SNIM : Les dessous de la plus longue grève dans l’histoire de la société

8 mars 2015

SNIM : Les dessous de la plus longue grève dans l’histoire de la société

Travailleurs de la SNIM en grève (Photo : google)
Travailleurs de la SNIM en grève (Photo : google)

Qu’est-ce qui se passe, réellement, à la Société nationale industrielle et minière (SNIM) ? Je n’évoque pas ici le fait factuel de la grève de milliers de travailleurs, repris en long et en large, par des dizaines de journalistes et de commentateurs, mais de ce que cache le jeu d’un pouvoir qui laisse pourrir une situation des plus dangereuse pour l’économie nationale. Car, ne l’oublions pas, la SNIM est détenue à 78% par l’Etat mauritanien. Elle verse, bon an mal an, 90 milliards d’ouguiyas (285 millions USD) au Trésor public, soit 25% du budget de l’Etat !

Elle a également été souvent mise à contribution pour la réalisation de grands projets du gouvernement : hôpital régional de Nouadhibou (3 milliards d’UM), hôpital hépato-viral de Nouakchott (1,6 milliard d’UM), aéroport international de Zouerate (3 milliards d’UM), prêt de 15 milliards d’ouguiyas à la société Najah chargé de la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott, sans oublier l’implication récurrente de la société dans le financement de la Mauritania Ailines (achat d’avions) de travaux routiers (par l’entremise de sa filiale ATTM, aujourd’hui au bord de la faillite) et de contribution au plan d’urgence EMEL (achat d’aliments de bétail).

Tous ces décaissements ont fini par éloigner la SNIM de sa raison d’être. Une action sociale qu’elle pouvait certes supporter quand les prix du fer sur le marché mondial étaient à leur plus haut niveau mais pas maintenant où ils suffisent à peine pour permettre à l’entreprise de ne pas succomber. La grande erreur de la direction de la direction de la SNIM est d’avoir pris des engagements, en 2014, sans tenir compte du fait que les prix des matières premières sont fluctuants. Et qu’ils ne dépendent surtout pas du vendeur mais de l’acheteur !

Maintenant la réalité est là. Que fallait-il faire ? La direction de la SNIM a-t-elle choisi la bonne option ? Les travailleurs ont-ils pris le bon risque ?

Je pense, sincèrement, que la direction (donc le pouvoir) ne nous dit pas tout sur la situation financière actuelle de la SNIM. On sait déjà qu’elle était mal partie pour réaliser, dans les délais, son fameux programme stratégique NOUHOUD par lequel elle visait une production de 40 millions de tonnes à l’horizon 2025 lui permettant de faire son entrée dans le top 5 des plus grands producteurs mondiaux de fer. Un plan de développement qui misait surtout, tout comme pour la promesse faite aux travailleurs aujourd’hui en grève, sur la bonne santé des prix du fer générant des ressources financières considérables. Une première alerte a pourtant été donnée avec le désistement de la société Xtrata renonçant à la location, pour un milliard de dollars US/an de la ligne ferroviaire de la SNIM pour acheminer sa propre production de Zouerate vers le port minéralier de Nouadhibou.

Ce sont donc les mauvaises prévisions qui ont amené la SNIM dans la situation de précarité dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Et la crainte de devoir reconnaitre ces erreurs d’appréciations peuvent bien pousser le pouvoir à laisser pourrir la situation pour mettre tout sur le dos de la grève. Une grève dont l’incidence est certes considérable en termes de pertes pour la société mais qui est loin d’égaler les financements que la SNIM a consentis à l’Etat depuis 2009.

 

La vente ou la privatisation de la SNIM est-elle envisageable ?

 

Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)
Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)

Maintenant que la crise est consommée, et que personne ne sait réellement où elle peut mener, les mauritaniens commencent à envisager le pire pour cette société créée en 1974 par la nationalisation des Mines de Fer de la Mauritanie (créées en 1952 par la France pour exploiter les gisements de minerais de fer dans la région de la « montagne de fer » Kedia d’Idjil, près de Zouerate).

La meilleure solution serait, sans aucun doute, la reprise rapide des activités de la société. Mais, pour cela, il faut que la direction de la SNIM soit contrainte par le gouvernement à s’asseoir à la table des négociations avec les grévistes pour trouver un compromis. Qui prendra l’allure de ni vainqueurs ni vaincus. C’est-à-dire reconnaitre aux travailleurs leurs droits, en vertu de l’accord signé en 2014, et s’engager à mettre en œuvre les clauses possibles, ici et maintenant, en fonction de la situation financière de la SNIM.

Mais le pire, c’est cette rumeur persistante, comme en 2007, d’une vente possible – ou d’une privatisation – de la SNIM. Du temps du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui n’a jamais fait cas, ouvertement, de la volonté de vendre la SNIM, cette « arme » a été retournée contre lui. Et l’on continue encore aujourd’hui à dire, à chaque occasion qui se présente, que c’est l’actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui s’était opposé à cette liquidation. Alors peut-il se permettre ce qu’il aurait refusé à son prédécesseur alors qu’il n’était à l’époque que son chef d’état-major particulier ?

Si le Gouvernement qui possède actuellement 78 % de la SNIM (le reste appartenant à cinq organisations financières et minières arabes (dont le FADES et la BID) privilégie cette option, il devra avoir de solides arguments pour convaincre les mauritaniens sentimentalement liés à cette société qui représente 15 % du PIB de la Mauritanie et emploie environ 5 000 personnes.

Céder une bonne partie du capital de la SNIM, qui occupe le second rang des producteurs africains de minerai de fer avec une capacité annuelle de 13 millions de tonnes, à un partenaire stratégique équivaut à en faire une société commune comme Tasisat (propriété de Kinross) ou MCM (First Quantum) dont la maîtrise échappe totalement au gouvernement mauritanien.

Cette solution (de facilité) permettra au pouvoir d’avoir d’importantes ressources financières pour renflouer les caisses du Trésor public – et pouvoir financer de grands projets de développement aujourd’hui quasiment à l’arrêt – mais rencontrera, sans aucun doute, une forte résistance populaire, politique et syndicale aux conséquences imprévisibles.

 

Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)

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