MESSAOUD : Pourquoi il dérange

20 septembre 2012

MESSAOUD : Pourquoi il dérange

« La politique c’est l’art du possible ». On dit aussi « l’art de mentir » ou « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Très justement, ces trois sentences s’appliquent à la pratique de la politique chez nous, depuis que la Mauritanie a rompu les amarres avec la France. L’on considère cependant que l’avènement de ce que l’on appelle communément ici la « démocratie », sous le régime de Taya, a dépravé les mœurs politiques des mauritaniens qui font de cette « science » non pas une sorte d’appoint à leurs activités professionnelles et quotidiennes mais une occupation de tout le temps.

Aujourd’hui que la classe politique mauritanienne est divisée en trois camps, la Majorité, d’un côté, la Coordination de l’opposition démocratique (COD), de l’autre, et la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP), au centre, il est clair que les trois sentences citées plus haut prennent tout leur sens. Les deux premières constituant l’essentiel de la Bipolarité, qui était le maître mot de la politique, depuis Taya, avec une opposition qui se suffit de mettre en pratique le principe de la politique comme « l’art du possible »,  et un pouvoir qui sait qu’elle est plutôt « l’art de mentir ». La cassure survenue au sein de la COD, avec le départ de l’Alliance populaire progressiste (APP), d’Al Wiam et de Sawab, a ouvert la voie, en Mauritanie, et pour la première fois, à une vision médiane, constructive mais complexe, de la politique comme « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ».

Et, effectivement, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, met en avant aujourd’hui, à travers son initiative visant à sortir le pays de la crise dans laquelle il se débat depuis trois ans, ce « nécessaire » compromis que refusent, justement, la Majorité et la COD. Un refus qui ne laisse pas de place à autre chose que cette Bipolarité frontale, « ce moi ou rien » qui a toujours constitué l’essence de la politique en Mauritanie, et qui est à l’origine de tous les problèmes que le pays rencontre aujourd’hui, parce qu’il équivaut à un refus de changer, en mieux, et à la volonté de rafistoler en jouant toujours et toujours la carte du court et moyen termes. On ne cherche pas à bâtir quelque chose de solide, pour que l’on sorte enfin de cet « œil du cyclone ». Une attitude que représente, parfaitement, les solutions précaires que les mauritaniens ont apporté à leurs problèmes en 2005, en organisant une transition démocratique juste pour tenir des élections, élire un parlement et un président de la République, et en 2008, pour permettre au général Aziz de muer de putschiste à « président démocratiquement élu ».

Eviter les mêmes pièges

La finalité du dialogue entre la Majorité et ce qui est maintenant la CAP doit être, justement, de sortir le pays de cette précarité politique. Un énième retour à la case départ n’aura comme effet que faire douter les mauritaniens de leurs capacités à être comme les autres. A se dire, par exemple, que le Sénégal voisin a su éviter de sombrer dans la violence, à la veille d’élections données pourtant pour très risquées par l’ensemble de la communauté internationale. Pourquoi pas la Mauritanie, même si la particularité du pays est celle d’être l’une des têtes de listes dans les coups d’Etat en Afrique et dans le monde arabe ? Il suffit, tout simplement, que le peuple comprenne, comme l’a dit Castro, qu’il n’existe pas de mythe du « libérateur », que c’est lui-même qui se libère des chaînes de la politique comme « art de mentir » et à trouver la voie et les moyens qui lui permettent de juger les hommes sur leur bilan, de les récompenser ou de les punir. Par la voie des urnes.

Ainsi, Messaoud a tout à fait raison de refuser le « dégage » de la COD, sans toutefois suivre aveuglement le pouvoir dans ses errements quotidiens. Le pouvoir est souverain dans sa gestion des affaires publiques. L’élection du président Aziz, le 19 juillet 2009, lui donne ce droit de penser et agir pour le peuple. Pour cinq ans. L’erreur est donc permise mais il doit savoir, lui et son gouvernement, qu’ils sont responsables de tant de gâchis. Au peuple de savoir, à la prochaine échéance, dire non à la répétition de telles erreurs. A la COD, et à l’opposition de manière générale, de mobiliser pour que les populations se sentant abusées par le pouvoir, ne lui accordent pas leur suffrage aux prochaines élections. C’est cela la politique, en tant qu’art du possible ou de « rendre possible ce qui est nécessaire ».

Si le président de l’Assemblée nationale dérange aujourd’hui, c’est parce qu’il a su promouvoir cette voie de sagesse, cette pratique politique qui retrouve l’essence même de cet Art tel que l’avait conçu Aristote et tel qu’il a été vécu par les plus grandes démocratie. On cherche ici, pour une fois, à sortir des calculs qui ne prennent en considération que l’intérêt du groupe ou de la personne, sans aucun égard pour la Mauritanie et les Mauritaniens. L’idée même du refus de la violence, de l’opposition aux idées non aux personnes est le fondement d’une nouvelle vision de la politique qui, si elle est comprise par tous, consacrera ce « changement  constructif » promis par Aziz mais détourné de sa finalité par son entourage. Elle redonne la force au peuple qui, en jouant pleinement son rôle d’arbitre entre les différents camps politiques, devient « maître et possesseur » de son destin.

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