Burkina : le dernier putsch en Afrique ?

2 octobre 2015

Burkina : le dernier putsch en Afrique ?

Le général Gilbert Diendéré (Photo : google)
Le général Gilbert Diendéré (Photo : google)

Les derniers événements du Burkina sont pleins d’enseignements. Je les vois comme la fin d’une époque, d’une pratique infamante qui a beaucoup terni l’image de l’Afrique : les coups d’Etat.

Je ne dis pas qu’un général, un capitaine ou un simple sergent ne peut se réveiller un beau jour et dire « pourquoi pas moi », mais je crois, sincèrement, que la leçon burkinabè servira à quelque chose. Le peuple a dit son mot. La démocratie est en marche. Il ne s’agit plus de prendre le pouvoir, en profitant d’un manque de vigilance du peuple (et de l’armée régulière, dans le cas de la Mauritanie, en 2008, et du Burkina en 2015) mais de le garder. Le peuple souverain décide seul et l’armée républicaine est la garante de ce choix. Le général Diendéré vient de l’apprendre à ses dépens. Le coup d’Etat du général Aziz, présenté en 2008 comme une « Rectification », devait connaître le même sort, si l’opposition avait eu du souffle et si ses chefs n’avaient pas mis en avant leurs ambitions personnelles : dépasser la crise (sacrifier le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi), aller aux élections et faire tout pour être président à la place du président ! Les adversaires politiques du général mauritanien avaient seulement oublié une chose : on ne mène pas deux putschs en l’espace de deux ans (3 août 2005-6 août 2008) pour céder le pouvoir à un civil qui n’a pas gagné ses galons en politique à force de persévérance. L’histoire retiendra cependant une chose : là où les Mauritaniens ont échoué en 2008, les Burkinabè l’ont réalisé en 2015.

Je ne partage pas l’avis de ceux qui disent que les deux situations étaient différentes. Un coup d’Etat reste un coup d’Etat, le reste relève du détail : la personnalité de son instigateur, le rapport de force entre le pouvoir et l’opposition, l’attitude de l’armée régulière, la mobilisation populaire pour ou contre le changement. En Mauritanie, la transition avait été manipulée pour avoir les résultats que l’on sait. La conséquence était attendue : une lutte pour le pouvoir entre les partisans d’un général qui avait toutes les cartes entre les mains et ceux d’un président « démocratiquement élu » certes mais qui avait commis le péché originel d’être l’instrument, le cheval de Troie par lequel Aziz s’est introduit pour légitimer sa « Rectification » et, ensuite, la légaliser. Le compagnonnage entre Sidioca et Aziz était, en fait, le meilleur argument des partisans de ce dernier pour parler de « trahison » des principes et de la nécessité d’un retour à un agenda établi par les putschistes du 3 août 2005.

Au Burkina, le général Diendéré avait les événements contre lui. Remettre en cause un processus démocratique presque arrivé à terme a provoqué une sorte d’électrochoc. Diendéré n’avait pas de motivations suffisantes pour jouer et être sûr de ne pas perdre. Le patron du régiment de la sécurité présidentielle (RSP), l’équivalent en Mauritanie du Basep (bataillon pour la sécurité présidentielle) avait tout simplement agi bêtement. Il voulait le pouvoir sans raison, il a provoqué une réaction en chaîne qu’on peut qualifier aujourd’hui, sans risque de se tromper, de prescription populaire contre les coups d’Etat en Afrique.

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