Mauritanie : Les quat’ vérités du président Aziz

11 mai 2015

Mauritanie : Les quat’ vérités du président Aziz

La conférence bis repetita du président Aziz n’avait appartement qu’un seul objectif : faire oublier le désastre de celle de mars dernier. La prestation du président lors de sa dernière sortie a été diversement appréciée. Mieux que la dernière fois. C’est sûr. Mais elle a laissé en suspens les questions qui fâchent. Celles qui ont été abordées n’ont pas reçu de réponses tranchées. Seulement des pistes. Une matière à élucubrations comme on n’en manque jamais dans une Mauritanie où la rumeur fait souvent l’actualité. Et force le gouvernement à réagir. Sans toutefois livrer les vraies réponses. Un exercice que le président Aziz affectionne.

Avant, il saisissait l’occasion d’une visite « inopinée » à une administration publique, souvent un hôpital, pour répondre à une question – ou une attaque – de l’opposition. Depuis un certain temps, ce sont les conférences de presse. Après chaque visite à l’intérieur du pays. Une opportunité pour Ould Abdel Aziz de livrer ses vérités en cette période de crise politique qui ressemble fort étrangement à celle qui avait suivi la « Rectification » d’août 2008.

quatre réponses à quatre questions parmi plusieurs posées par les journalistes (4 de la presse « indépendante » et 2 des médias publics) au président Aziz ont retenu mon attention.

 

  1. Le dialogue 

 

Comme il le fait souvent, en période préélectorale, le président Aziz se dit prêt au dialogue avec l’opposition. Et, quand il le dit, la majorité suit. Parfois même, elle se montre plus empressée à aller dans un sens qu’elle refusait pourtant il y a peu. Ce sera une ligne de conduite qui ne changera que le jour où le président fait subitement volte-face, trouvant que le dialogue avec l’opposition est impossible.

Donc dit Aziz : allons pour le dialogue mais un dialogue sans « préalables », « sans lignes rouges », comme aime à dire Me Sidi Mohamed Ould Maham, président de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie.

Cependant, le rejet des « conditions » de l’opposition (libération des militants des droits de l’homme embastillés à Aleg, baisse des prix des hydrocarbures, dissolution ou « normalisation » du statut de la Garde présidentielle) est vu par bon nombre d’observateurs comme le rejet, pur et simple, du dialogue. Même si la délégation de la majorité conduite par le ministre secrétaire général de la présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf, a rencontré, hier samedi, au palais des congrès de Nouakchott, celle du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) conduite par l’ancien bâtonnier et ancien ministre de la Justice, Me Mahfoud Ould Bettah.

 

  1. L’affaire dite du « Ghanagate »

C’est une histoire rocambolesque que celle dite du « Ghanagate ».

Il s’agit d’un enregistrement dans lequel les voix du président Aziz, alors commandant du Bataillon de la sécurité présidentielle (Basep), en 2006, et de Coumba, actuelle ministre de la jeunesse et des sports, ont été reconnues. Une transaction aux relents mafieux, impliquant un Irakien vivant à Accra et portant, dit l’opposition, sur un trafic de faux dollars. Aziz a reconnu les faits mais a parlé de « tentative d’arnaque » !!! Le mystère reste entier même si l’opposition, qui avait constitué une commission d’enquête, jubile et déclare que le président sera rattrapé, un jour ou l’autre, par son passé.

 

  1. L’argent de la SNIM

 

Ebranlée par deux mois de grève sur fond de chute vertigineuse des prix du fer, la Société nationale industrielle et minière (SNIM), a été accusée par l’opposition d’avoir servi de « caisse noire » au président Aziz. Des dizaines de milliards d’ouguiyas dépensées dans des projets qui n’ont rien à voir avec le domaine d’activité de la SNIM. Comme l’octroi d’un financement de 15 milliards d’UM (50 millions de dollars US) à une société privée chargée de la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott, des interventions, à coups de milliards, dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’achat d’armes et de la sécurité alimentaire. A ce jeu, la facture est énorme : 400 milliards d’UM (13 milliards de dollars américains), dépensés sur « ordre du président », accuse l’opposition. Ould Abel Aziz rétorque : « à quoi sert la SNIM sinon à servir le peuple ? L’argent qui dort dans les coffres n’a aucune utilité », assène-t-il, balayant d’un revers de la main l’accusation de gabegie par des dépenses non budgétisées et non autorisées par le parlement.

 

  1. L’esclavage

 

Sur cette question, le président Aziz reste imperturbable : il n’y a pas d’esclaves en Mauritanie. Il consent tout de même à parler de « séquelles » et rappelle que son gouvernement a créé une agence, « Tadamou » (solidarité) doté d’un budget d’une dizaine de milliards d’ouguiyas chargée d’aider les descendants d’anciens esclaves à « rattraper le temps perdu ». Ici, on peut accuser le pouvoir de mauvaise foi parce que, régulièrement, des cas sont soumis aux autorités judiciaires du pays et, coup sur coup, deux fatwas sont venues dire que l’esclavage n’est plus licite ou qu’il ne l’a jamais été en Mauritanie ! Venant d’oulémas proches du régime (Hamden Ould Tah) et d’un érudit ayant des affinités avec l’opposition (Ould Deddew), ces prises de position, quoique tardives, donnent raison à l’Initiative pour la résurgence d’un mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) dont le président, Biram Ould Dah Abeid, et son adjoint, Brahim Ould Bilal, croupissent en prison, depuis janvier, pour avoir dénoncé l’esclavage foncier.

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