Autour d’un thé : la Mauritanie, le pays où tout est jeu

17 avril 2014

Autour d’un thé : la Mauritanie, le pays où tout est jeu

Crédit photo : Slateafrique
Crédit photo : Slateafrique

Les Mauritaniens sont les plus ridicules du monde. Je veux dire les plus risibles. C’est-à-dire, pour moi, ceux qui font le plus rire au monde. Le plus marré. Je ne sais pas si vous avez compris ce que je veux dire.

Ce que je veux dire, c’est que les Mauritaniens sont les plus rigolos de ce monde. Pas que leurs comportements, leurs us et coutumes fassent rire. Non, non. Mais qu’eux-mêmes sont des êtres à faire mourir de rire. En cela, pas de disparités. Toutes les communautés ont une histoire avec le rire. Toutes les classes. Toutes les catégories socioprofessionnelles. Même les plus haut placés.

Commençons par la tête. Quand un président passe tout un moment (vers deux heures de temps) à faire croire à son peuple qu’il n’a pas un âne, ni un tracteur, ni une benne. Et que par providence, il a juste une petite société de forage qui construit des puits pour les pauvres. Ça fait quoi ? Touche pas à mes ministres contre Touche pas à ma nationalité (TPMM contre TPMN). Qui dit mieux ?

Toute autre chose est possible. Et cette histoire de délai. Mais la Constitution, c’est la Constitution. Le président ne veut pas qu’on y touche. Je te frappe, mais je ne laisse quiconque te frapper. Jamais plus ça. Ces choses sont finies depuis qu’elles sont finies.

Et, comme disait une femme du sixième arrondissement : « La politique, c’est la politique et qui ne connaît pas la politique doit laisser la politique, puisque la politique, c’est la politique ». Autrement dit, les élections sont les élections, qui veut les élections, voici les élections ; qui ne veut pas les élections, on les fera quand même et mes ministres, on ne les touche pas et le délai avec, puisque la Constitution, c’est la Constitution. Et ce n’est pas parce que sur un coup de tête, moi, j’ai marché un peu dessus, que n’importe qui peut y prétendre. Moi, c’est moi.

Et puis il faut laisser quelque chose passer. Il ne faut pas en faire un gourdin du cou à brandir à toutes les occasions. L’autre soir, un ministre demandait, à l’opposition, de prendre l’avis des populations pauvres – de toute la Mauritanie, finalement – sur la manière dont est géré le pays. Elles vous en diront des choses.

Le courage, la témérité, la bonté, la grâce, la gentillesse, la douceur, la beauté, la bénédiction, la sagesse, la justice, la commodité, la sympathie, l’aide et toutes les autres vertus de ce providentiel pouvoir.

A mourir de rire, quand tu entends un ministre t’égrener les réalisations de son système. A mourir de rire, quand tu le vois détaler à quatre pattes, quand tu lui parles d’un quelconque ancien président. A mourir de rire, quand il te parle de la présidence de l’Union africaine ou quand, en plus du président de la République, le speaker ou la speakerine est obligé de réciter, à tue-tête, la longue litanie de président-de-la-République-et-président-en-exercice-de-l’Union-africaine.

A mourir de rire, quand tu entres sur le site Internet de l’AMI (Agence mauritanienne d’information), et que tu prends la peine de lire certaines biographies dont celle du président. A mourir de rire, ce double discours que vous tiennent les officiels, selon qu’ils sont loin, très loin, avec des personnes en qui ils ont confiance, ou calfeutrés dans leur bureau, sous l’œil vigilant de ceux qui n’ont pour mission que de la rapporter toute chaude.

A mourir de rire, ce dialogue auquel personne ne croit et qui sert, juste, à amuser la galerie et dont les résultats ne seront d’aucun intérêt, ni à la majorité ni à l’opposition. A mourir de rire, ce pauvre peuple de Mauritanie considéré comme un jouet, entre les mains d’un pouvoir qui s’en sert pour légitimer ses conneries et une opposition, visiblement naïve, qui veut s’en servir pour assouvir des desseins dont les contours ne lui semblent pas encore tout à fait clairs.

A mourir de rire, ce bûcheron du village qui, à défaut de pouvoir porter son fardeau, ne trouve pas mieux que d’en rajouter puisqu’il sait qu’il n’entamera pas le moindre pas. A mourir de rire, ces Mauritaniens si ridicules, si risibles, si rigolos au point que rien, pour eux, ne mérite d’être envisagé avec sérieux. Seul le rire est grand, toute autre chose est faiblesse. A mourir de rire.

Et, avec tout ça, je suis encore vivant ? Non, ce n’est pas le rire qui est grand, c’est bien Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux…

Sneiba El Kory (Le Calame)

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