Mauritanie : la présidentielle n’aura pas lieu le 21 juin prochain

10 mai 2014

Mauritanie : la présidentielle n’aura pas lieu le 21 juin prochain

Partis candidats aux législatives 2013 (photo : google)
Partis candidats aux législatives 2013 (photo : google)

Six candidats en lice pour la présidentielle du 21 juin prochain. Cette information a été reprise toute la journée du 7 mai par la presse nationale et internationale, date fatidique fixée par la  Commission électorale nationale indépendante (Céni) pour le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle en Mauritanie.

Pourtant, le profil de la plupart des concurrents de l’actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz, mais surtout le boycott de ce scrutin par les partis du Forum national pour la démocratie et l’Unité (FNDU) ainsi que par l’Alliance populaire progressiste (APP) du président du Conseil économique et sociale, Messaoud Ould Boulkheir, me font penser que la présidentielle n’aura pas lieu le 21 juin prochain. Pour plusieurs raisons. Et malgré ce que répète, de nuit comme de jour, le ministre de la  Communication et des relations avec le Parlement, Sidi Mohamed Ould Maham.

Le président Aziz va sans doute rééditer son « coup » du 6/6/2009, en donnant l’illusion que  la machine déjà en marche ne peut plus s’arrêter puis, au dernier moment, accepter le report. Fort de ses « acquis » mais aussi de la faiblesse d’une opposition divisée et non préparée, il ne perd rien à accepter un report de deux ou trois mois qui lui permette d’attirer le FNDU dans le  piège d’une élection gagnée d’avance.

Il y a aussi que le boycott de ce scrutin par le parti de Messaoud Ould Boulkheir, un homme que d’aucuns ont toujours vu, depuis 2011, comme la « caution » morale et politique de l’ouverture démocratique du pouvoir, a brouillé les cartes de celui-ci. Une élection sans les ténors du FNDU (Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Maouloud, Jamil Mansour), cela passe encore mais l’absence de Messaoud Ould Boulkheir est vue par bon nombre  de Mauritaniens comme un retour à la case départ, une « reconfiguration » qui ramène le pays vers la  crise de 2008-2009 et, surtout, une remise en cause de l’élection municipale et législative de décembre 2013. Dans la ligne de mire du président de l’APP se trouve  une Céni dont la recomposition, posée  comme principale exigence par Messaoud, nécessite à elle seule le report du scrutin.

L’incidence négative du refus de Messaoud Ould Boulkheir à s’aligner pour la course à la présidentielle se fera aussi ressentir sur le  plan international. Européens et Américains la percevront comme l’émanation d’une crise politique que la COD et, après elle le FNDU, ont toujours mise en avant pour présenter le pouvoir d’Ould Abdel Aziz comme non « démocratique » et exiger que les partenaires au développement de la Mauritanie perçoivent son refus de dialoguer avec une certaine opposition comme un acte répréhensible. Et en tant que « président de l’Union africaine », comme aiment à le souligner les médias officiels, Ould Abdel Aziz aura sans doute à cœur de gagner une élection présidentielle sans tache. Juste avant d’aller à Washington coprésider avec Barack Obama un sommet afro-américain qui ajoutera à sa stature internationale un galon de plus.

Nonobstant la stature politique de Boydiel Ould Houmeid, les autres adversaires d’Ould Abdel Aziz ne peuvent pas lui faire courir le risque d’organiser une présidentielle presque sans enjeu. Car ce qui compte pour le « président des pauvres » soutenu par une forte coalition de partis et des « initiatives » qui fleurissent chaque jour, ce n’est pas de rempiler pour un second mandat (une quasi- certitude) mais de montrer à la face du monde qu’il y a eu rédemption après son coup d’Etat d’août 2008 et que le « doute » sur son élection « démocratique », en 2009, n’est plus permis. Un objectif qui ne peut être atteint qu’avec la participation de ceux qui se barricadent aujourd’hui derrière la nécessité de former un gouvernement d’une nationale et de revoir les règles du jeu. Un risque qu’Aziz pourrait bien courir pour ne pas avoir à gagner sans mérite.

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