Crise politique en Mauritanie : En attendant une solution miracle

22 septembre 2012

Crise politique en Mauritanie : En attendant une solution miracle

Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine, président de l’UPR, parti au pouvoir en Mauritanie

Hibernation. C’est le mot juste pour qualifier ce qui se passe aujourd’hui sur la scène politique en Mauritanie. Entre l’optimisme béat de la majorité et le pessimisme apocalyptique de l’opposition, on a l’impression de tourner en rond. On entretient la crise de part et d’autre sans se donner la peine de penser, véritablement, à ce qui peut contribuer à la résoudre. Même au niveau de l’organisation des futures élections municipales et législatives, le temps presse mais on ne s’empresse pas de régler cette question qui revêt un caractère constitutionnel certain. Oubliant que le pourrissement de la situation ne fait que compliquer la donne.

Il est évident aujourd’hui qu’on est sorti de la logique des « justifications » (de ce qui va ou ne va pas) pour entrer dans celle de la déculpabilisation. Pour dire qui est responsable du blocage actuel ? Qui empêche le pays de retrouver une « normalité » qui n’est jugée en fait qu’à l’aune de la reconnaissance mutuelle (entre le pouvoir et son opposition) en tant que parties prenantes du jeu démocratique, avec ses qualités et ses défauts, et de la possibilité d’organiser, à intervalles réguliers, des élections qui doivent être le seul mode valable d’accession au pouvoir.

La Coordination de l’opposition démocratique (COD) doit avoir compris que les marches, meetings et sit-in, à eux seuls, ne règlent pas les problèmes sans cette prise de conscience de la nécessité de négocier les termes d’une sortie de crise à court terme par le biais de l’organisation concertée des élections municipales et législatives avant l’échéance présidentielle de 2014.

Le temps où l’opposition et la majorité « se répondent » par l’organisation de meetings est dépassé. Il ne s’agit plus de se dire « Qui a remporté cette manche ? » mais « qui est capable d’avancer une idée de réel compromis pour sortir de la crise » ?

Car à quoi sert-il de montrer ses biceps pour un pouvoir en bute à des problèmes de toutes sortes ? Que gagne l’opposition à suivre la même voie de l’escalade ? Des questions qui soulignent l’ampleur du fossé qui sépare désormais les deux camps.

Que la COD qui  s’apprêterait à reprendre ses activités de protestation et d’exigence du départ d’Aziz comprenne que ce qui n’a pas été possible depuis 2009, au moment où le pouvoir éprouvait des difficultés « d’installation » n’est pas de toute évidence au dernier virage du quinquennat du président Aziz. Elle doit donc penser sa stratégie autrement, en fonction du bilan du pouvoir mais aussi de ce qui lui reste pour envisager un second mandat plus que probable.

De son côté, la Majorité qui se réduit de plus en plus au parti au pouvoir l’Union pour la République (UPR), doit cesser son « cinéma », comme on dit.

Comment nier que la vie du Mauritanien ordinaire, non politisé, n’est faite, bien avant le changement du 3 août 2005, que de problèmes en série ? Si l’on convient que Maaouiya menait le pays droit contre le mur, on ne peut pas dire pour autant que les régimes qui lui ont succédé amorcent le bon virage pour le sauver. Depuis « la chute du dictateur », la noria du désespoir continue. La transition militaire 2005-2007 qui devait être une rupture définitive avec le cycle des coups d’Etats, n’était en réalité qu’une reprise en main d’un processus bien réglé. Et même la « Rectification », coup d’Etat contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, n’a fait que donner à la Mauritanie la palme d’or, en matière de prise du pouvoir par la force. Elle s’est avérée n’être qu’une pause, une sorte de «repos du guerrier», pas plus. Le début de l’Histoire, l’éternel recommencement, a pris le visage de cette «Rectification» qui a remis la Mauritanie dans l’ordre normal des choses, alors qu’on commençait à la citer en exemple de «bonne démocratie», comme on parle de bonne gouvernance !

« Rien ne se perd, tout se transforme »

On se surprend nous-mêmes à penser que tout ce que nous avons entrepris, pour oublier le Système Taya, n’était qu’un jeu dans lequel chacun avait son rôle bien défini à jouer. En fait, un contrat de dupes qui donnait à l’opposition démocratique à l’Ancien Régime le mauvais rôle, celui de « pacifier » les rapports avec les rescapés du Système, de prêcher la bonne parole à l’extérieur, pour amener la communauté internationale à croire en le processus mis en branle par les militaires du CMJD (Conseil militaire pour la justice et la démocratie) mais surtout, à servir de caution à la bonne transparence des élections, en participant à la course présidentielle précédée par celles des municipales et des législatives. Tous les malheurs de l’opposition viennent de là. Elle n’a pas su discerner, à temps, le jeu qui a permis au Système de reprendre la main. Même les militaires qui donnaient l’impression d’être les maîtres du jeu, étaient en réalité – déjà – les otages et (les victimes) de la machine mise en branle par les forces qui refusent le changement.

Toutes les crises vécues par le pays, depuis, ne sont qu’un enchainement de causes à effets. Des « transformations » – retour – vers le système. Là encore, l’opposition qui a pris la (mauvaise) habitude de prendre ses rêves de pouvoir pour la réalité, doit éviter de s’engager, à nouveau dans un processus de résolution de la crise, au nom d’un accord comme celui de Dakar, pour revenir ensuite crier à la fraude dans une élection qu’elle est condamnée à perdre faute de préparation. Un autre coup dur pour elle, qui pourrait mettre un terme à la vie politique de ses leaders actuels qui auront, une fois encore, joué et perdu.

C’est pour dire que l’opposition, même si elle a raison sur certains aspects de la critique qu’elle formule aujourd’hui à l’encontre du pouvoir (mauvaise gestion économique, amateurisme en politique, risque de déflagration sociale, mauvais choix diplomatiques) doit tempérer ses ardeurs pour être en adéquation avec son souci de préserver l’intégrité du pays, sa stabilité et sa cohésion. A trop tirer sur la ficelle, elle risque de casser. Et pousser l’extrémisme dans le verbe jusqu’à traiter le président Aziz de tous les mots n’aura, comme effet, que de le rendre encore plus favorable aux thèses de ceux qui, au sein de sa majorité, refusent, justement, qu’il pense au dialogue avec la COD.

Sneiba Mohamed

Partagez