Mauritanie : La crise, notre « normalité »

31 octobre 2016

Mauritanie : La crise, notre « normalité »

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Marche de l’opposition à Nouakchott (Photo : réseaux sociaux

Cette fois, c’est clair : Aziz a bien dit qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Mais a-t-il vraiment dit qu’il quittera le pouvoir ? L’opposition continue à ne pas croire un président qui a chaque fois joue et gagne. En 2005, les militaires qui avaient renversé le président Taya, Aziz en tête, avait déclaré qu’ils laisseront le pouvoir aux civils, à la fin d’une transition militaire de 24 mois, finalement ramenée à 19. Le colonel Ely, le président de cette transition qui, on l’apprendra plus tard à nos dépends, était une partie de poker menteur, a bien cédé la présidence au premier président « démocratiquement élu », Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, mais Aziz est resté. De son poste de chef d’Etat-major particulier du président, mais surtout de commandant du fameux BASEP (Bataillon de la sécurité présidentielle), il assurait en fait une « gouvernance par procuration » sur tout le pays. Première trahison. Et l’on connait la suite. Sidioca qui a voulu exercer son mandat à plein temps a été renversé au bout de quinze mois par le duo Aziz-Ghazouani qui avaient à leur solde le « bataillon civil » des élus de la majorité. Ce qu’on avait appelé à l’époque, la « fronde » parlementaire n’était en fait qu’une tentative de coup d’Etat déguisé finalement rondement mené par le général Aziz. Mais ceci est de l’histoire ancienne.

Aujourd’hui, la crise est toujours là. Aziz a joué depuis pour se maintenir au pouvoir mais il n’a jamais réussi, réellement, à vaincre une opposition qui, malgré les nombreuses défections, continue à lui donner du fil à retordre. La marche et le meeting du 29 octobre dernier en était la parfaite illustration. Elle rejetait les conclusions d’un dialogue « national » mené entre la majorité et une partie de l’opposition assimilée, à tort ou à raison, aux soutiens du président Aziz.

L’opposition qui est sortie dans la rue tire sa force de la faiblesse d’une majorité mise au pas. Les changements proposés durant le dialogue relève des caprices. Deux bandes rouges à ajouter au drapeau national, l’hymne national à changer, le sénat à remplacer par des conseils régionaux et les pouvoirs du président de la République à étendre. C’est finalement ce dernier point qui fait douter de la bonne foi du président Aziz : comment un président qui s’apprête à quitter le pouvoir s’ingénie-t-il à renforcer les pouvoirs de son successeur ?

Ainsi, le dialogue national « inclusif » (ou exclusif) n’est que l’Acte I d’une tragi-comédie politique, comme savent les vivre les mauritaniens. La marche de l’opposition, aussi imposante soit-elle, n’empêchera pas le pouvoir de mener jusqu’au bout son plan de contrôle des affaires de l’Etat. Le référendum devrait se tenir le plus vite possible parce que, le processus est long. Et si, comme le pense l’opposition, le président Aziz manœuvre pour ne pas quitter le pouvoir en 2019, les trois ans qui nous séparent de cette échéance serviront à mettre en place un système régénéré qui pourrait faire passer les pouvoirs du président de la République à un Premier ministre qui, dans ce cas de figure, ne sera qu’Aziz lui-même.

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