à une autre manière de voir et de vivre la crise qui secoue le pays depuis plusieurs années. Il ne s’agit pas de tourner et retourner la question sous l’angle de la légitimité – ou de la légalité – de l’ensemble des mandats (présidentiel, municipaux et parlementaires) mais bien de la possibilité d’un consensus national, seul en mesure de sortir le pays du bourbier politico-institutionnel dans lequel il se trouve aujourd’hui. Pour cela, majorité et oppositions (COD et CAP) n’ont pas le droit de tergiverser encore plus longtemps. Un terrain d’entente, autour de l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, ou de tout autre montage susceptible de préparer des élections générales libres et transparentes doit être trouvé. Ce qui compte réellement, au niveau actuel, c’est d’éviter à la Mauritanie toutes sortes de soubresauts, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Dans ce dernier cas, les regards sont braqués sur ce qui se passe et se prépare au nord Mali. Si jamais la guerre est déclarée, de manière effective, contre les groupes islamistes armés aux frontières est de la Mauritanie, le risque est grand de voir le pays devenir un champ de bataille tout comme la zone de l’Azawad, comme le souligne un récent rapport américain. C’est d’autant plus vrai que la Mauritanie, déjà une zone de repli pour les populations chassées par la guerre, va le devenir, malgré elle, pour les combattants islamistes cherchant à desserrer l’étreinte des forces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui bénéficieront sans doute d’un fort appui de puissances occidentales comme la France et les USA. Le risque sera plus grand si, entre temps, la Mauritanie continue à vivre sans président, c’est-à-dire sans pouvoir décisionnel capable d’orienter l’action du gouvernement sur des dossiers aussi importants que celui de décider ou non d’entrer dans une guerre, même imposée, ou de prendre des décisions qui ont à court et moyen termes un impact direct sur la vie des populations.

Ces questions essentielles, liées toutes à l’empêchement du président de la République d’exercer la réalité de son pouvoir, sont occultées par des considérations liées à la nature de la crise sur laquelle est venue se greffer celle engendrée par l’incident de « Tweîla ». Et au lieu de mettre à profit la situation née de la nouvelle donne politique pour prendre du recul par rapport à la crise, on s’évertue plutôt à l’entretenir. Quelle importance, en effet, à vouloir prouver aujourd’hui que le Parlement n’a plus d’existence légale ? Une telle approche est-elle faite uniquement pour dire que la recherche d’une issue à la crise politique est une affaire de partis et non des institutions existantes (Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel) qui doivent pourtant être considérées, à l’heure actuelle, comme un moindre mal ?

Gouvernement d’union nationale et élections

Quoi qu’on dise, la solution la mieux indiquée, même en cas de retour du président Aziz au pouvoir comme si sa maladie n’était qu’un mauvais souvenir, passe par la composition d’un gouvernement d’union nationale. L’actuelle équipe est usée par le temps et les problèmes auxquels elle n’a su faire face. La première chose qui doit être considérée par le président, à son retour, c’est de remercier le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf et son équipe. D’aucuns pensent que cela ne servira pas à grand-chose si le président lui-même n’aura pas changé après l’expérience douloureuse qu’il aura vécue. Cela ramène donc toujours à la personne du président et à la nouvelle mentalité qui sera forcément en lui.

Changer de gouvernement ne doit pas être perçu seulement comme un changement d’hommes. Dans un système immuable de gouvernance par le haut, tous les mauritaniens se valent. Le ministre, le secrétaire général, le directeur ou tout autre responsable sorti du néant pour « être quelque chose » agira suivant un stéréotype qui ne date pas d’aujourd’hui : obéir. Donc fuir ses responsabilités, rapporter tout au Chef, ne pas s’assumer et assumer.

Une attitude qui doit pourtant changer parce que la maladie du président aura fait comprendre, à tout le monde, que tout est relatif. Ramener à leur juste valeur, les responsabilités ne sont qu’une chaîne de solidarités qui doit faire fonctionner l’Etat à tous les niveaux. C’est parce qu’on tarde à comprendre cela que nous sommes actuellement « coincés ». Avec comme seul alternative le retour du rais. Pour que la vie reprend.

Une reprise qui doit avoir en ligne de mire l’organisation d’élections municipales et législatives vraiment en retard et qui était prévue de longue date. Mais l’on sait aussi, à ce niveau, qu’un nouveau dialogue s’impose. Pour que la COD, hors-jeu depuis qu’elle s’est mis dans la tête de « dégager » Aziz par le déclenchement d’un « printemps mauritanien », puisse rattraper le train. Encore une fois, la seule parade qui permet de sauver les apparences, le seul compromis non assimilable à la compromission, se trouve être l’initiative de Messaoud. A méditer sérieusement.

Sneiba Mohamed

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