Mauritanie : dialogue…exclusif

7 septembre 2015

Mauritanie : dialogue…exclusif

Dialogue de 2011 (Photo: archives AMI)

C’est parti pour un nouveau round du dialogue politique en Mauritanie. Plus de 500 personnes conviées ce 7 septembre au Palais des Congrès  de Nouakchott. Mais aucun parti politique de l’opposition radicale : le Forum national pour l’unité et la démocratie (FNDU). Même « l’autre opposition », la Coalition pour l’unité et une alternance démocratique (CUPAD) a boudé ces assises qui, finalement, risquent de se transformer en dialogue…exclusif ! Certes, l’un des présidents de la CUPAD, Boidiel Ould Houmeid, est présent à l’ouverture de ces « journées préparatoires au dialogue nationale inclusif ».

Ce dialogue-là risque d’être un simple remake de celui de 2011. Le pouvoir dialogue certes mais pas avec les vrais opposants. Certes, en 2011, Messaoud Ould Boulkheir, alors président de l’Assemblée nationale, et ses deux alliés de la CAP (Coalition pour une alternance pacifique), Boidiel Ould Houmeid et Abdesselam Ould Horma (président de Sawab), avaient cautionné un dialogue sans le FNDU et réussi à faire passer des amendements constitutionnels jugés positifs, mais aujourd’hui il refuse de prendre part à un dialogue plutôt exclusif.

Tout est parti avec cette fameuse lettre du ministre Secrétaire général de la présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf invitant les présidents des partis de la majorité et de l’opposition à un dialogue national ce 07 septembre 2015 ! Une lettre qui a surpris plus d’un parce que, justement, la majorité et l’opposition venaient de se quitter, « à l’amiable », sans parvenir à s’entendre sur ce que le FNDU appelait les « préalables ». Des conditions  à remplir par le pouvoir pour que l’opposition accepte de s’asseoir avec lui autour d’une même table pour discuter des questions qui fâchent.

 

Que cherche le pouvoir et que peut l’opposition ?

 

Le pouvoir persiste et signe : il n’y a pas de crise dans le pays. Ni politique, ni sécuritaire, ni sociale ni économique. Le gouvernement le dit à chaque occasion et le président de l’Union pour la République (UPR), Me Sidi Mohamed Ould Maham prend un malin plaisir à le répéter. Et quand les journalistes demandent au président du parti au pouvoir « pourquoi dialoguer donc » ? il répond : « c’est une tradition que le pouvoir a adoptée et compte perpétuer » !

Alors que cherche le pouvoir ? Exclure le FNDU ? C’est déjà fait puisque ce dernier n’a aucun député, aucune mairie et aucun sénateur, si l’on excepte ceux du parti islamiste « Tawassoul » qui, lors des dernières élections municipales et législatives, avait faussé compagnie à ses amis de l’opposition en refusant le boycott. Reprendre les élections de 2013-2014 pour permettre à l’opposition de se présenter ? Cela ne nécessite pas un conclave du genre de celui de 2011 ; le président Aziz pouvant décider, à son réveil, de décréter la dissolution du parlement pour remettre les compteurs à zéro. Alors quoi au juste ?

Il semble de plus en plus évident que le président Aziz cherche la formule magique pour rester au-delà de son second mandat qui prend fin en 2019. C’est la question du comment qui se pose à lui aujourd’hui. « Ouvrir » la constitution pour permettre un troisième mandat ou réaménager les textes pour transvaser les pouvoirs du président de la République vers ceux du Premier ministre et nous jouer un tour à la Poutine-Medvedev ? Et si c’était cela la vraie raison du dialogue ? Et si ce dialogue-là devait préparer la tenue d’un referendum sur la question, exactement comme la démarche entreprise au Rwanda par Paul Kagamé ? Et si ? Et si ?

L’arme de l’opposition pour contrecarrer ces manœuvres du pouvoir est, justement, de ne pas y prendre part. Le principe de la « non violence » politique est transformée par elle en stratégie de « non participation » à tout ce qui ne sert pas ses intérêts. Et son agenda. Car n’oublions pas que la politique est « l’art du possible ». L’opposition qui a échoué aux élections de 2007, 2009 et 2014, et qui n’a pu déclencher en Mauritanie un « été » arabe (le printemps était une fausse annonce) sait maintenant que le pouvoir ne partira que forcé. Par l’accumulation de ses propres erreurs. Par une crise économique aux ramifications multiples. Ou lâché par la France qui ne croirait plus à son rôle d’acteur de premier plan dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Ou emporté par un énième coup d’Etat.

 

 

 

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