L’école mauritanienne : Toujours à la recherche de la « bonne » réforme

Article : L’école mauritanienne : Toujours à la recherche de la « bonne » réforme
Crédit:
17 mars 2013

L’école mauritanienne : Toujours à la recherche de la « bonne » réforme

 

Crédit photo: Elhourriya.net
Crédit photo: Elhourriya.net

Les Etats généraux de l’éducation et de la formation, qui en parle maintenant depuis que les rideaux sont tombés sur ce que l’opposition a qualifié de « mascarade » au palais des Congrès de Nouakchott, le 3 février 2013 ? Un conclave qui a réuni quelques centaines de participants venant de divers horizons (spécialistes de l’éducation, hommes politiques, acteurs de la société civile, associations de parents d’élèves) mais qui a pris fin sans que le Grand Public sache vraiment qu’est-ce qui a été décidé ! Et puis, il y a une semaine, l’on apprend que la Commission chargée de la supervision des états généraux de l’éducation et la formation en Mauritanie a remis son rapport au président de la République. Rideaux (encore).

Ces EGEF, les Mauritaniens les attendaient depuis presque une décennie, avant la destitution du président Taya, le 3 août 2005. Tous ses successeurs les ont remis à plus tard parce qu’ils savaient qu’il s’agit d’une bombe à retardement. C’est pas facile de réformer l’école mauritanienne, c’est le prof réfractaire à l’enseignement qui vous le dit. Mille et un problèmes se dressent contre toute volonté de « soigner » un secteur malade de ses réformes et le moindre de ces écueils n’est pas celui de la langue. C’est l’enjeu même des EGEF, celui qui a fait qu’on a mis du temps pour avant d’ouvrir une nouvelle réflexion sur le système éducatif mauritanien pour remettre en cause toutes celles qui ont précédé (5 en 41 ans). Une compétition entre l’arabe et le français qui opposent nationalistes arabes négro-africains pour des considérations plus politiques et culturels que pédagogiques. C’est ce qui fait que, la tâche qui attend les pouvoirs publics n’est pas en soi la mise en œuvre des recommandations des EGEF mais la meilleure manière de concilier ces  deux positions. On aura alors à trouver la bonne formule pour ne pas avoir à passer du français à l’arabe (de l’indépendance à 1966, à un système hybride (en 1979),  « réformé » avantageusement en faveur des disciplines scientifiques (en 1999) avec une imposition de l’arabe dans les matières liées à la culture (philosophie, histoire, géographie, éducation civique et religieuse).

Dans le nouveau contexte mettant en avant la recherche d’une véritable panacée pour l’école mauritanienne, il faut s’éloigner des prises de position simplistes (positiver à outrance ou critiquer sévèrement, sans avoir de réponse à donner). Mettre en avant, par exemple, et comme on le faisait souvent dans le passé, le taux de scolarisation brut (de cent pour cent), la scolarisation des filles (plus importante en 1ere année du collège), l’augmentation du nombre de Mauritaniens qui savent « lire et écrire », l’étendue de la scolarisation (par le nombre d’établissements) où le passage au modèle d’excellence, comme référence pour l’avenir. Ou énumérer, au contraire, ce qui ne va pas (vision pessimiste) : baisse des niveaux, pas de comparaison possible entre hier et aujourd’hui (le niveau d’un élève du primaire était supérieur à celui d’un élève du secondaire), pour 1000 filles qui commencent leurs études au collège, seules 75 vont réussir au bac ! S’ajoutent à cela d’autres disfonctionnements dus à des « réformes » et à des visions qui, au lieu de tendre vers une amélioration ajoutent aux problèmes de l’éducation : Des facultés et des instituts qui participent à des projets de « production » de chômeurs, absence de critères « réalistes » pour les cursus privilégiant les formations qualifiantes, tenir en compte les contraintes et les défis pour que les recommandations qui seront faites constituent une rupture avec la situation actuelle.

Il ne s’agira plus alors, si les choses sont bien pensées – et, mieux encore, mises en œuvre – de former « pour la rue » mais pour les besoins d’un marché du travail qui a besoin de compétences en médecine, en ingénierie, en électricité, en hydraulique, en assainissement, dans le secteur de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture. Car le moindre des défauts du système actuel était que les textes sur l’éducation, dans toutes les réformes qui ont été menées, depuis l’indépendance à nos jours, « ne précisent pas vraiment les objectifs à atteindre », note un expert ; ce qui signifie que, de façon globale seulement, on sent que le pays a besoin de cadres « formés », c’est-à-dire ayant achevés leurs cursus, mais il n’y a jamais eu de loi d’orientation pour remplacer la batterie de textes faits pour réglementer les différents cycles (fondamental, secondaire, technique, supérieur). Pire, la plupart de ces textes sont dépassés, véhiculant des concepts « ramassés » pour répondre à une idée équivoque d’identité. Par exemple, dans les livres d’éducation religieuse, on insiste fort sur la prière, en tant que pilier principal de l’Islam (ce qui est bien) mais pas suffisamment sur l’unité nationale et sur la solidarité (qui sont tout aussi des valeurs importantes dans une société musulmane).

Un état des lieux désolant

Pour ce qui est de la situation actuelle de l’éducation, les chiffres livrés au cours de cette présentation générale, donne une idée de l’ampleur de la tâche. Au niveau de l’organisation, des curricula et du rendement scolaire, le chemin est long à parcourir. Dans le préscolaire, le taux de présence est de seulement 5,2%, alors qu’il est de 12% chez nos voisins africains) et de 15% dans le monde arabe. Au Fondamental (d’une durée de 6 ans), la scolarisation est « théoriquement » obligatoire (entre 6 et 14 ans) et atteint des records (100%, à l’état brut), plus que dans beaucoup de pays en développement, mais la déperdition atteint plus du tiers ! La situation actuelle s’éloigne encore, de plus en plus, du concept de l’école républicaine avec les grandes disparités entre le secteur public (devenu l’école des « fils de pauvres ») et l’école privée (où les Mauritaniens aisés préfèrent placer leurs enfants), entre le milieu urbain (taux de présence de 87%) et le milieu rural (64%). Ces disparités sont encore plus frappantes (plus gênantes) si on les regarde suivant la division de la population en quintiles : 87% des enfants du quintile le plus aisé achèvent leur cursus contre 40% pour le quintile le plus pauvre ! Dans le milieu rural, ils ne seront plus que 19% seulement pour le quintile le plus pauvre.

L’énumération de ces statistiques scolaires d’un système malade donne donc à réfléchir, non seulement au cours terme, comme on l’a souvent fait, dans la perspective de juger une année par rapport  à sa précédente, mais de « réformer » judicieusement pour inscrire les améliorations dans la durée. Il faut donc revoir les programmes qui sont le plus souvent inadaptés (ex : parler de la zakat au primaire), du livre scolaire (production, édition, distribution, etc) qui ne doit plus être le monopole de l’IPN, si les contenus sont déterminés une fois pour toutes, et des approches (APC ou approche par les contenus) qui continuent, à l’heure actuelle, à être un amalgame dans les collèges et lycées de Mauritanie. Sans donc une vision globale et novatrice, qui doit se traduire dans les recommandions de ces états généraux de l’éducation, mais il est certain que l’école mauritanienne peinera encore et encore à rattraper « le temps perdu ».

 

 

Étiquettes
Partagez