Mauritanie : Le Grand Cirque des Villes Anciennes

4 janvier 2015

Mauritanie : Le Grand Cirque des Villes Anciennes

Arrivé du président Aziz à Atar, en route pour Chinguetti (Crédit photo: AMI)
Arrivé du président Aziz à Atar, en route pour Chinguetti (Crédit photo: AMI)

La cité historique de Chinguetti accueille cette année, du 04 au 10 janvier, la cinquième édition du Festival des Villes Anciennes qui concerne, outre cette ville, les autres cités historiques de Ouadane, Oualata et Tichit.

C’est le président Mohamed Ould Abdel Aziz qui avait « décrété » en 2010 que ces villes qui ont sérieusement pâti de la désaffection de la Mauritanie par les touristes occidentaux depuis 2007, suite aux attaques terroristes de Lemghaïty, Ghallaouy et Tourine, vont accueillir cette manifestation qui draine vers elles tous les décideurs politiques et économiques du pays. Car là où va le Rais, la Mauritanie va. Elle l’a fait avec Haidalla, Taya et Sidi¹ et elle estime avoir mille et une raisons de le faire avec Aziz. Lutte contre la gabegie, réforme agricole, santé, éducation et maintenant retour au terroir. Même forcé. Même pour quelques jours. Chinguetti, localité de moins de cinq mille habitants, perdue dans le désert de l’Adrar mauritanien, va devenir, le temps d’une visite présidentielle, la capitale du pays. « Ministrés », notables des autres wilayas, élus, gradés de l’armée, hommes d’affaires, artistes et intellectuels de premier, deuxième ou troisième degré, vont rivaliser d’adresse dans tout, sauf la culture censée pourtant être la raison d’être de ce festival qui a plutôt l’allure d’un Grand Cirque. Le président de la Fédération mauritanienne de tir à la cible, Mohamed Salem Ould Ely Vall, l’a bien dit, sur une chaîne locale, et à la veille du lancement de cette cinquième édition du festival des villes anciennes : « Les personnalités qui viennent resteront à peine deux jours, le temps de la visite du Raïs, et s’empresseront de rentrer à Nouakchott, sans attendre la fin des activités culturelles et artistiques ». A croire que leur seul objectif était d’être venus et…d’être vus.

Cité  historique de Chinguetti (Photo: google)
Cité historique de Chinguetti (Photo: Arnaud Bernard)

Pourtant, ce Grand Cirque rapporte beaucoup. Il est l’occasion rêvée pour beaucoup de « se sucrer ²» sur le dos du pauvre contribuable. L’Etant engage des montants énormes pour favoriser, le temps d’un festival, le développement local mais les prélèvements, à tous les niveaux de la chaîne des intervenants, diminuent considérablement le profit que les habitants de la localité visitée tirent de ce festival. Seules les réhabilitations de vieux bâtiments et l’argent (40 millions d’ouguiyas) versé aux familles qui reçoivent les hôtes, leur arrivent directement. Les préparatifs en amont, au niveau de Nouakchott, profitent plutôt à ces fonctionnaires véreux qui, sevrés par Ould Abdel Aziz et ne pouvant plus dilapider comme avant leurs budgets de fonctionnement, trouvent là l’occasion de se servir au lieu de servir. Ils auront seulement réussi, dix jours sur 360, à donner l’illusion à ces pauvres populations que l’Etat veille sur eux, que le développement est en marche, alors que, dans la réalité, c’est une manifestation folklorique qui ne rime à rien. On aura chanté et dansé nuit et jour pour transcender la réalité d’un vécu des plus durs. Mais le rêve prend toujours fin. En attendant le prochain festival.

1. Trois anciens présidents mauritaniens.

 2. Détourner

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