Autour d’un thé : gabegie, la presse aussi ?

1 janvier 2014

Autour d’un thé : gabegie, la presse aussi ?

HAPA (crédit photo: Saharamedias.net)
HAPA (crédit photo: Saharamedias.net)

Nul ne meurt sans avoir eu son jour, de gloire s’entend. Vieille sagesse populaire. La vie, c’est connu, a ses hauts et ses bas. Ses fonds et ses tréfonds. Même pour la presse.

Cette donneuse de leçons. Cette nageuse en eaux troubles. Cette prétentieuse qui se permet, à tout va, d’arrondir les angles, par-ci, et redresser les dysfonctionnements des oueds, par-là. Elle n’est, ce faisant, pourtant que dans son rôle. Mais il faudrait qu’elle s’assure que, devant sa case, tout est propre.

Vraiment clean. Du dedans. Du dehors. Les hommes, pour les mettre à l’épreuve, ce n’est ni à travers ni prière, l’endurance, le jeûne, la privation, l’injustice, encore moins les voyages.

Mais à travers l’argent. Pour tester cette honnêteté présumée ou réelle, pour mettre à l’épreuve les principes maintes fois ressassés dans les éditoriaux et autres articles pompeux, il n’y a que le nerf de la guerre qui puisse valider la bonne foi et la croyance profonde en ces vertus régulièrement déclamées.

Naturellement : Ta main est de toi, même si elle est paralysée et ton nez est de toi, même s’il n’est pas bien « tracé ». Mais il est foncièrement indécent de dire une chose et de faire son contraire. L’argent public, c’est l’argent public. Pas plus, ni moins. Qu’il provienne d’une commission ou d’une affaire traitée sous table.

Qu’il provienne de manipulations issues de la mise en œuvre d’un projet ou de faveurs indues, soutirées à des établissements, ou de perfides manœuvres, machiavéliquement organisées par un groupe de spécialistes, carnassiers invétérés de la chose publique. L’argent public reste l’argent public.

Qu’il soit destiné aux gens de Bouratt¹ ou aux quartiers précaires de Nouadhibou, via la zone franche, ou aux anciens esclaves, par le biais de l’agence Tadamoun², ou à de proches parents et beaux-frères, par le truchement de partis politiques conjoncturels, l’argent public est toujours de l’argent public.

Qu’il soit ravagé par un président, un ministre, un général, un super directeur, un mini directeur, un comptable, un fonctionnaire ordinaire ou un journaliste. L’argent public n’a d’autre nom que l’argent public. L’IGE, la Cour des comptes, les organes internes de contrôle des ministères n’ont leur raison d’être que lorsqu’ils sont prompts à le poursuivre là où il est entré.

Dans la poche (comme dit l’artiste Ebeïbe Ould Nana). Dans les comptes. Dans le portefeuille de madame. Ou blanchi en villas cossues, troupeaux de luxe qui ne servent, par la grâce d’Allah, qu’à fortifier le cou des bergers et la musculature de leur progéniture ou à fonder banques et sociétés-écran susceptibles d’assurer une retraite, paisible, à une peuplade de fonctionnaires civils et militaires véreux ayant échappé à toute poursuite. En moins d’un mois, dame Presse est impliquée dans deux scandales.

A tort ou à raison. En tout cas, comme le dit si bien l’adage : « La médisance, même si elle ne colle pas, laisse, quand même, une cicatrice ». Avec ces accusations, fausses ou avérées, l’institution de la presse est honteusement entachée. Pour juste quelques millions.

Pour juste quelques prébendes, touchées, discrètement, quelque part en un misérable bureau de renseignements, devant la porte dérobée d’un ministère ou d’un service sans nom d’une certaine présidence. La Mauritanie est toujours le pays du million de quelque chose. Elle était, jusque-là, le pays des poètes.

Elle est devenue, aussi, le pays d’un million d’ONG, le pays d’un million de journalistes, le pays d’un million de partis politiques, le pays d’un million de mendiants, le pays d’un million de chômeurs, le pays d’un million de putschistes, le pays d’un million de vendeurs de cure-dents, le pays d’un million d’Arabes, le pays d’un million de Berbères, le pays d’un million de Négro-Africains, le pays d’un million de Harratines, le pays d’un million de sages, de corrompus, de menteurs, de tricheurs, de Saints et de Satans…Renversement de rôle. C’est très habituel, en Mauritanie. La presse chahutée.

La démocratie par l’armée. Les civils sur le front ! De la décrépitude, du mensonge et du dédoublement. En avant, marche !

 Sneiba El Kory (Le Calame)

 1. Localité réputée la plus pauvre en Mauritanie.

2. Tadamoun: Solidarité: Agence gouvernementale pour lutter contre l’esclavage .

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